donner prise aux propos des hérétiques (1). Le corps est une chose inférieure à l’âme, et non point une chose contraire. L’âme est simple ; mais elle se plie aux appétits du corps. Dieu, le grand ouvrier, n’a point composé l’univers d’une, de deux, de trois substances : il y a introduit les essences les plus diverses, faisant paraître dans cette variété, l’inépuisable richesse de son industrie. Il n’a pas fait le ciel seulement, mais encore la terre ; pas seulement la terre, mais encore le soleil ; pas seulement le soleil, mais encore la lune ; pas seulement la lune, mais encore les étoiles ; pas seulement les étoiles, mais encore l’air ; pas seulement l’air, mais encore les nuées ; pas seulement les nuées, mais encore l’éther ; pas seulement l’éther, mais encore les lacs, les fontaines, les fleuves, les montagnes, les bois, les collines, les prairies, les jardins, les graines, les plantes, mille espèces de végétaux, mille formes, mille vertus, mille natures diverses, dont il faudrait parcourir tout l’univers pour se faire une idée : et alors, revoyant en esprit toute la surface de la terre habitée, on s’écrierait avec le Prophète : « Que vos ouvrages sont magnifiques, Seigneur ! Vous avez fait toutes choses avec sagesse. » (Psa. 103, 24)
Si donc il vous faut des spectacles, laissez là le théâtre de Satan, et accourez à ce théâtre spirituel ; si vous désirez entendre le son de la lyre, laissez-là les mélodies profanes, et quand vous aurez bien affermi votre attention, venez en écouter une autre qui réveillera votre âme et la fortifiera. Ici des sons divers, des cordes variées unissent leurs dissonances dans une harmonie unique pour les offrir au Seigneur, à l’incomparable ouvrier. C’est un concert de voix différentes qui s’accordent dans un même hommage à l’adresse de Celui qui les a créées : autant de cordes qui rendent chacune un son particulier et se répondent néanmoins entre elles. Voulez-vous savoir comment elles rendent chacune un son particulier : faites vibrer, en esprit, la corde du ciel : vous l’entendrez résonner fortement à la louange de Dieu. De là cette parole du Prophète : « Les cieux racontent la gloire de Dieu, le firmament proclame l’œuvre de ses mains. » (Psa. 18, 2) Passez maintenant de cette corde à celle de la nuit et du jour : de là encore vous entendrez sortir des sons plus
1 Les Manichéens.
doux que ceux de la lyre et de la cithare la plus mélodieuse ; surtout si vous êtes de ceux qui savent jouer de cet instrument.
Et comment le faire retentir ? dira-t-on. Le ciel ne remue ni bouche, ni langues, ni mâchoires, ni dents, ni lèvres. Comment donc sort cette voix ? Comment résonne le jour ? Ce ne sont pas là des instruments de musique : le ciel est la carrière du soleil et de la lune, le jour et la nuit ne sont que le temps qui passe. De peur que cette objection n’ébranle et ne déconcerte quelque esprit grossier, écoutez comment le Prophète appuie son dire. Après avoir dit : « Les cieux racontent la gloire « de Dieu, » et encore : « Le jour en parle au jour, et la nuit en instruit la nuit, » il ne s’en tient pas là, et ajoute : « Il n’y a pas de langage ni de paroles, parmi lesquelles leurs voix ne soient pas entendues. » (Id. 5, 3, 4) Voici le sens de ses paroles : non-seulement le jour et la nuit ont une voix, ainsi que le ciel, mais cette voix est plus claire, plus distincte, plus forte que la voix humaine. Comment expliquer cela ? Écoutez seulement le texte : « Il n’y a pas de langage, ni de paroles parmi lesquelles leurs voix ne soient pas entendues. » Qu’est-ce que cela ? Un éloge de cette voix, une glorification de ce bruit. Ma voix, à moi, se fait, entendre de celui qui parle ma langue, elle est muette pour un étranger. Par exemple, si je parle en langue grecque, celui qui comprend cet idiome m’entendra : mais il n’en sera pas de même d’un Scythe, d’un Thrace, d’un Maure, d’un Indien : la différence de nos langages empêchera que mes discours ne soient clairs pour eux.
2. D’autre part, si celui qui me parle est un Scythe ou un Thrace, je serai incapable de l’entendre, et des hommes de ces deux nations ne s’entendront pas davantage entre eux. Il n’en est pas ainsi du ciel, de la nuit et du jour leur voix est telle qu’elle se fait entendre de tous les peuples, quel que soit leur idiome, leur langage, qu’elle est claire et distincte pour eux. Voilà pourquoi après ces mots : « Les cieux racontent la gloire de Dieu, » et « Le jour en parle au jour, » il ajoute : « Il n’y a pas de langage ni de paroles, parmi lesquelles leurs voix ne soient pas entendues ; » c’est-à-dire : tel est le langage, telle est la voix du jour, de la nuit, du ciel et de toutes les créatures, que toutes les nations, quelle que soit leur langue ou leur idiome,
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