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de lire étourdiment une loi promulguée par un monarque : faute d’avoir indiqué la date, le nom du législateur, d’avoir cité enfin le texte exactement et dans son intégrité, on est puni, condamné au dernier supplice : et nous, quand nous lisons, non pas une loi humaine, mais une loi divine et descendue des cieux, nous pousserons la négligence au point de la mettre en pièces, en lambeaux ? Comment justifier, excuser une pareille conduite ? Peut-être me suis-je étendu démesurément sur ce point : ce n’est pas sans intention : j’ai voulu vous corriger d’une détestable habitude. Ne nous lassons donc point, jusqu’à ce que notre but soit atteint : en effet, si nous sommes au monde, ce n’est pas pour boire, manger ou nous vêtir, c’est pour fuir le vice, et pratiquer la vertu, grâce aux lumières de la sagesse révélée. Voulez-vous vous convaincre qu’en effet nous ne sommes pas nés pour manger et pour boire, mais pour des choses bien plus grandes et bien meilleures ? écoutez Dieu lui-même qui va vous dire pour quelle fin il a créé l’homme. Au moment où il le façonne, il prononce ces paroles : « Faisons l’homme à a notre image et à notre ressemblance. »
4. Or ce n’est pas en mangeant, en buvant, en nous habillant que nous devenons semblables à Dieu ; car Dieu ne mange, ni ne boit, ni ne s’habille. C’est en pratiquant la justice, en montrant de la charité, en faisant preuve de sagesse et de probité, en compatissant aux maux du prochain, en cultivant toutes les vertus. Quant au boire et au manger, ces choses nous sont communes avec les brutes, et nous n’avons en ce point aucune supériorité sur elles. En quoi donc réside notre excellence ? En ce que nous sommes faits à l’image et à la ressemblance de Dieu. Ne nous lassons donc point de conférer au sujet de la vertu, et puisque nous avons cité ce texte du prophète, examinons-le scrupuleusement ; demandons-nous qui a prononcé cette parole, pour qui il parlait, quand, à qui, dans quelles circonstances ; en un mot ne négligeons rien de ce qui peut nous mettre sur la voie.
D’abord cette parole est du prophète Jérémie : il ne priait point alors pour lui-même, mais pour autrui, je veux dire pour les Juifs, ce peuple ingrat, ce peuple grossier, incorrigible, ce peuple réservé à un châtiment, à un supplice exemplaire. Dieu lui disait au sujet des Juifs : « Ne prie pas pour ce peuple, parce que je ne l’écouterai pas. » (Jer. 7,16) Quelques-uns pensent qu’il s’agit en cet endroit de Nabuchodonosor : ce barbare allait attaquer les Juifs, détruire leur ville, les emmener en captivité. Alors voulant les convaincre tous que ce n’était pas la puissance, les forces du roi qui l’avaient fait triompher, mais bien les égarements de ses ennemis, et la volonté de Dieu qui guidait ses pas et l’avait conduit comme par la main vers sa propre cité, Jérémie dit : « Je sais, Seigneur, que la voie de l’homme n’est pas en lui, que l’homme ne marchera point et ne conduira point ses pas vers lui-même. » Voici le sens de ces paroles Cette voie que le barbare a suivie pour nous attaquer, il n’y est pas entré de lui-même, ce n’est pas lui qui a remporté la victoire ; si vous ne nous aviez pas livrés entre ses mains, il n’aurait pas été vainqueur, il n’aurait pas triomphé. Je vous prie donc et vous conjure, puisque vous avez statué de la sorte, que la vengeance reste entre certaines limites. « Châtiez-nous, mais selon le jugement et non selon la colère. »
Mais comme il y a des gens qui contestent cela et prétendent qu’il est question ici non du barbare, mais de la nature humaine en général, il est nécessaire de les réfuter. Voyons donc ce que nous avons à leur répondre. Jérémie priait pour des pécheurs, pour lesquels souvent il lui avait été interdit de prier. En conséquence, il commence par représenter la ville en pleurs, attendu que Dieu ne cessait de lui répéter : Ne prie pas pour eux ; il prosterne d’abord la cité qui avait besoin de la bonté divine, afin de tirer de là une occasion, un prétexte spécieux pour supplier Dieu en sa faveur. Il s’adresse premièrement à elle, en lui disant : « Hélas ! quel est ton malheur ! ta plaie est douloureuse. » Alors elle répond : « Cette blessure est bien la mienne, ma tente a péri, mes peaux ont été déchirées en lambeaux, mes fils et mes brebis se sont éloignés de moi et ne sont plus. Mes bergers ont perdu l’esprit et ils n’ont pas cherché le Seigneur. Le bruit d’une rumeur et d’un grand ébranlement vient du côté de l’Aquilon, pour réduire les villes de Juda en un désert et en faire un nid de passereaux. »
Ensuite, après avoir déploré sa propre infortune, elle ajoute : « Seigneur, la voie de l’homme n’est pas en lui. » Qu’est-ce à dire ? Parce que Jérémie pleure et a pu introduire