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nous, avec quel enthousiasme ne devons-nous pas tout endurer pour la continence, quand nous la voyons couronnée par les mains de Dieu, et lutter à notre tour afin d’obtenir ces couronnes célestes, prix des bonnes œuvres, des œuvres de salut. Les athlètes cèdent à l’attrait de quelques feuilles de laurier ou d’olivier, de cette gloire éphémère qui est celle du monde : comment, dès lors, ne pas s’indigner, si les présents du Christ ne savaient pas nous arracher aux plaisirs, et nous déterminer à donner la préférence à la crainte de Dieu sur la concupiscence ?
D’ailleurs ce ne sont point seulement les hommes qui imitent leurs semblables, nous trouvons la même chose chez les brutes. Souvent des colombes, en voyant une d’elles s’envoler, prennent toutes leur essor aussitôt ; un poulain généreux, qui bondit au milieu d’une troupe de chevaux, l’entraîne après lui. Ainsi parmi vous, qui êtes le troupeau du Christ, il est un noble poulain, le chaste Joseph, dont les transports célestes appellent l’imitation de tous ses compagnons de servitude. Formons donc avec ce vertueux jeune homme comme une danse spirituelle ; célébrons sa continence, non-seulement par des paroles, mais encore en suivant son exemple. – Il sut, ce grand homme, il sut rester un exact et fidèle gardien de la chasteté, quand il ne tenait qu’à lui de s’assujettir la reine elle-même, et de vivre au milieu des richesses, du luxe et de la volupté. Et pourtant, malgré la perspective d’une telle fortune, songeant que les richesses, la puissance, la gloire, n’ont qu’une durée limitée par les bornes de la vie présente, et ne procurent aucun avantage qui ne soit temporel, tandis que la vertu a devant elle un horizon infini, il sut mettre à ses passions un frein, la crainte du Christ. Richesses, délices, promesses de sa maîtresse, il méprisa tout, et préféra la prison et l’infortune au séjour des palais ; et pourtant combien il est difficile à la beauté de résister aux tentations du plaisir ! Mais après un tel exemple de continence, la beauté de son âme éclipse celle de son corps : la beauté de son corps en faisait un astre brillant ; les grâces de son âme en firent un ange. Pour nous, ce qu’il nous faut admirer, ce n’est pas seulement la continence de ce jeune homme, ce sont encore les périls qu’il brava pour la conserver, jugeant l’esclavage des passions plus pesant et plus redoutable que la mort.
Et cette admiration, on l’éprouvera si l’on considère attentivement sa vertu, et si l’on se rend bien compte des circonstances au milieu desquelles il sut garder la pureté de son âme. Avant qu’apparaît sur la terre le Maître et le Créateur de l’univers, il garda la liberté du cœur. Il vivait dans un séjour d’impies, il était entouré de dangereux conseillers, sans avoir auprès de lui un seul maître de continence. Ce n’étaient que voluptueux, gourmands, sans piété, sans vertu ; et cependant au milieu de cette multitude d’impies, voyant sa maîtresse s’abandonner à une passion effrénée, il ne délaissa point les célestes trésors, il préserva de toute atteinte le temple de l’Esprit, aimant mieux mourir que de tomber sous le joug des voluptés. II n’avait pas entendu Paul enseigner que nos corps sont les membres du Christ ; il n’avait pas ouï la voix divine, et cela ne l’empêcha point de se montrer l’égal des hommes honorés des célestes promesses : exemple qui nous montre, à nous, enfants des églises, combien il est essentiel pour nous de lutter et de maintenir notre âme à l’abri de toute atteinte. Joseph, en effet, ne pourrait-il pas nous dire : Si moi qui ai vécu avant la naissance du Christ, moi qui n’ai pas entendu proclamer par le sublime apôtre Paul que nos corps sont les membres du Christ, j’ai jugé qu’il appartenait aux serviteurs de Dieu de maîtriser en eux la concupiscence ; si je n’ai pas failli à la continence, en dépit de tous les dangers que je voyais suspendus sur ma tête, combien ne devez-vous pas davantage vivre dans la continence avec crainte et tremblement, afin de ne point paraître indignes d’un pareil honneur, afin que les membres du Christ ne deviennent point les membres d’une prostituée ?
Voilà une parole capable d’armer de continence toutes les âmes, d’éteindre sans peine toutes les concupiscences. Une pluie qui tombe sur des flammes ne les éteint pas aussi facilement qu’un tel langage, en pénétrant dans l’âme, n’étouffe les mauvaises passions. Il pourrait encore nous tenir de pareils discours, ce grand Job, qui non seulement pratiqua scrupuleusement la continence, mais qui encore imposa à ses regards la loi de ne pas s’arrêter sur un visage de jeune fille, de peur que l’attrait de la beauté ne séduisît son cœur. Qui ne resterait frappé d’étonnement et d’admiration en voyant ce vaillant ennemi du diable, ce vainqueur qui sut déjouer tous les