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bénir celui qui vous maudit, gardez au moins le silence, et pratiquez ce bien en attendant que vous puissiez faire davantage. Ce premier degré vous conduira plus loin, et ce silence si chrétien vous accoutumera peu à peu à parler dans ces rencontres, comme Jésus-Christ a fait en de semblables occasions. Mais ne croyez point que j’exige trop de vous. Le maître que nous servons est un Dieu de grâce, et cette douceur dont je parle est un don de sa bonté. Ce qui m’est pénible et ce que je ne puis souffrir, c’est de voir des personnes qui ont une bouche et une langue de démons, et qui ne se plaisent qu’à la déshonorer par des discours infâmes, après qu’elle a été consacrée par la participation de nos saints mystères, et par l’attouchement de la chair si sainte et si pure du Sauveur.
Pensez donc à ces vérités, mes frères. Travaillez à vous rendre semblables à Jésus-Christ. Quand vous serez en cet état, il ne sera plus possible à l’ennemi de vous nuire, ni d’oser même vous regarder. Il reconnaît trop dans vous les marques et les caractères de son Roi ; et il tremble devant ces armes qui l’ont percé et l’ont renversé par terre. Ces armes sont l’humilité et la douceur. C’est par elles qu’il a été confondu sur cette montagne, où il osa transporter le Sauveur pour reconnaître s’il était le Christ. La modération du Fils de Dieu le terrassa, sa douceur le foudroya, et son humilité divine triompha de l’orgueil et de l’insolence de cet imposteur.
Servez-vous donc de ces mêmes armes. Lorsque vous verrez les hommes imiter le démon, et vous attaquer comme lui, tâchez de le vaincre de la même manière que Jésus-Christ l’a vaincu. Le Fils de Dieu vous a donné la grâce et la force de l’aimer dans ses actions, et de lui devenir semblables. Que ce que je vous dis ne vous fasse point trembler : tremblez plutôt si vous avez négligé de vous rendre conformes au Fils de Dieu. Parlez comme lui, et vous deviendrez semblables à lui, autant qu’un homme le peut devenir. C’est pourquoi j’ose assurer que celui qui parle humblement et avec modestie, fait plus que celui qui prophétiserait et qui prédirait l’avenir ; puisque ce dernier don est tout extérieur, et que notre vertu n’y a point de part, au lieu que l’autre vient du règlement et de la pureté de notre cœur. Appliquez-vous donc à régler et à former votre bouche de telle sorte qu’elle devienne semblable à celle de Jésus-Christ. Le Sauveur est assez puissant pour faire cette merveille si vous le voulez. Il en sait le moyen, et il l’exécutera si vous ne vous y opposez point par votre mollesse.
Vous me demanderez peut-être comment on peut orner ainsi sa bouche, avec quelles couleurs on peut l’embellir. Il n’est point besoin pour cela, mes frères, de blanc ou de rouge. La seule vertu, la douceur, l’humilité, lui donnent tous ces ornements et tout cet éclat dont nous parlons. Le démon aussi a sa manière d’orner la bouche de ceux qu’il anime. Et il est bon de connaître ses marques afin de les éviter. Quelles sont ces noires couleurs dont il pare ceux qu’il possède ? Ce sont les malédictions, les blasphèmes, les injures, les contradictions et les parjures. Car celui qui parle en démon est la bouche du démon.
Quelle espérance donc pouvons-nous avoir que Dieu nous pardonne, ou plutôt quels tourments n’avons-nous pas sujet de craindre, si nous souffrons que notre bouche devienne l’organe du démon, après qu’elle a été sanctifiée parla chair même du Sauveur du monde ? Ne commettons pas un crime si détestable, et tâchons de conduire notre langue de telle sorte qu’elle soit toujours prête à imiter le langage de Jésus-Christ. C’est alors que nous serons aimés de lui, et que nous nous présenterons devant son tribunal terrible avec une entière confiance. Si nous n’apprenons ici ce langage d’humilité, Jésus-Christ ne vous entendra point alors. Comme un juge romain n’écouterait point votre cause si vous ne lui parliez latin ; Jésus-Christ de même ne vous écoutera point lorsqu’il sera assis sur son tribunal, si vous ne parlez sa langue.
Apprenons, mes frères, ce langage si divin. Que le monde parle comme le monde. Parlons comme notre Roi. Parlons, nous autres, comme Dieu même a parlé. Si la mort de quelque personne vous afflige, prenez garde que la violence de la douleur ne vous arrache des paroles indignes d’un chrétien. Pleurez alors comme Jésus-Christ, puisqu’il a pleuré lui-même la mort de Lazare, et le crime de Judas. Si vous êtes menacé de quelques grands maux, et que la crainte vous saisisse, étudiez-vous alors à parler comme Jésus-Christ : car il a été lui-même dans la frayeur et dans le trouble, ayant pris sur lui volontairement ce qui nous arrive malgré nous. Dites comme lui :