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la grossièreté. Écoutez un langage plus relevé « Il a fait tout ce qu’il a voulu. » (Ps. 134,6) C’est qu’il lui suffit de vouloir : observez d’ailleurs comment, même quand son langage s’abaisse, l’Écriture atteste l’absolue plénitude de la nature divine. La mention des armes n’arrive qu’après l’appellation de Puissant et après l’énumération des armes, c’est au bras de Dieu seul, qu’est attribuée la victoire, en d’autres termes, à sa nature, à sa puissance : ce qu’un autre prophète indique en disant : « Son pouvoir est sur son épaule. » (Is. 9,6) Noir pour que vous vous représentiez une épaule véritable, à Dieu ne plaise ! mais pour que vous sachiez que Dieu n’a pas besoin de l’assistance d’autrui. « Ceignez votre épée sur votre cuisse, puissant, dans votre jeunesse et votre beauté. » Que veut-il dire ici ? Il emploie ces expressions peu relevées pour faire voir la puissance avec laquelle Dieu a gouverné le monde, mis fin à la guerre, et consommé son triomphe. C’était une guerre en effet, une guerre affreuse, la plus cruelle de toutes : il n’avait point à lutter contre une armée de barbares, mais contre les pièges des démons qui corrompaient l’univers entier. De là ces paroles d’Isaïe : « Il partagera les dépouilles des forts (Is. 53,12) ; » et encore a l’Esprit de Dieu est sur moi : pour cette raison il m’a oint, m’a envoyé annoncer la « bonne nouvelle aux pauvres, proclamer la « délivrance des captifs. » (Id. 61, 1) C’est encore pour cela que Paul écrit en général au commencement de ses épîtres : « Grâce à vous et paix par Dieu notre Père. » Et ailleurs : « Car c’est lui qui est notre paix, lui qui des deux choses en a fait une seule. »(Eph. 2,14) Mais, afin que ces mots « Ceignez votre épée », ne vous fassent pas croire qu’il s’agit d’une épée sensible, écoutez ce qui suit : « Dans votre jeunesse », poursuit-il, et, « dans votre beauté. » L’épée, la voilà : c’est sa jeunesse, sa beauté, sa majesté, sa grandeur, sa magnificence. En effet, son essence n’a besoin de rien pour accomplir ses desseins, puisque rien ne lui manque. Le Prophète l’invoque donc, le pousse à la guerre dans l’intérêt de l’univers. Puis de ces sublimités il redescend à un langage plus humble ; après avoir dit l’épée, la cuisse, il avait haussé le ton, et nommé la jeunesse, de là il redescend à des objets plus charnels, et reprend : « Tends, dirige et règne. » – Par ce mot tends, il nous rappelle l’arc et la flèche. Mais aussitôt et après, voulant nous montrer que Dieu n’a pas besoin d’armes, il ajoute : Dirige et règne. » – Avance, suivant un autre interprète. Quant à la royauté dont il parle ici, c’est celle que le Rédempteur, après sa venue, a exercée dans les derniers temps, celle qui résulte de l’union intime et de la doctrine.
6. Ces paroles attestent admirablement le désir allumé chez le Prophète par la vue des victoires futures et du inonde amené à la vérité. Voilà pourquoi il emploie les formes de l’exhortation. Les petits emploient de pareilles expressions vis-à-vis des grands, quand ils sont transportés de zèle pour eux. « À cause de la vérité, de la douceur et de la justice. » Il ajoute ce mot « vérité. » Voyez-vous comment l’Écriture s’explique elle-même, et montre qu’il s’agit d’une victoire purement intelligible et spirituelle ? Comment ce même auteur qui parlait tout à l’heure d’armes, de glaive et d’arc, peut-il ici nommer la douceur ? qu’y a-t-il de commun entre la douceur et la guerre, entre la clémence et le combat ? Le rapport est grand, si l’on y fait attention. David et Moïse étaient doux. L’Écriture dit du premier : « Souvenez-vous, Seigneur, de David et de toute sa douceur. » (Ps. 131,1) ; et de Moïse : Moïse était le plus doux de tous les hommes qui sont sur la terre. (Nb. 12,3) Néanmoins ces hommes si doux savaient punir mieux que personne. Mais parlons d’abord, si vous le voulez, de leur douceur. Plusieurs fois David avait tenu Saül en son pouvoir ; il aurait pu le tuer ; il ne porta pas la main sur lui, en dépit des conseils d’autrui, il l’épargna et dompta sa propre colère. Quand Séméi l’abreuvait d’outrages et insultait à son infortune, quand ses généraux voulaient courir sus à ce furieux, et lui donner la mort, quelle n’est pas la sagesse de ses paroles ! Voyez encore comment il recommande à ses généraux un fils parricide et perverti : « Épargnez », leur dit il, « mon enfant Absalon. » Et tout au commencement, quand il répond à ses frères envieux et jaloux de sa future victoire, rappelez-vous quelle est la douceur de son langage : « N’est-il pas permis de parler ? » dit-il. (1Sa. 17,29) Et Moïse ? Écoutez comment il plaide la cause de ceux qui avaient tenté de le lapider, et l’auraient tué, s’il n’avait tenu qu’à eux : « Si vous leur remettez leur péché, remettez-le:» sinon, « rayez-moi aussi du livre que vous avez écrit. » (Ex. 32,31-32)