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Je ne m’étais point proposé d’entrer dans ce détail : je ne sais comment j’en suis venu à m’étendre aussi longuement là-dessus. Pardonnez cet écart, je vous en prie, mes chers frères, à la crainte, à la vive crainte que j’éprouve devoir se refroidir votre zèle. Si j’avais été rassuré sur ce point, certainement je ne vous aurais point parlé de toutes ces choses, car votre zèle eût suffi pour vous rendre tout aisé et facile.
Il est temps de commencer, de peur que vous n’entriez au combat étant déjà fatigués. Nous avons à combattre les ennemis de la vérité, ceux qui font tous leurs efforts pour renverser la gloire du Fils de Dieu, ou plutôt la leur propre : car la gloire du Fils de Dieu ne peut recevoir de changement[1]; elle est toujours la même, les langues médisantes ne peuvent l’affaiblir ; mais eux, lorsqu’ils s’étudient et s’efforcent d’abattre Celui qu’ils adorent (à ce qu’ils disent), ils se couvrent d’infamie et condamnent leurs âmes aux supplices.
Que disent-ils donc, lorsque nous prononçons ces paroles : « Au commencement était le Verbe ? » Ils répondent que ces mots : « Au commencement était le Verbe », ne marquent pas ouvertement l’éternité ; car, disent-ils, on l’a de même dit du ciel et de la terre. Oh ! quelle impudence, et quelle extrême impiété ! je te parle de Dieu, et toi tu me parles de la terre et des hommes qui en sont sortis ? Quoi donc, parce que Jésus-Christ est dit Fils de Dieu et Dieu, et que l’homme est dit aussi fils de Dieu et dieu ; parce qu’il est écrit : « J’ai dit : Vous êtes des dieux, et vous êtes tous enfants du Très-Haut » (Ps. 81,6), tu disputeras de la filiation avec le Fils de Dieu, et tu diras qu’il n’a rien de plus que toi ? Nullement, réponds-tu. Tu le fais, te dis-je, bien que tu ne l’avoues pas expressément. Comment ? c’est en disant que tu as reçu l’adoption par grâce, et lui aussi : car, quand tu dis qu’il n’est pas Fils par nature, tu ne dis autre chose, sinon qu’il est Fils par grâce.
Mais voyons quelles preuves, quels témoignages nous apportent ces hérétiques : « Au commencement Dieu a fait le ciel et la terre : et la terre était invisible, et toute en désordre ». (Gen. 1,1) Et, « il était un homme d’Armathaïm Sipha ». (1Sa. 1) Ces paroles leur paraissent fortes et véritablement elles le sont ; mais c’est pour démontrer la vérité de notre doctrine. Car pour prouver leur blasphème, rien n’est plus faible. En effet, je te le demande : qu’y a-t-il de commun entre cette parole : « Il a fait », et celle-ci : « Il était ? » Qu’est-ce que Dieu a de commun avec l’homme ? Pourquoi joins-tu ce qu’on ne peut joindre ensemble ? Pourquoi confonds-tu ce qui est séparé, et mets-tu en bas ce qui est en haut ? En cet endroit-ci le terme « Il était », ne montre pas l’éternité, si on le prend seul ; mais il la montre et la déclare, si on le joint à ceux-ci : « Au commencement il était », et « le Verbe était » : comme donc le mot « étant », quand il est dit de l’homme, ne marque que le temps présent, et lorsqu’il est dit de Dieu, désigne l’éternité ; de même aussi le mot « il était », s’il est dit de notre nature, signifie un temps passé et même encore un passé borné : mais quand il est dit de Dieu, il marque l’éternité. C’est assez, pour celui qui a entendu ces paroles, d’avoir ouï nommer « la terre » et « l’homme », pour n’en penser et n’en rien dire de plus que ce qui convient à la nature créée. Tout ce qui a été fait, a été fait dans le temps ou dans le siècle : mais le Fils de Dieu n’est pas seulement avant le temps ; il est aussi avant tous les siècles, puisqu’il en est le Créateur. Car l’Écriture dit de lui : « Par qui il a même créé les siècles ». (Héb. 1,2) Or le Créateur est certainement antérieur aux créatures.
Mais comme il se trouve des gens assez insensés pour s’abuser encore après cela sur le rang qui leur appartient, l’Écriture arrête tout à coup à leur esprit, et renverse toute leur impudence par ce mot : « Il a fait », et cet autre : « II était un homme ». Car tout ce qui a été fait, le ciel, la terre, a été fait dans le temps, a eu un commencement temporel, et aucune de toutes ces choses n’est sans un commencement, par cela seul qu’elle a été créée. Ainsi donc, quand vous entendez ces mots : « il a créé la terre », et : « l’homme était », toutes vos objections ne sont plus qu’un bavardage inutile. Je vais plus loin. Quand bien même il serait dit de la terre : Au commencement était l’homme, il n’en faudrait penser rien de plus que ce que nous en connaissons maintenant, quoique l’Écriture se fût servie de ces expressions, parce qu’ayant fait précéder le nom de terre, et celui d’homme, quelque chose qu’elle en dise après,

  1. Car Dieu, dit saint Jacques ne peut recevoir ni de changement, ni d’ombre par aucune révolution.