lui-même. Comment craindrait-il, quand Celui qui doit le couronner, a lui-même annoncé et la couronne et les récompenses ? Hé bien ! ce Pierre, qui avait tout laissé, qui espérait fermement le royaume des cieux, un jour qu’un riche s’était approché et avait demandé au Christ : « Que dois-je faire pour obtenir la vie éternelle ? (Mt. 19,16) ; » et que le Christ lui avait répondu : « Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et suis-moi (Id. 21) ; » comme le Christ, voyant ce riche tout triste, disait à ses disciples : « Regardez comme il est difficile aux riches d’entrer dans le royaume des cieux ; en vérité, en vérité je vous le dis, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille, qu’à un riche de pénétrer dans le royaume de Dieu (Mt. 19,24) ; » Pierre, ce Pierre, dépouillé de tout, sûr d’avoir le royaume céleste, qui n’avait rien à craindre pour son propre salut, qui savait de source certaine quels honneurs lui étaient réservés là-haut, entendant ces mots dit : « Qui pourra se sauver ? » (Id. 25) Que crains-tu, ô bienheureux Pierre ? Que redoutes-tu ? Pourquoi trembles-tu ? Tu as tout dépouillé, tu as tout abandonné ; c’est des riches que parle le Christ, ce sont eux qu’il accuse, et toi tu vis dans le dépouillement et la pauvreté. Mais ce n’est pas à moi que je songe, répond-il, c’est le salut des autres qui m’occupe. Voilà pourquoi, assuré pour lui-même, il s’inquiète des autres, demandant : « Qui pourra se sauver ? »
5. Vous voyez la sollicitude des apôtres. Et comme ils ne forment qu’un seul corps ? Vous voyez comment Pierre craint et pour ceux qui vivent en même temps que lui, et pour ceux qui sont à naître ? Il en est de même de Paul. Aussi a-t-il dit : « Sachez que dans les derniers jours il y aura des temps redoutables. » Il y revient encore ailleurs. Sur le point de quitter l’Asie, pour être transporté à Rome, et de là monter aux cieux (car la mort des saints n’est pas une mort mais une migration de la terre au ciel, d’un séjour moins bon à un séjour meilleur, c’est l’échange de compagnon d’esclavage contre le Seigneur, de la société des hommes contre celle des anges), comme il allait partir vers Dieu le souverain Maître, il règle avec soin toutes ses affaires. En effet tout le temps qu’il fut avec ses disciples, il leur distribua l’instruction avec le plus grand zèle ; aussi déclare-t-il : « Je suis pur du sang de tous (Act. 20,26) ; » je n’ai rien négligé de ce que je devais leur apprendre pour leur salut. Mais quoi ? après s’être mis en sûreté lui-même, puisque Dieu ne devait l’accuser sur rien de ce qui se rapportait au temps de sa vie, a-t-il donc négligé les âmes qui devaient venir plus tard ? Nullement ; mais comme s’il avait à rendre compte aussi de celle-là, il a eu soin de leur adresser les paroles que nous avons lues, et celles que nous allons lire : « Veillez », dit-il, « sur vous-mêmes et sur tout le troupeau. » (Act. 20,28) Voyez-vous de quelle sollicitude il était travaillé pour tous ? Chacun de nous s’inquiète de sa propre personne, mais lui, le chef, il s’inquiète de tous. Aussi dit-il de ceux qui sont chargés d’enseigner : « Ceux qui veillent sur nos âmes, comme s’ils avaient à en rendre compte. » (Héb. 13,17) Redoutable jugement en vérité, quand il faut rendre compte d’un si grand peuple ! Mais comme je vous le disais, il les appelle et leur dit : « Veillez sur vous-mêmes et sur tout le troupeau, dont l’Esprit-Saint vous a faits pasteurs et gardiens. » (Act. 20,28) Qu’est-il arrivé ? Pourquoi ces exhortations ? Quel danger.prévois-tu ? Quelle épreuve devines-tu ? Quel péril, quelle calamité, quelle guerre ? Réponds : car tu es placé plus haut que nous : et tu ne vois pas seulement le présent, mais aussi l’avenir. Dis-nous donc pourquoi ces avertissements, ces recommandations ? « Je sais, dit-il, qu’après mon départ des loups redoutables se jetteront au milieu du troupeau. » Voyez-vous ce que je disais, qu’il ne craint pas et ne tremble pas seulement pour son temps, mais aussi pour les temps qui suivront son départ ? « Des loups se jetteront », dit-il, et non pas simplement des loups, mais « des loups redoutables qui n’épargneront pas le troupeau. » Ainsi double danger : l’absence de Paul, et l’attaque des loups ; le maître ne sera plus là, et les ennemis surviendront. Et examinez la cruauté de ces bêtes sauvages, et la malice des méchants ! ils ont guetté l’absence du maître, et alors ils se sont jetés sur le troupeau. Hé quoi ? nous abandonnes-tu sans chef et sans protecteurs ; te bornes-tu à annoncer les dangers, sans nous adresser la moindre exhortation ? Mais si tu agis ainsi, tu vas augmenter l’effroi, abattre les âmes de ceux qui t’entendent, les énerver, les paralyser. Aussi leur a-t-il d’abord rappelé l’Esprit-Saint à la pensée : « Dont l’Esprit-Saint vous a faits pasteurs et
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