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des passagers. Un pilote qui conduit des voyageurs curieux et désireux de visiter des villes étrangères, n’accomplit pas son voyage en un jour, quand bien même la distance n’exigerait pas davantage ; il est forcé de rester plus longtemps en route, parce qu’il lui faut mouiller à chaque port, et laisser débarquer dans chaque ville ses passagers, afin de contenter leur envie. Nous avons fait comme ce pilote : non que nous vous ayons montré en chemin des îles, des rades, des ports, des villes : mais nous vous avons fait considérer la vertu des justes, la coupable négligence des pécheurs, la témérité d’un roi, le courage d’un prêtre, la colère de Dieu et sa bonté, toutes deux employées à notre amendement. Aujourd’hui, puisque nous sommes parvenus à la résidence royale, coupons court aux délais ; disposons-nous à entrer dans la ville, et montons enfin à la métropole d’en haut, cette Jérusalem qui est notre mère à tous, cette libre cité où les séraphins, où les chérubins, où des milliers d’archanges, où des myriades d’anges habitent, où s’élève le trône royal. Loin d’ici, donc, les profanes l loin d’ici les impurs ! nous allons pénétrer dans le monde des mystères. Loin d’ici quiconque est souillé et indigne d’entendre un pareil discours !
Mais que dis-je ? ah ! bien plutôt, accourez, impurs et profanes, déposez sur ce seuil vos souillures et votre iniquité, et venez vous joindre à nous. Car si le père de l’époux chassa de la chambre nuptiale et de l’appartement sacré celui qui avait des vêtements sordides, ce ne fut point parce qu’il était mal vêtu, mais parce qu’il était entré sans avoir changé de vêtements. Il ne lui dit pas : Pourquoi n’as-tu pas un habit de noce ? Mais bien : « Pourquoi es-tu entré sans avoir un habit de noce ? » Tu étais debout à mendier dans les carrefours : néanmoins je n’ai pas eu honte de ta pauvreté, je n’ai pas été rebuté par ton ignominie : je t’ai tiré de ton abaissement pour t’introduire dans le sanctuaire nuptial, je t’ai fait asseoir à une table royale, je t’ai appelé aux honneurs d’en-haut, toi qui ne méritais que le suprême châtiment : mais ces bienfaits ne t’ont pas rendu meilleur : tu as persévéré dans tes habitudes vicieuses, tu n’as pas craint de faire injure à la fois à la noce et au marié. Va-t’en donc, et reçois le juste châtiment de ton insensibilité. Que chacun de nous prenne garde de s’entendre dire une telle parole : qu’il bannisse toute pensée in digne de l’enseignement spirituel, et qu’il prenne place alors à la table sacrée.
« Et il arriva dans l’année où mourut le roi Ozias, que je vis le Seigneur assis sur un trône élevé et sublime. » Comment il put le voir, c’est ce que j’ignore : il l’a vu, il le dit comment il a pu le voir, c’est ce qu’il ne dit pas. J’accepte ses paroles, je ne m’inquiète pas, de ce qu’il fait. Je vois ce qu’il me découvre, je ne scrute pas ce qu’il me cache : car c’est dans cette intention même qu’il me l’a caché. Le récit des Écritures est un voile d’or : la chaîne en est d’or, la trame d’or. – Je ne veux point tisser des toiles d’araignée en regard de ce voile céleste. Je connais trop la faiblesse de mon esprit. Il est écrit : « Ne déplace point les bornes éternelles que tes pères ont posées. » (Prov. 22,28) Toucher à une borne est chose périlleuse : et comment déplacer celles que Dieu nous a prescrites ? Vous voulez savoir comment s’y prit Isaïe pour voir Dieu ! devenez vous-même prophète. Et comment le pourrais-je, dira-t-on, quand j’ai une femme, et des enfants à élever. Il ne tient qu’à toi de le pouvoir, mon très-cher frère. Isaïe lui-même était marié et père de deux fils : ce ne fut pas un empêchement pour lui. Le mariage n’est pas un obstacle jeté sur la route du ciel : si c’était un obstacle, si la femme était destinée à nous faire la guerre, Dieu, le jour où il la créa, ne l’aurait pas nommée notre alliée. Je voudrais dire cependant ce que signifie cette expression « assis », appliquée à Dieu. Dieu ne saurait être assis : car c’est là une attitude propre au corps, et la Divinité est incorporelle.
2. Je voudrais dire ce que c’est que le trône de Dieu : car il ne faut pas croire que Dieu soit emprisonné dans un trône : la divinité ne saurait être circonscrite. – Mais je craindrais, si je m’étendais sur ces points de doctrine, de différer l’acquittement de ma dette. Je vois que vous avez tous hâte d’entendre parler des séraphins ; et ce n’est pas d’aujourd’hui seulement, je m’en étais aperçu dès le premier jour. Aussi ma parole, perçant pour ainsi dire, dans son élan la foule des pensées qui l’assiègent, s’empresse-t-elle d’arriver à l’explication de ce passage : « Et les séraphins étaient debout tout autour de lui. » Les voila, ces séraphins, que vous désiriez voir depuis si longtemps. Contemplez-les donc, contentez votre impatience,