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être sujet d’être embarrassé il était homme, c’est-à-dire chose prompte à glisser dans le péché, et facile à précipiter dans le vice. Et ce n’est pas là seulement que gît la difficulté, c’est encore en ce que nous sommes condamnés à suivre un chemin étroit, étranglé, cerné de précipices. Quand donc les penchants du cœur se réunissent avec les difficultés du chemin, ne vous étonnez plus des chutes. Comme ceux qui, dans les théâtres s’étudient à monter et à descendre le long d’une corde tendue de bas en haut, pour peu qu’ils jettent un regard de côté perdent l’équilibre, sont précipités dans l’orchestre et meurent : ainsi ceux qui font route dans cette voie, pour peu qu’ils se laissent aller, tombent dans l’abîme. C’est, en effet, une voie bien plus étroite qu’une corde, bien plus droite, bien plus inclinée, bien plus haute ; car par le haut elle aboutit au ciel ; et notre marche ne sera jamais si périlleuse que lorsque nous suons en haut et tout près du sommet : à cette hauteur, on éprouve un grand frisson, et il ne reste plus qu’un moyen de salut, c’est d’éviter de regarder en bas, de jeter les yeux sur la terre : car c’est là ce qui produit le redoutable vertige. Voilà pourquoi le Prophète ne cesse de nous crier, de nous répéter : « Jusqu’à la fin ne perdez pas (Ps. 56,1) ; » par là il réveille notre âme languissante, il la soutient, l’arrête, quand elle va tomber. Dans le principe, en effet, nous n’avons pas besoin de tant d’exhortations. Pourquoi cela ? Parce que tout homme, jusqu’au plus insouciant, quand il se met à une entreprise, montre au début beaucoup d’activité, grâce à une ardeur qui est dans toute sa force, à une vigueur encore intacte, il monte sans peine au but qu’il se propose : mais quand nous avons fait la majeure partie du chemin, quand notre ardeur est refroidie, quand nos forces nous abandonnent et que nous allons tomber, c’est alors que le Prophète vient à propos nous assister, et comme il nous tendrait un bâton nous présente cette parole : « Jusqu’à la fin ne perdez pas. »
En effet, le diable souffle alors avec plus de force : il imite en cela les pirates : ce n’est point lorsqu’ils voient les embarcations sortir du port qu’ils les attaquent (à quoi bon submerger un esquif encore vide ?) ; c’est lorsqu’ils les voient revenir avec leur cargaison complète, qu’ils mettent en œuvre tous leurs moyens. De même ce méchant démon choisit le temps où il nous voit chargés de richesses, jeûnes, prières, aumônes, chasteté, vertus de toute espèce, où il voit notre navire tout rempli des riches parures de la piété, pour fondre sur nous, et percer de mille coups l’abri qui garde nos trésors, de manière à submerger le vaisseau à l’entrée du port même et à nous renvoyer tout nus vers ce port. De là cette exhortation que le Prophète adresse à tous en disant : « Jusqu’à la fin ne perdez pas. » En effet, il est difficile de se relever d’une pareille chute. « Car celui qui est tombé au fond des maux, éprouve du mépris. » (Prov. 18,3) Nous sommes tous indulgents pour celui qui tombe en commençant à cause de son inexpérience ; mais celui qui après des courses multipliées se laisse précipiter, celui-là on ne le juge pas facilement digne de pardon ni excusable : car c’est alors à la négligence que paraît devoir être imputée la chute. Et ce n’est pas la chute seulement qui est fâcheuse, c’est encore le scandale qu’elle cause à beaucoup de personnes, de sorte que la faute devient par là encore plus irrémissible. Instruits de ces vérités, écoutons le Prophète : « Jusqu’à la fin, ne perdons pas. » C’est la raison qui arrache à Ézéchiel ce cri : « Si un homme a été juste, et qu’ensuite il soit tombé dans le péché, ses actes de justice ne lui seront plus comptés, et il mourra dans son péché. « (Ez. 3,20) C’est qu’Ézéchiel aussi craint pour la fin. Et ce n’est pas seulement de là, c’est encore du cas contraire, qu’il part pour montrer quelle est l’importante de cette affaire. « Si un homme », dit-il encore, « a été pécheur, et qu’ensuite converti il devienne juste, ses péchés ne lui seront plus comptés : il vivra dans sa justice. » (Ez. 18,21) Voyez-vous qu’ici encore il attache une grande importance à la fin ? De peur que le juste, confiant dans sa justice, ne se perde en se laissant aller à l’insouciance, il l’effraye par la pensée de la fin : et de peur que le pécheur, désespéré de ses fautes, ne persiste jusqu’au bout dans sa chute, il se sert de la même pensée pour le relever. Tu as beaucoup péché, lui dit-il, mais ne te décourage point : il y a moyen de revenir, si tu fais une fin contraire au commencement. Et d’autre part il dit au juste : Tu as fait beaucoup de bonnes œuvres, mais ne t’abandonne pas à la confiance : car tu peux tomber, si tu ne persévères pas jusqu’au bout dans le même zèle. Voyez-vous comment il détruit