d’en haut, comme la parole du Prophète définit heureusement ce qui doit exciter la crainte, ce qui mérite condamnation ? Si l’on ne fait pas cette distinction essentielle, on est réduit à errer comme dans une obscurité profonde, et dans un véritable chaos.
Faute de distinguer ce qu’il faut craindre et ce qu’il faut mépriser, notre vie sera exposée à bien des erreurs et à bien des dangers. Car s’il est d’une souveraine démence de craindre ce qui n’est pas redoutable, il en est de même quand on se rit de ce qu’il faut craindre. Les hommes diffèrent des enfants en ce que ceux-ci, à cause de l’imperfection de leur intelligence, ont peur des masques et des hommes qui s’affublent d’un sac, tandis qu’ils s’imaginent que ce n’est rien d’insulter son père ou sa mère ; ils mettent les pieds dans le feu et sur les lampes allumées, et craignent certains bruits qui n’ont rien de redoutable, toutes choses qui ne font même pas tourner la tête à un homme. C’est donc parce qu’il y a beaucoup d’hommes qui ont moins de bon sens que les enfants, que le Prophète fait cette distinction, et qu’il nous dit ce que nous devons craindre. Il ne veut point parler de ce qui paraît redoutable au vulgaire, c’est-à-dire de la pauvreté, de l’humilité, de la maladie, choses que la plupart trouvent non seulement redoutables, mais encore pesantes et intolérables, il ne parle de rien de tout cela, c’est le péché seul qu’il désigne. Tel est le sens de ces mots : « Je me trouverai enveloppé dans l’iniquité de mon talon. » Tel est le sens de cette parole énigmatique, de cette figure neuve et singulière. Car ce doit être bien neuf et bien singulier pour le vulgaire que de dire qu’il ne faut rien craindre de ce qui attriste là vie d’ici-bas. Que craindrai-je donc, dit-il, dans le jour mauvais ? Une seule chose, c’est que je ne sois enveloppé dans l’iniquité de ma voie et de ma vie. Car l’Écriture, par le talon, désigne la tromperie. « Celui qui mangeait mon pain, dit-elle, a levé le talon contre moi. » Esaü dit de Jacob : « Voilà la seconde fois qu’il me supplante comme avec le talon. » (Gen. 27,36) Tel est le péché, il est trompeur et sait s’emparer des hommes. Voilà ce que je crains, dit le Psalmiste, le péché qui me trompe, qui m’enveloppe.
4. C’est pourquoi saint Paul appelle le péché (Héb. 12,1) d’un nom qui signifie qu’il nous entoure constamment, aisément, facilement. Dans les tribunaux d’ici-bas les hommes redoutent bien des choses, l’influence de la richesse, la puissance des grands, l’insulte, la fraude. Là rien de pareil : le péché seul est à redouter, car il enveloppe de tous côtés ceux dont il s’empare, et sa puissance est plus irrésistible que celle des armées. Il faut donc tout faire pour ne pas nous laisser envelopper par lui. Quand nous voyons qu’il veut nous circonvenir, il faut éviter de lui donner prise, comme font les bons soldats. S’il nous a saisis, il faut le combattre sans hésiter, ce que fit David qui brisa sa puissance par la force de son repentir. (2Sa. 12,13) Il avait été enveloppé par lui, mais il sut lui échapper promptement. Celui qui a cette crainte, ne craindra jamais autre chose : il se rira des biens de la vie présente, méprisera les ennuis qu’elle recèle et ne laissera son âme accessible qu’à la crainte du péché. Il n’y a plus rien, rien de redoutable pour celui qui possède cette crainte, pas même la mort ; ce résumé de toutes les épouvantes : il ne craindra que le péché. Comment cela ? Parce que c’est le péché qui nous livre à la géhenne, qui nous envoie subir les peines éternelles. Si au contraire nous le combattons avec succès, ce triomphe amène toutes les vertus à sa suite. Songez combien il est beau de ne pas s’enorgueillir de ses avantages, de n’être pas humilié de ses malheurs, de ne tenir aucun compte des choses présentes, de ne regarder que l’avenir, d’attendre le grand jour et de vivre avec cette crainte. Ce sera un ange qu’un tel homme, qui n’aura craint que le péché, sans se préoccuper du reste. Car il ne craindra rien autre chose, s’il craint seulement ce qu’il faut craindre ; au contraire celui qui n’éprouvera pas cette crainte-là, sera exposé à bien des dangers redoutables. « Ceux qui mettent leur confiance dans leurs propres forces, et qui se glorifient de la grandeur de leurs richesses. » Un autre : « Ceux qui se vantent (7). Le frère ne rachètera pas « son frère, l’homme ne rachètera pas l’homme, il ne pourra se rendre Dieu favorable (8), ni payer la rançon de son âme (9). »
Mais où est la suite des idées ? dira-t-on. Ces idées ont beaucoup de suite, une suite non interrompue, elles se rattachent étroitement à ce qui précède. Comme le Prophète parle du tribunal suprême, du compte redoutable qu’il faudra rendre de ses actions, de la justice incorruptible de Dieu, et que, dans les tribunaux
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