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étendus sur l’Incarnation du Verbe, il était à craindre que certains petits esprits, que ces âmes qui rampent à terre, ne s’arrêtassent à ces seuls dogmes, comme Paul de Samosate. Justement préoccupé d’arracher à ces basses pensées ceux qui seraient tentés d’y tomber, et voulant élever leurs regards vers le ciel, saint Jean a soin de commencer sa narration par l’existence céleste et éternelle du Verbe. Saint Matthieu avait commencé son histoire parle roi Hérode ; saint Luc par Tibère-César ; saint Marc par Jean-Baptiste ; saint Jean laisse là toutes ces choses, s’élève incontinent et au-dessus du temps, et au-dessus de tous les siècles, y fixe en quelque sorte l’esprit de ses auditeurs, et dit : « Au commencement il était » : il ne marque point de lieu où, l’on puisse s’arrêter et ne fixe point d’époque, comme font les autres évangélistes, qui nomment Hérode, Tibère et Jean-Baptiste. De plus, ce qui est infiniment admirable, après s’être élevé à la plus haute sublimité, il ne néglige pas de parler de l’Incarnation : et de même les évangélistes, qui en ont fait le récit, ne se sont point tus sur l’existence antérieure aux siècles, ce qui était juste, et ne pouvait être autrement, puisque c’est un seul et même Esprit qui les inspirait et les faisait parler : voilà pourquoi on voit tant d’accord, et une si belle harmonie dans ce qu’ils ont écrit. Pour vous, mes chers frères, lorsque vous entendez nommer le « Verbe », ne souffrez pas ceux qui le disent une créature, ni ceux qui s’imaginent qu’il est simplement la parole car il y a plusieurs paroles, plusieurs ordres de Dieu, à quoi les anges mêmes obéissent, mais aucune de ces paroles n’est Dieu, elles sont toutes des prophéties et des commandements, et c’est ainsi que l’Écriture a coutume d’appeler les lois, les préceptes et les ordonnances que Dieu fait. Voilà pourquoi elle dit dés anges : « Vous êtes puissants et remplis de force, vous faites ce qu’il vous dit » (Ps. 102,20) mais ce Verbe est une substance dans une hypostase, « ou une personne », qui émane du Père impassiblement. Voilà, je l’ai déjà dit ; ce que saint Jean veut désigner par le nom de VERBE.
Comme donc ce mot : « Au commencement était le Verbe », montre l’éternité, de même celui-ci : « Le Verbe était au commencement avec Dieu », marque la coéternité. De peur qu’en entendant ces paroles : « Au commencement était le Verbe », tout en comprenant que le Fils est éternel, vous n’alliez vous imaginer que le Père soit plus vieux que lui, qu’il le précède de quelque intervalle, et que, par suite, vous n’attribuiez un commencement au Fils unique, l’évangéliste ajoute : « Il était au commencement avec Dieu » : ainsi le Fils est éternel comme le Père, car le Père n’a jamais été sans son Verbe, mais le Verbe a toujours été Dieu avec lui, dans sa propre hypostase.
Comment donc, direz-vous, s’il était avec Dieu, Jean a-t-il ajouté : « Il était dans le monde ? » (I, 10) C’est parce qu’étant Dieu, il était avec Dieu, et dans le monde : soit le Père, soit le Fils, ni l’un ni l’autre n’est renfermé dans des bornes. En effet, « si sa grandeur n’a point de bornes » (Ps. 144,3), et, « si sa sagesse n’en a point non plus » (Ps. 146,5), il est visible que sa substance n’a point un commencement temporel. Avez-vous entendu ces paroles : « Au commencement Dieu a fait le ciel et la terre ? » Que concluez-vous de ce commencement ? Certainement que l’un et l’autre ont été faits avant toutes les choses visibles : de même, lorsque vous entendez dire du Fils unique : « Au commencement il était », il faut que vous entendiez qu’il est avant tous les êtres intelligibles, et avant les siècles.
Que si quelqu’un dit : Et comment peut-il se faire qu’étant le Fils, il ne soit pas plus jeune que son Père, car celui qui est par quelqu’un est nécessairement moins ancien que celui par qui il est ? nous répondrons que ce sont là des idées humaines ; que celui qui peut former de pareilles questions est capable d’en faire encore de plus absurdes, et qu’on ne doit point même prêter l’oreille à de semblables discours ; c’est de Dieu que nous vous parlons, et non de la nature humaine, sujette à ces nécessités, et aux conséquences de ces sortes de raisonnements ; mais toutefois, pour confirmer les faibles, nous allons vous donner une réponse.
2. Dites-nous donc : le rayon du soleil sortir de la substance du soleil, ou de quelqu’autre corps ; si nous n’avons pas perdu le sens et la raison, nous avouerons nécessairement qu’il sort de sa substance ; et cependant, quoique le rayon émane du soleil, nous ne dirons jamais qu’il est moins ancien que la substance du soleil, puisqu’on n’a jamais vu le soleil sans le rayon : que si, parmi les êtres visibles et sensibles, il s’en trouve qui, étant par un autre,