Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/101

Cette page n’a pas encore été corrigée

et ils opposaient aux catholiques ces paroles : « Au commencement était le Verbe » ; ces paroles, disaient-ils, ne marquent point l’éternité du Fils, puisqu’il est dit aussi des choses créées : « Au commencement Dieu a fait le ciel et la terre ». Donc, ajoutaient-ils, c’est vainement qu’on se sert de ce mot : « Au commencement », pour prouver l’éternité du Fils. Saint Chrysostome réplique fort au long à ce sophisme, mais en des termes proportionnés à la ; portée de ses auditeurs. Pour expliquer, dit-il, ces paroles : « Au commencement était le Verbe », il ne faut pas aller bien loin chercher des témoignages, il n’y a qu’à y joindre ce peu de paroles qui suivent immédiatement : ET LE VERBE ÉTAIT AVEC DIEU, ET LE VERBE ÉTAIT DIEU ». Ce mot « était avec Dieu » signifie « était dans Dieu ». Or tout ce qui est dans Dieu est certainement éternel. Mais que le Verbe soit dans Dieu, le Fils le déclare lui-même en disant : JE SUIS DANS MON PÈRE, ET MON PÈRE EST EN MOI. Je suis dans mon Père et mon Père est aussi en moi, cette parole démontre clairement et invinciblement l’unité, l’égalité, et par conséquent l’éternité du Fils.
Nous passons les autres arguments des Anoméens : on les trouvera bien détaillés « dans les Homélies III, IV et V ». Nous y renvoyons le lecteur, pour ne pas tomber dans des redites, et n’être pas trop longs. Saint Chrysostome n’attaque pas seulement les Anoméens, mais souvent aussi Paul de Samosate, les Sabelliens, les Marcionites, les Manichéens, et les Docètes, ou « Apparens », qui prétendaient que l’Incarnation n’était qu’une illusion et un fantôme ; c’est-à-dire que Jésus-Christ n’était né, n’était mort, et n’était ressuscité qu’en apparence. Cette hérésie, qui s’était élevée dans l’Église dès les premiers siècles, vivait encore au temps de saint Chrysostome, comme il le témoigne dans la onzième Homélie. Le Saint prémunit souvent ses auditeurs, et leur prête des armes contre les plus anciens hérétiques, dont les sectateurs s’étaient conservés jusqu’à son siècle, parce qu’ils étaient continuellement aux prises avec les catholiques, et ne cessaient point de les attaquer. Les catholiques n’avaient pas seulement alors à combattre contre les hérétiques : ils avaient aussi à se défendre des Gentils, dont le nombre était encore fort grand. On verra que le Saint les dresse à ces sortes de combats « dans l’Homélie dix-septième ». Mais quoiqu’en bien des endroits il attaque les Gentils et les anciens hérétiques, il s’attache pourtant davantage à repousser les Anoméens, et il a grand soin de réfuter leurs objections, et d’enseigner à ses auditeurs la manière d’y répondre. Quelquefois aussi il relève leur arrogance et leur folie, comme « dans l’Homélie seizième », où il les apostrophe en ces termes : « Jean-Baptiste se déclare indigne de dénouer les courroies des souliers de Jésus-Christ ; et les ennemis de la vérité ont l’insolence et la folie de se vanter de le connaître aussi parfaitement qu’il se connaît lui-même ! est-il rien de plus détestable que cette manie ? Est-il rien de plus furieux que cette arrogance ? »
Dans ces Homélies sur saint Jean le saint docteur combat donc les Anoméens plus vivement et plus fortement que les autres hérétiques, parce qu’ils étaient les plus puissants en nombre et en arrogance, les plus effrontés et les plus hardis à attaquer continuellement les catholiques ; et que tous les passages qu’ils trouvaient, où Jésus-Christ pour s’abaisser, pour prouver son incarnation et son humanité, parlait et s’énonçait en des termes simples et populaires, humbles et modestes, ils les détournaient à leur sens, et s’en servaient tant pour battre les fidèles, que pour appuyer et soutenir leurs impiétés et leurs blasphèmes. Nous en pourrions produire bien des exemples, mais nous Dons bornons à un seul. Il sera facile au lecteur de remarquer les autres. « Il est certain », dit le saint Docteur aux Anoméens, « que Jésus-Christ a souvent parlé comme homme, et voilà les expressions que vous saisissez et que vous n’entendez point. Mais il n’est pas moins certain qu’il a très-souvent parlé comme « Dieu ; et voilà ce que vous ne voulez point entendre et sur quoi vous faites la sourde oreille. Jésus-Christ vous déclare manifestement son égalité et sa divinité, quand il dit : MON PÈRE ET MOI NOUS SOMMES UNE MÊME CHOSE : JE SUIS DANS MON PÈRE, ET MON PÈRE EST EN MOI », etc.
C’est à cause que Jésus-Christ se faisait égal à Dieu, continue-t-il encore, et qu’il se déclarait Dieu, que les Juifs lui faisaient des reproches, qu’ils s’élevaient contre lui, qu’ils le persécutaient, et voulaient même le faire mourir, « parce que non seulement il ne gardait point le sabbat, mais aussi parce qu’il disait que Dieu était son Père, se faisant égal à Dieu ». À cette preuve si éclatante et si lumineuse les Anoméens répondaient que Jésus-Christ ne se faisait point égal à Dieu, mais que seulement les Juifs le croyaient et l’en soupçonnaient. Sur quoi saint Chrysostome s’élève, et repoussant ses adversaires jusqu’au pied du mur, il ne leur laisse aucune échappatoire. Vous avouez, leur dit-il, que les Juifs ont cru que Jésus-Christ se faisait égal à Dieu : vous ne pouvez nier qu’il n’ait dit bien des choses qui les jetaient dans ce soupçon et dans cette opinion, comme quand il dit : « Mon Père et moi, nous sommes une même chose : Je suis dans mon Père, et mon Père est en moi : Celui qui me voit, voit mon Père, etc. » Et beaucoup d’autres choses qui non seulement donnaient lieu aux Juifs, mais encore à tous ceux qui les entendaient, de penser qu’il se faisait égal à Dieu le Père, et qu’il se montrait