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autrefois, y trouvent deux fois leur profit, et voient de leurs propres yeux ce qu’ils ne connaissaient que pour l’avoir entendu dire. « Dieu l’a fondée et affermie pour toute l’éternité. Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde au milieu de ton peuple (10). » Un autre dit : « Nous avons apprécié, ô Dieu, ta miséricorde au milieu de ton peuple[1] », – et dans le texte hébreu on lit : «  Echalach demmenu. Comme la gloire de ton nom, ô Dieu, s’étend jusqu’aux extrémités de la terre, votre louange s’y étend de même (11). »
3. Après avoir dit : nous avons vu ce dont nous avions entendu parler, le Psalmiste raconte aussi et ce dont il savait entendu parler, et ce qu’il a vu. De quelle chose donc avait-il entendu parler, et qu’a-t-il vu ? Que la faveur de Dieu fait sa cité plus forte, et la rend indestructible. Voilà ses fondements, voilà sa force, voilà ce qui la rend imprenable, plutôt que l’alliance et l’aide naturelle des hommes, plutôt que la force des armes, plutôt que les tours et que les remparts. Mais quoi ? Dieu la tient sous sa domination. Voilà surtout l’idée avec laquelle ils devaient se familiariser, l’idée que le Prophète ne cesse de leur suggérer. « Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde au milieu de ton peuple. » Que signifient ces mots : « Nous avons a reçu ? » que nous avons espéré, que nous avons attendu, que nous avons connu ton amour pour nous. Car après avoir dit : Dieu a jeté les fondements, a établi les racines, a élevé les remparts de Jérusalem, le Prophète, pour montrer que tant de bienfaits n’ont pas été provoqués par les mérites de ceux qui en ont été l’objet, mais qu’ils sont uniquement l’effet de Celui qui en est l’auteur, voulant en même temps rabattre l’orgueil des Juifs, le Prophète tient à peu près de langage : nous sommes redevables de ces heureux événements à ta miséricorde, à ta gloire, à ta bonté. Et c’est pour cela qu’il a ajouté : « Comme la gloire de ton nom, ô Dieu, s’étend jusqu’aux extrémités de la terre, ta louange s’y étend de même. C’est ta louange », dit-il, qui a produit des succès si considérables et si étonnants, si grands et si glorieux. Car tu n’as mesuré tes bienfaits ni à la grandeur de ceux que tu as obligés, ni à leurs mérites, mais à ta propre grandeur. C’est donc ta louange, c’est-à-dire, le concert d’éloges auquel ont donné lieu tes actes, qui a répandu au loin le bruit de ce succès. Bien que

ces événements se soient passés en Palestine, ils étaient si grands et si considérables, que la renommée les a fait connaître jusqu’aux extrémités de la terre, et que les contrées lointaines en ont été informées. Ce qui s’était passé en Égypte n’était-il pas plus exactement connu de la prostituée de Jéricho que de ceux qui étaient présents ? (Jos. 2,10) A son tour la Palestine a vu les événements survenus au milieu de son peuple, proclamés parmi ceux qui habitent la Perse. Enfin les Persans ont vu ce qui était arrivé chez eux parvenir aux derniers confins de la terre. C’est ainsi que le grand roi envoya par toute la terre des lettres qui publiaient le miracle de la fournaise. (Dan. 3,98) C’est ainsi que le Prophète, après avoir dit : « Et ta louange a pénétré aux extrémités de la terre », ajoute : « Ta droite est pleine de justice », fidèle, dans ce passage, à son invariable habitude de remonter des objets sensibles aux qualités inhérentes à la nature de Dieu. Ce n’est pas qu’il veuille nous faire croire qu’on puisse ajouter à Dieu ou qu’en en puisse retrancher quelque chose (loin de lui cette pensée !), mais comme la parole de l’homme et sa langue sont faibles, il faut ajouter au langage une interprétation qui convienne à la majesté de Dieu.
Par les qualités inhérentes à la nature de Dieu, le prophète entend celles qui sont inséparables de son essence. Or quelles sont-elles ? « Ta droite », dit le Prophète, « est pleine de « justice. » Il montre par là qu’en accordant ses bienfaits, il y a été sollicité non par les mérites de ceux qui en étaient l’objet, mais par sa propre essence, puisqu’il est dans son essence qu’il se complaise dans la justice, qu’il se complaise à aimer les hommes. Tel est son but, telle est sa coutume, et c’est ce qui explique pourquoi les Juifs ont reçu de lui tant de bienfaits. De même que la chaleur est le propre du feu, et la lumière le propre du soleil, de même, et bien plus encore, la bienfaisance est le propre de Dieu. C’est ce qui fait dire au Prophète : « Ta droite est pleine a de justice », pour signifier qu’elle déborde chez lui, qu’elle fait corps avec lui.
« Que le mont de Sion se réjouisse, et que les filles de Juda soient dans des transports de joie à cause de tes jugements, « Seigneur (12). » Un autre dit : « à cause de tes décisions. Environnez Sion, et embrassez-la ; racontez toutes ces choses du haut de ses tours (13). » Un autre dit : « Comptez le

  1. Le véritable texte donne ναοῦ (temple), et non λαοῦ (peuple).