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leur mémoire tandis que le pêcheur Pierre, qui n’avait rien fait de tout cela, s’empare de la reine des villes, et brille, même après son trépas, d’une lumière plus vive que celle du soleil, parce qu’il se mit à la recherche de la vertu, ta conduite est ridicule et honteuse. Car tes monuments funèbres, loin de te rendre fameux, feront de toi un objet de ridicule, et provoqueront le rire de tous les hommes. Le temps aurait pu livrer ta cupidité à l’oubli, mais partout s’élèvent tes vastes constructions comme des colonnes et des trophées de ton avarice. – « Mais l’homme, au milieu de sa grandeur, ne l’a pas comprise : il s’est ravalé au rang des animaux privés de raison, et s’est fait semblable à eux (13). »
Il me paraît que dans ce passage le Prophète ne songe plus qu’à déplorer le malheur de cet être doué de raison, aux mains duquel est confiée la royauté de la terre, et qui s’abaisse au niveau de la bête de somme en s’épuisant à d’inutiles travaux, en produisant des œuvres contraires à son salut, en poursuivant la vaine gloire, en recherchant avidement les richesses, en se livrant à des efforts sans résultat. Ce qui fait la grandeur de l’homme, c’est la vertu, c’est la faculté de méditer l’avenir, c’est de faire toutes choses en vue de la vie future, c’est de mépriser les choses présentes. Pour les animaux, la vie ne dépasse pas le cercle de la vie présente, tandis que nous, notre vie d’ici-bas n’est qu’un passage à une autre vie meilleure et qui n’a pas de fin. Ceux qui ne savent rien des choses futures sont au-dessous de la brute, et non seulement ceux-là, mais encore ceux qui vivent dans la corruption ; ce sont des serpents, des scorpions et des loups pour la méchanceté, des bœufs pour la stupidité, des chiens pour l’impudeur.
7. Quoi de plus stupide, dites-moi, que de passer son temps à s’occuper de tombeaux et de mausolées, que de rester bouche béante en apprenant que d’autres hommes ont donné leur nom à ces monuments ! Si notre mémoire reste, nous le devrons à la vertu seule, et non à des maisons, à des statues, à des enfants ni à rien de pareil. Les maisons sont l’œuvre d’un architecte, un produit de son habileté, les statues sont l’œuvre du statuaire, et les enfants sont du fait de la nature : dans tout cela tu n’as nul souvenir à revendiquer. Aussi le Prophète traite-t-il d’insensé l’homme qui a de telles pensées ; et qui, après avoir plié sa tête sous le joug de la stupidité, se conduit avec moins d’intelligence encore que la brute. La brute du moins est utile et sert pour l’agriculture, mais l’homme, en s’abandonnant à la stupidité, est en cela même devenu l’inférieur de la brute. Le Prophète, après avoir dit plus haut combien était épaisse, grossière et basse, l’intelligence de ces hommes, après avoir dit combien était inutile la peine qu’ils prenaient pour acquérir des richesses, le Prophète, voulant rendre encore plus accablantes les charges qui pèsent sur eux, place en regard les bienfaits de Dieu. Ce que font souvent les prophètes. Ainsi Isaïe, au moment d’accuser les Juifs, dit d’abord que Dieu les a comblés d’honneurs, et voici en quels termes : « J’ai nourri des enfants, je les ai élevés, et ils m’ont méconnu. » (Is. 1, 2) Et dans ce passage de notre psaume, le Prophète, voulant montrer en un seul mot les bienfaits que Dieu a accordés aux hommes de son propre mouvement, dit : « L’homme, au milieu de sa grandeur, ne l’a pas comprise. » Quelle est cette grandeur ? Écoutez ce qu’il dit dans un autre psaume : « Vous l’avez mis un peu au-dessous des anges, vous l’avez couronné de gloire et d’honneur. » (Ps. 7,6) Ensuite, décrivant ces honneurs, il ajoute : « Vous avez tout mis à ses pieds, les brebis, les bœufs, le bétail qui paît dans les plaines ; les oiseaux du ciel, les poissons de la mer et tout ce qui parcourt les sentiers de la mer. » (Ps. 7,78) C’était là le plus grand honneur qu’on pût faire à l’homme que de lui confier le sceptre et de lui soumettre tout ce que l’œil peut voir, et cela sans qu’il y eût encore droit par ses mérites. Car Dieu, avant de créer l’homme, a dit : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. » (Gen. 1,26) Ensuite le Prophète explique cette expression « à notre « image » en ajoutant ces mots : « Que les hommes commandent aux poissons de la mer, aux animaux de la terre, aux oiseaux du ciel. »
Et cet avorton, haut de trois coudées, qui est si inférieur aux autres animaux pour la force du corps, il l’a mis au-dessus de tous en lui donnant la raison, en daignant lui accorder une âme raisonnable, ce qui est la plus grande marque d’honneur. Par la raison, l’homme a bâti des villes, a traversé les murs, a embelli la terre, a fait des milliers d’inventions, a dompté les animaux les plus sauvages, et ce