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Ozias avait été pieux, comment il s’était perverti, et à quel degré d’arrogance il se laissa entraîner : aujourd’hui il est nécessaire de dire comment il entra dans le temple, comment il entreprit d’offrir l’encens, comment le prêtre voulut l’en empêcher, comment il résista, attira par là le courroux de Dieu sur sa tête, fut atteint de la lèpre et en mourut enfin pour quelle raison le Prophète, laissant de côté les jours de sa vie, fait mention de sa mort en disant : « L’année où mourut le roi Ozias. » (Is. 6,1) Car tel a été le point de départ de tout notre commentaire sur cette histoire : mais prêtez-moi une exacte attention.
« Et il arriva, lorsque le roi Ozias fut devenu puissant, que son cœur s’enfla jusqu’à le corrompre, et qu’il se rendit coupable contre le Seigneur son Dieu. » (2Chr. 26,16) De quelle façon se rendit-il coupable ? Il entra dans le temple du Seigneur, pour offrir l’encens sur l’autel des parfums. O témérité ! ô impudence ! Il osa profaner jusqu’à l’inaccessible sanctuaire, forcer l’entrée du saint des saints, ce lieu interdit à tout autre qu’au grand prêtre. Voilà ce que devient une âme que l’orgueil a enivrée. Une fois qu’elle a perdu le soin de sa conservation, sa démence ne connaît plus de bornes : abandonnant les rênes de son salut aux passions déraisonnables, elle se laisse emporter en tous sens : pareille à un cheval rétif qui a secoué son frein et jeté bas son cavalier, elle court avec la violence d’un vent furieux, et épouvante tous ceux qu’elle rencontre sur son passage : tout fuit devant elle, personne n’ose l’arrêter. L’âme qui a secoué le frein de la crainte de Dieu, qui a jeté bas la raison, son écuyer, parcourt le domaine du vice, jusqu’à ce qu’elle aille se précipiter, tête baissée, dans l’abîme de la perdition. Il faut donc la réprimer sans relâche et refréner par de religieuses pensées son impétuosité déréglée.
Ozias ne fit point ainsi, il alla jusqu’à attenter aux droits de la suprême magistrature. Le sacerdoce, en effet, est supérieur même à la royauté : c’est une magistrature d’un ordre encore plus relevé. N’allez point m’alléguer la pourpre, le diadème, les vêtements dorés. Ombre que tout cela : les fleurs du printemps ont plus de prix. « Toute gloire humaine est comme la fleur du foin (Is. 40,6) ; » oui, même la gloire des monarques. Cessez donc de m’alléguer ces vaines distinctions : et si vous voulez voir la différence qui sépare le roi du prêtre, examinez la mesure du pouvoir départi à chacun d’eux : vous verrez que le prêtre siège bien au-dessus du roi. Le trône royal vous paraît auguste, avec ses incrustations de pierres précieuses, et sa bordure dorée. Néanmoins le roi n’est maître qu’ici-bas et tout son pouvoir ne dépasse point les bornes de ce monde, le trône du sacerdoce, au contraire, est établi dans les cieux : les choses du ciel, voilà son domaine. Qui dit cela ? Le Roi des cieux lui-même : « Tout ce que vous aurez lié sur la terre, sera lié dans les cieux et tout ce que vous aurez délié sur la terre, sera délié dans les cieux. » Quelle dignité pourrait rivaliser avec celle-là ? Le ciel se fonde, pour juger, sur un jugement terrestre. Le juge siège ici-bas, et le Maître se conforme à l’arrêt de son serviteur : ce que l’un a jugé en ce monde, l’autre le ratifie là-haut. Le prêtre est comme un intermédiaire entre Dieu et la nature humaine : il fait descendre jusqu’à notre niveau les célestes prérogatives, il porte là-haut nos supplications : il réconcilie avec l’univers son monarque irrité, et nous sauve de sa vengeance quand nous avons failli. Voilà pourquoi Dieu soumet aux mains du prêtre jusqu’à la tête des rois, nous montrant par là que la première de ces magistratures est supérieure à l’autre : en effet, c’est au plus puissant à bénir le plus faible. Mais nous parlerons une autre fois du sacerdoce, et nous montrerons quelle en est la dignité voyons d’abord l’excès d’iniquité du roi ou plutôt du tyran. Il entre dans le temple du Seigneur, et le prêtre Azarias le suit. Avais-je donc tort de dire que le prêtre est plus grand que le roi ? On ne dirait pas qu’il ait affaire à un roi, mais à un esclave fugitif, à un serviteur rebelle qu’il veut chasser. A le voir entrer à sa suite avec cette précipitation, c’est comme un chien de bonne race qui court sus à un animal immonde, afin de l’expulser de la maison de son maître.
2. Voyez-vous l’intrépidité, la noblesse de cette âme de prêtre ? Il ne considère point la grandeur de ce souverain, il ne réfléchit pas combien il est difficile de contenir une âme enivrée par la passion, il n’entend pas Salomon qui lui dit : « La menace d’un roi est semblable au courroux d’un, lion (Prov. 19,12) : » il ne voit que le vrai monarque, celui