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plus sera riche le festin que sa mort prépare aux vers, plus il excitera les convoitises des malfaiteurs qui violent les sépultures, plus il provoquera de mauvais desseins contre ses restes infortunés. Toute cette magnificence ne sert qu’à l’exposer plus encore aux outrages, en appelant, en armant contre lui les mains de ceux qui ouvrent les tombeaux pour leur reprendre le dépôt qui leur a été confié. – Et qu’est-ce que cela ? dira-t-on. Il n’en triomphe pas moins ici-bas, et il jouira de son triomphe jusqu’à sa mort. – Dites plutôt que beaucoup n’en jouiront pas même jusqu’à leur mort : exposés sans cesse aux mauvais desseins, ils sont mille fois plus malheureux que les condamnés, quand on leur ravit leurs richesses, quand ils retombent dans une honteuse obscurité, quand ils sont jetés en prison. Tel trônait hier sur un char, qui est aujourd’hui dans les fers : tel était hier courtisé par des flatteurs, qui se voit aujourd’hui entouré de bourreaux : tel exhalait l’odeur des parfums, qui est souillé de son propre sang : tel s’étendait sur une couche délicate, qui se voit jeté sur la dure : tel était adulé de tous, qui se voit méprisé de tous. – Mais, dira-t-on encore, à sa mort même on l’entoure d’une pompe magnifique. – Et que lui fait cela, à lui qui ne le sent plus ? La mauvaise odeur qu’il exhale, l’horreur, qu’il inspire, la haine qu’il excite font plus d’impression sur les assistants que ces pompes brillantes ; car ce faste et ces dépenses lui attirent immédiatement et pour toujours la haine de ses enfants. Voyez combien est juste l’expression dont se sert le Prophète, et combien sa sagesse est profonde. Non content d’intimider le riche en lui montrant qu’il n’emportera rien avec lui ; il le dépouille dès cette vie de tout cet imposant appareil, et lui prouve que sa richesse n’existe pas, même lorsqu’il la possède et qu’il en jouit. Car, il ne dit pas : « Quand il aura étendu sa gloire », mais bien, « quand il aura étendu la gloire de sa maison. » Car toutes ces choses que j’ai énumérées, ces fontaines, ces promenades, ces bains, cet or et cet argent, ces chevaux et ces mules, ces tapis, ces étoffes, font la gloire de la maison et non celle de l’homme qui l’habite. La vertu est la gloire de l’homme, aussi accompagne-t-elle celui qui la possède, tandis que la gloire de la maison reste, ou plutôt elle ne reste même pas, mais disparaît avec la maison, sans avoir servi de rien à celui qui l’habitait, car cette gloire ne lui appartient pas en propre. « Parce que son âme sera bénie pendant sa vie (19). » Après avoir parlé de sa richesse et de sa gloire, il passe à ses flatteurs. Ce que recherchent surtout les riches, ce sont les flatteries de la place publique, les hommages du peuple, les louanges décernées par la multitude, et les éloges menteurs, et ils regardent comme un grand bien d’être accueillis par des applaudissements au théâtre, dans les banquets et dans les tribunaux, d’entendre leur nom répété par toutes les bouches, de se croire un objet d’envie pour les autres : aussi voyez comme il leur ravit encore cette jouissance en en limitant la durée. « Pendant sa vie », dit-il, c’est-à-dire, ces hommages, ces bonnes paroles qu’on lui adresse ne dureront pas plus que la vie d’ici-bas : cela périra en même temps que le reste, comme tout ce qui relève du temps et de la fortune. Bien plus, lorsqu’il cessera de pouvoir mettre à contribution le zèle de ses flatteurs, après sa mort, ce sera le contraire qui aura lieu, car sa présence n’intimidera plus personne. « Il te rendra hommage quand tu lui auras fait du bien. » Voyez comme il critique la bienfaisance des gens riches. Toi, tu flattes et tu fais des avances, feignant une bienveillance menteuse et de courte durée : mais celui auquel tu t’adresses, dit-il, quand même il se déclarerait ton obligé, ne te sera reconnaissant qu’autant qu’il aura acheté de toi, et cela bien cher, le droit de te faire faire ce qui lui convient. Car « il te rendra hommage », remarque bien cela, « quand tu lui auras fait du bien. » Il ne dit pas, quand tu lui auras été utile, quand ta loi aura rendu service, mais : quand tu lui auras procuré ce qui lui fait plaisir, ce qui lui convient. Le Prophète montre ainsi que cette bienfaisance est pernicieuse à deux points de vue, et parce qu’elle provoque de fausses démonstrations de reconnaissance, et parce qu’elle nous attache des serviteurs dangereux. « Il ira rejoindre les générations de ses pères, il cessera de voir la lumière pendant l’éternité (20). Et l’homme, au milieu de sa grandeur, ne l’a pas comprise : il s’est ravalé au niveau des animaux privés de raison, et s’est fait semblable à eux. Il ira rejoindre ses pères (21) », autrement dit, il les imitera, et étant fils de pervers, il héritera de leur perversité ; ou bien encore c’est comme si l’on disait : s’il n’a fait aucun bien, il se trouvera