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les corriger ; s’ils sont une fois réunis, vous aurez bien de la peine, parce qu’alors leur folie redouble, et aussi parce qu’ils se laissent mener comme les bêtes, et qu’ils suivent aveuglément les opinions les uns des autres.
La voilà cette popularité : de grâce, dites-moi, la rechercherez-vous encore ? N’en faites rien, mes frères, je vous en prie et je vous en conjure, une pareille ambition est capable de tout renverser : elle est une source d’avarice, d’envie, d’accusations, de pièges : elle arme, elle irrite ceux qui n’ont reçu aucune offense contre ceux mêmes qui ne les ont nullement offensés : celui qui est infecté de cette maladie ne connaît ni amis, ni parents, ne respecte absolument personne ; son âme dégradée, incapable désormais de constance et d’affection, devient l’ennemie du genre humain. La colère est à la vérité une passion tyrannique et insupportable, néanmoins elle n’est pas toujours en mouvement, mais seulement quand on la provoque : au contraire, la passion de la vaine gloire est incessante ; il n’y a pour ainsi dire aucun temps où elle s’adoucisse, si la raison ne la réprime et ne l’éteint, mais elle est toujours là, non seulement pour nous exciter à commettre le mal, mais encore pour nous ôter tout le mérite des bonnes actions que nous avons pu faire, quand elle ne nous a pas empêchés tout d’abord. Que si saint Paul appelle l’avarice une idolâtrie (Eph. 5,5), quel nom donnerons-nous à sa mère, à sa racine et à sa source, c’est-à-dire à la vaine gloire ? Nous n’en trouverons sûrement point qui soit propre à exprimer une si grande malignité.
Rentrons donc dans notre bon sens, mes chers frères, et dépouillons-nous de ce funeste vêtement : déchirons-le, mettons-le en pièces, délivrons-nous enfin de cette servitude, jouissons de la vraie liberté et prenons conscience de cette noblesse que Dieu nous a donnée méprisons souverainement la faveur de la multitude ; il n’est rien en effet de plus ridicule et de plus déshonnête, rien de plus honteux ni de moins glorieux que cette passion. Sien des raisons le montrent : rechercher la gloire, c’est ignominie : la mépriser et n’en faire aucun cas, pour conformer à la volonté de Dieu toutes ses actions et toutes ses paroles, c’est en quoi consiste la vraie gloire.
Nous pourrons obtenir la récompense de Celui qui voit et considère avec soin toutes nos œuvres, lorsque nous nous contenterons de l’avoir seul pour spectateur et pour arbitre. En quoi avons-nous besoin d’autres yeux, puisque Celui qui doit nous donner la récompense et la gloire ne cesse point d’avoir ses yeux attentifs sur nous et sur nos œuvres ? et certes, qu’un serviteur fasse tout pour plaire à son maître, qu’il ne désire d’être vu que de lui seul, qu’il ne recherche pas que d’autres voient ce qu’il fait, quelques grands, quelque considérables que puissent être ces spectateurs, mais qu’il n’ait point d’autre but, d’autre intention que d’être vu de son maître : que nous, au contraire, qui avons un si grand Maître, nous cherchions d’autres spectateurs, qui ne nous peuvent aider en rien, mais qui peuvent nous nuire en nous regardant et rendre notre travail infructueux et inutile, n’est-ce point là une absurdité et une extravagance ?
Ah ! je vous en prie, mes chers frères, ne nous conduisons pas de la sorte ; mais appelons et sollicitons les regards et les éloges de Celui-là seul dont nous devons recevoir la récompense. N’ayons nul désir, nulle envie d’attirer sur nous les yeux des hommes. Quand d’ailleurs cette gloire nous tenterait, le meilleur moyen de l’obtenir ce serait encore de ne rechercher que la seule gloire qui vient de Dieu. « Car je glorifierai », dit l’Écriture, « quiconque m’aura rendu gloire ». (1Sa. 2,30) Et comme, lorsque nous méprisons les richesses, c’est alors même que nous sommes le plus dans l’abondance de toutes sortes de biens, puisque Jésus-Christ dit : « Cherchez le royaume, de Dieu, et toutes ces choses vous seront données comme par surcroît (Mt. 6,33). » Il en est de même pour la gloire. Là où il n’y a nul péril de donner les richesses ou la gloire, là Dieu les répand avec profusion : or, nous recevons sans péril et les richesses et la gloire lorsqu’elles ne nous commandent point, ne nous dominent point, et ne se servent pas de nous comme de leurs esclaves, mais qu’elles nous servent elles-mêmes comme des hommes libres qui sont leurs maîtres.
C’est pour cette raison que Jésus-Christ ne veut pas que nous les aimions, de peur que nous, ne devenions leurs esclaves : si nous savons en user en maîtres, il nous les donne avec une grande abondance. En effet, quoi de plus illustré que ce Paul qui a dit : « Nous ne