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vous l’ordonne point à cause de votre faiblesse ; je ne veux pas détourner les jeunes gens de l’étude des auteurs profanes, pas plus que vous des affaires civiles : des sept jours de la semaine, je vous prie seulement d’en consacrer un à Notre-Seigneur.
Ne serait-il pas ridicule à nous, qui obligeons nos domestiques de nous servir, sans y manquer un seul jour, de ne pas donner à Dieu au moins quelques petits moments de notre loisir, et surtout puisque nos services, qui ne sont nullement utiles à Dieu, car le Seigneur n’a besoin de rien, tournent entièrement à notre profit et à notre avantage ?
Mais quand vous menez vos enfants au théâtre et aux spectacles, vous n’avez point d’études, ni d’autres occupations à prétexter il n’en est plus question ; et lorsqu’il s’agit de quelque profit spirituel, vous dites que c’est un dérangement ! Comment n’irriteriez-vous pas la colère de Dieu ? vous trouvez du temps de reste pour toute autre chose, mais pour 1e service de Dieu, vous jugez que le loisir manque à vos enfants ! Ne vous conduisez pas ainsi, mes chers frères, ne vous conduisez pas ainsi. C’est principalement cet âge qui a besoin de nos leçons : comme il est tendre, l’instruction que l’on donne entre facilement dans l’esprit, et s’y imprime comme le cachet sur la cire ; sans compter que c’est le moment critique qui décide du penchant de la vie entière ou au vice, ou à la vertu. Si donc au commencement, et dès les premières années, on détourne les enfants du vice, et qu’on les mette dans le droit chemin, on leur inculquera certaines habitudes qui resteront en eux comme une seconde nature : ils ne se porteront pas d’eux-mêmes facilement au mal, la coutume les retiendra et les entraînera au bien. Par là, nous les rendrons plus respectables et plus utiles à l’état que les vieillards eux-mêmes, et nous leur inspirerons, dès la jeunesse, les vertus de la maturité.
Il est impossible, comme je l’ai dit ailleurs, que ceux qui assistent à ces sermons, et fréquentent un si grand apôtre, n’en retirent un très-grand fruit : homme ou femme, jeune ou vieux, nul ne prendra en vain sa part d’un tel banquet. Si, par la parole, nous apprivoisons les bêtes que nous avons prises, à combien plus forte raison ne porterons-nous pas les hommes à la vertu par la parole spirituelle, quand il y a tant de disproportion entre ces deux objets de nos soins comme entre ces deux espèces de remèdes ? Il n’y a pas en nous autant de férocité que dans les bêtes, car dans les bêtes la férocité naît de leur nature ; mais dans les hommes elle vient de leur libre arbitre. Et aussi, il y a une grande différence dans les paroles : les unes rie sont qu’une production de l’homme ; mais les autres viennent de la vertu et de la grâce du Saint-Esprit. Si quelqu’un désespère donc de soi, qu’il pense à ces bêtes qu’on a apprivoisées, et jamais il ne tombera dans le désespoir ; qu’il vienne souvent en ce lieu de guérison ; qu’il écoute assidûment la parole de Dieu ; et, de retour dans sa maison, qu’il repasse dans son esprit ce qu’il a entendu ; de cette sorte, il s’affermira dans la bonne espérance et dans la confiance, averti de ses progrès par sa propre expérience. Quand le diable voit la loi de Dieu gravée dans une âme, et que le cœur est la table où elle est écrite, il n’ose aller plus avant. Lorsque les édits du roi, non gravés sur une colonne de bronze, mais empreints dans une âme pieuse par le Saint-Esprit, font rejaillir au-dehors leur beauté et leur lumière, il ne peut les regarder en face, il leur tourne le dos et s’enfuit promptement[1] : rien en effet n’est si formidable au démon, et n’écarte mieux les pensées qu’il inspire, qu’une âme qui médite la loi de Dieu, et qui demeure toujours penchée sur cette fontaine. Aucun accident, quelque fâcheux qu’il soit, ne pourra la troubler : nulle prospérité ne pourra l’enfler, ni l’enorgueillir ; mais, au milieu des orages et de la tempête, elle jouira d’un grand calme.
2. Non, ce ne sont pas les choses en soi qui nous agitent et nous troublent, mais bien l’infirmité de notre cœur. Sinon, il faudrait nécessairement que tous les hommes fussent dans le trouble. Nous naviguons tous sur la même mer, nous sommes donc tous exposés aux mêmes flots et aux mêmes tempêtes. Que s’il y a des gens qui s’élèvent au-dessus de la tempête et des furieux orages de la mer, il est évident que ce n’est pas la fortune qui produit ces orages, mais l’état de notre cœur : si nous nous tenons donc prêts à toute sorte d’événements, nous ne serons nullement exposés aux flots et à la tempête, mais nous jouirons toujours d’un calme parfait.

  1. On peut regarder cet endroit comme une allusion au verset 3 du chapitre III de la deuxième Épître de saint Paul aux Corinthiens. – Voyez-le