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l’esprit ne peut rien concevoir au-delà de ce que nous en savons : et, tout au contraire, le nom de Verbe, quelques basses expressions qu’on emploie ensuite en parlant de lui, ne permet pas néanmoins qu’on s’en forme une idée basse et indigne. Mais de plus l’Écriture parle après de la terre en ces termes : « Or, la terre était invisible et tout en désordre ». (Gen. 1,1) Ayant dit que Dieu avait créé la terre, et qu’il lui avait prescrit ses bornes (Ps. 113,9), elle rapporte ensuite ce qui suit en toute assurance, sachant bien qu’il n’y aura personne d’assez insensé pour penser que la terre n’a point eu de commencement, et qu’elle n’a point été créée. En effet, le mot : « terre », et cet autre : « il a créé », sont plus que suffisants pour persuader à l’homme le plus déraisonnable, qu’elle n’est ni éternelle, ni incréée, mais qu’elle est du nombre des choses qui ont été faites dans le temps.
3. En outre, ce mot : « il était », étant dit de la terre et de l’homme, ne signifie pas simplement l’existence de l’un et de l’autre ; il sert à expliquer, pour ce qui regarde l’homme, son origine ; pour ce qui concerne la terre, sa forme ; car l’Écriture n’a pas simplement dit : la terre était ; elle n’en est pas restée là, mais elle a fait connaître sa forme après sa création ; elle a dit. « La terre était invisible et toute en désordre », elle était encore couverte d’eau, et mêlée dans les eaux. Et parlant d’Elcana, elle n’a pas seulement dit : « II était un homme », mais elle a ajouté le lieu de sa naissance, « d’Armathaïm Sipha ».
Mais quand il s’agit du Verbe, ce n’est pas ainsi qu’elle en parle. Et en vérité, j’ai honte d’examiner ces choses ensemble. Si nous blâmons ceux qui font ces sortes d’examens et de comparaisons à l’égard des hommes, lorsqu’il y a une grande différence dans la vertu de ceux que l’on compare ensemble, quoique néanmoins ils soient tous d’une seule et même nature ; quand au contraire il y a une distance infinie entre les personnes comparées pour la nature et à tout égard, n’est-il pas alors d’une extrême folie d’oser agiter ces sortes de questions ? mais, veuille Celui qu’outragent ces blasphèmes nous excuser et nous pardonner ! la faute n’est point à nous, mais à ces ennemis de leur propre salut, qui nous forcent d’entrer dans de semblables explications.
Que dis-je donc ? je dis que ce mot : « il était », étant dit du Verbe, ne marque autre chose qu’une existence éternelle, car l’Évangéliste dit : « Au commencement était le Verbe » ; et que le second, « il était » qui vient après, signifie que le Verbe était avec quelqu’un. Comme c’est le plus spécial attribut de Dieu, d’être éternel et sans principe, c’est aussi ce que l’Évangéliste a premièrement posé et établi. Ensuite, de peur qu’en entendant cette parole : « Au commencement il était », quelqu’un ne dît que le Verbe était aussi non engendré, « comme le Père », il le prévient aussitôt et l’arrête, en disant : « Il était avec Dieu », avant de dire ce qu’il était : et encore, de peur qu’on ne pensât que le Fils était la parole externe ou interne, il en détruit le soupçon et la pensée par l’article qu’il fait précéder, comme je l’ai dit plus haut, et par ce qu’il joint après ; car il n’a point dit : Le Verbe était dans Dieu, mais « il était avec Dieu » ; en quoi il marque l’éternité de son hypostase, ce qu’il exprime ensuite plus clairement, en ajoutant : « Le Verbe était Dieu ».
Je le vois, vous m’allez dire : « Le Verbe était Dieu » ; mais c’est parce qu’il a été fait Dieu. Rien n’empêchait donc que saint Jean ne dît : Au commencement Dieu a fait le Verbe ? Moïse parlant de la terre n’a point dit : Au commencement était la terre, mais il a dit Dieu a fait la terre (Gen. 1,1), et la terre a été faite. Qu’est-ce donc qui a empêché Jean de dire : Au commencement Dieu a fait le Verbe ? le voici. Si Moïse a dit : la terre a été faite, parce qu’il craignait que quelqu’un ne dît qu’elle n’avait point été faite, saint Jean aurait eu bien plus de raison de craindre, si le Fils eût été créé, qu’on n’eût dit de lui qu’il n’avait point été créé, car la terre étant visible, annonce par elle-même le Créateur : « Les Cieux », dit le Prophète, « racontent la gloire de Dieu » (Ps. 18,1) : mais le Fils est invisible, et il est infiniment au-dessus de toutes les créatures. Si donc, quoiqu’il n’y eût nul besoin ni de paroles, ni de doctrine, pour nous apprendre que le monde avait été fait, le Prophète, toutefois, le marque clairement, et avant toutes choses, saint Jean avait bien plus de raison de le dire du Fils, s’il eût été créé.
Vous m’objecterez encore : Mais saint Pierre le dit clairement et manifestement : Où et quand 1e dit-il ? c’est lorsqu’adressant la parole aux Juifs, il leur dit : « Dieu l’a fait Seigneur et Christ ». (Act. 2,36) Mais, dites-moi vous-mêmes pourquoi vous n’avez point