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accomplie cette parole prononce au milieu d’eux ; c’est parmi nous qu’elle est crue, parmi nous qui n’en avions pas même entendu le premier mot : « Voici que la vierge concevra. » (Isa. 7, I4) La synagogue gardait la promesse écrite ; l’Église possède l’objet de la promesse. L’une a possédé le livre et l’autre les trésors promis par ce livre ; l’une a su teindre la laine et l’autre a revêtu la robe de pourpre qui en a été tissue. La Judée l’a enfanté ; la terre entière l’a reçu. La synagogue l’a nourri et élevé ; l’Église le possède et recueille les fruits de sa présence. Celle-là eut le cep de la vigne et près de moi sont les fruits mûrs de la vérité. Celle-là a vendangé les raisins ; mais les nations boivent le breuvage mystique. Celle-là a semé le grain du froment dans la Judée ; mais les nations ont moissonné avec la faux la moisson de la foi. Les nations ont recueilli avec piété la rose, tandis que l’épine de l’incrédulité est demeurée parmi les Juifs. Le petit s’est envolé et les insensés restent assis auprès du nid demeuré vide. Les Juifs interprètent la lettre, qui est semblable à la feuille, et les nations recueillent le fruit de l’Esprit.
« La Vierge concevra. » Dis-moi clone le reste, ô juif ! dis-moi quel est Celui qu’elle a enfanté ? Aie en moi autant de confiance qu’en Hérode. Mais tu manques de confiance, et je sais pourquoi. Tu ne penses qu’à tendre des embûches. Tu l’as dit à Hérode afin qu’il le mît à mort ; tu ne me le dis pas, pour que je ne puisse l’adorer. Quel est donc Celui qu’elle a enfanté ? Quel est-il ? C’est le Maître de la nature. Lorsque tu gardes le silence, la nature crie. Elle a enfanté Celui qui a été mis au monde de la façon qu’il avait choisie pour naître. Ce n’est pas la nature qui avait réglé cet enfantement, mais c’est le Maître de la nature qui introduit ce mode inusité de naissance, afin de montrer, en se faisant homme, qu’il ne naît pas comme un homme, mais comme un Dieu.
Il naît aujourd’hui d’une vierge qui triomphe de la nature et qui remporte la victoire sur le mariage. Il convenait au Dispensateur de la sainteté qu’il naquît d’un enfantement pur et saint. Il est Celui qui forma autrefois Adam d’une terre vierge et ensuite lira la Lemme d’Adam sans le concours d’une mère. De même qu’Adam, sans mère, donna naissance à la femme, ainsi la Vierge enfante aujourd’hui un homme sans le concours de l’homme. Et parce que le sexe de la femme était redevable envers l’homme depuis qu’Adam avait donné naissance à la femme sans le secours d’une femme, aujourd’hui la Vierge paye à l’homme la dette contractée par Eve, puisqu’elle enfante sans le secours de l’homme. Afin qu’Adam ne puisse s’enorgueillir d’avoir produit la femme sans le secours d’une femme, la Vierge engendre un homme sans le secours de l’homme, de telle sorte que l’égalité résulte de la parité des merveilles opérées. Adam perdit une de ses côtes et n’en fut pas amoindri ; d’autre part, le Seigneur s’est formé dans le sein de la Vierge un temple animé et il n’a point détruit sa virginité. Adam demeura sain et sauf après l’enlèvement de sa côte ; la Vierge n’a point été flétrie après la naissance de son fils.
Le Seigneur n’a point voulu se construire un autre temple, ni se revêtir d’un corps formé d’une autre manière, pour faire connaître qu’il ne méprisait pas le limon d’Adam. Et, parce que l’homme trompé était devenu l’instrument de Satan, il a fallu qu’il prît comme un temple animé celui-là même qui avait été séduit, afin que par cette union avec son Créateur, il l’arrachât à l’union et au service de Satan. Et, toutefois, se faisant homme, le Christ n’est pas mis au monde comme un homme, mais comme un Dieu, parce que s’il était issu, comme l’un de nous, d’un mariage ordinaire, la foule n’eût pas voulu croire en lui. Mais il naît d’une vierge et, en naissant, il garde le sein de sa mère immaculé, et cette vierge elle-même sans souillure, afin que les circonstances inusitées d’un pareil enfantement nous inspirent une foi plus grande. Donc, si le Gentil m’interroge ou si le juif n’interroge pour savoir si le Christ, étant Dieu par nature, s’est fait homme en dehors des lois de la nature, je répondrai qu’il en est ainsi, et j’en donnerai pour preuves les marques d’une virginité qui n’a point été violée. Car il n’y à qu’un Dieu qui puisse vaincre l’ordre de la nature, il n’y a que Celui qui a fait le sein de la femme et lui a donné sa virginité qui ait pu préparer pour lui-même ce mode immaculé de sa naissance et se construire, selon son désir, un temple bâti d’une manière ineffable.
Dis-moi donc, ô juif, si la Vierge a enfanté ou non ? Si elle a enfanté, reconnais la merveille