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tous ! Aussi ce n’est pas un simple appel fait à tous les hommes, il les invite encore à écouter ses paroles avec beaucoup de zèle et de recueillement. Car il ne s’est pas contenté de dire « Peuples, écoutez toutes ces choses : Prêtez « l’oreille », ajoute-t-il. Or, prêter l’oreille, ce n’est pas autre chose que d’écouter avec recueillement, et avec une attention soutenue. Car prêter l’oreille se dit spécialement de ceux qui se parlent à l’oreille, et font grande attention, l’un à ce qu’il dit, l’autre à ce qu’il entend « Prêtez l’oreille, vous tous qui habitez la « terre », et s’il y en a parmi vous qui ne sont pas comptés au rang des nations, qui vivent pêle-mêle ou dispersés par tribus comme les nomades, ceux-là aussi je les convoque pour venir entendre mes paroles.
Voyez comme l’orateur est habile. Tout d’abord il éveille l’attention des auditeurs, et les tient en suspens par cet appel en masse. Après quoi il les humilie afin de prévenir le sentiment d’orgueil qui pourrait s’élever chez eux, à la vue de leur grand nombre. Voilà surtout les auditeurs qu’il faut à celui qui va parler le langage de la sagesse, des auditeurs contrits et humiliés, dépourvus d’orgueil et d’arrogance. Comment donc a-t-il rabattu leur orgueil ? en leur rappelant ce qu’ils sont. Car après avoir dit « Peuples », il ajoute : « et ceux qui sont nés de la terre, et ceux qui « sont les fils des hommes », nommant ainsi la substance de laquelle nous tirons notre origine, rappelant que la terre est notre mère commune à tous. Pourquoi cette expression « ceux qui sont les fils des hommes ? » Après avoir prononcé ces mots « ceux qui sont nés « de la terre », il ajoute « et ceux qui sont les « fils des hommes », afin qu’on n’aille pas croire avec les mythologues païens que les hommes ont pris naissance dans la terre comme les plantes, explication donnée par quelques-uns d’entre eux qui ont imaginé une certaine race d’hommes nés d’une semence jetée en terre. Les hommes sont vos pères, mais eux et vous, vous avez pour origine la terre. « Pourquoi » donc « la terre et la cendre s’enorgueillissent-elles ? » (Sir. 10,9) Songe à ta mère, et humilie-toi, foule aux pieds ton arrogance ; « Songe que tu es terre et que tu retourneras en terre (Gen. 3,19) », et rejette tout sentiment d’orgueil. Voilà l’auditeur qu’il me faut. Je te soumets à cette préparation, afin de te rendre propre à recevoir mes paroles. « Le riche en même temps que le pauvre. » Voyez combien l’Église est généreuse ! Comment en effet ne serait-elle pas généreuse elle qui admet ses auditeurs sans distinction de rang, qui donne tous ses enseignements avec une égale libéralité, qui fait asseoir à la même table et le riche et le pauvre ? Le Prophète, en disant que nous sommes nés de ta terre et que nous sommes fils des hommes, signale l’unité de notre race, et de plus, fait ressortir que nous sommes tous de même nature. S’il fait intervenir cette différence, et cette inégalité qui résultent de nos conditions, c’est pour dire qu’il l’exclut, puisqu’il nous convoque tous sans exception, car tous sans exception nous sommes de même nature. Je vous convoque tous indistinctement, parce que nous sommes tous citoyens d’une même patrie qui est la terre habitée. (Act. 17,26) Mais vous songez encore à la différence que mettent entre les hommes la richesse et la pauvreté, et vous faites intervenir l’inégalité. Eh bien ! je ne veux pas non plus de cela. On ne me verra pas admettre les riches et rebuter les pauvres, ou bien appeler les pauvres et repousser les riches. Loin de là ! qu’ils viennent les uns et les autres ; et je ne dis pas seulement les uns et les autres, faisant entre ceux-ci les premiers, et ceux-là les derniers, ou bien au contraire faisant entrer ceux-ci les derniers et ceux-là les premiers ; non, non, qu’ils viennent en même temps. Qu’il n’y ait de distinction ni dans l’assemblée, ni dans mon langage, ni dans l’auditoire. Quoique riche tu es sorti de la même argile que le pauvre, tu es venu au monde de la même manière, tu as la même origine. Tu es fils d’un homme, et lui aussi.
2. Puisque vous êtes égaux sur les points essentiels, et qu’il n’est pas dû plus d’honneurs à l’un qu’à l’autre, pourquoi t’enfler de je ne sais quelle vaine et chimérique supériorité, pourquoi diviser ce qui est commun, d’après des distinctions qui ne reposent sur rien ? Tout est commun entre vous : nature, origine, parenté. Pourquoi donc ces costumes destinés à marquer la distinction des rangs ? Voilà ce que je ne tolère pas. C’est pour cela que je t’appelle avec le pauvre en disant : « le riche en même temps que le pauvre. » Pour toute autre chose on ne saurait voir réunis le riche et le pauvre : on ne les voit ensemble, ni dans les tribunaux, ni dans la cour des rois, ni sur