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temps qu’il nous ouvre les portes, il nous montre le Roi assis en face. « Et les séraphins », ajoute-t-il, « étaient debout en cercle autour de lui : six ailes à l’un, six ailes à l’autre ; et deux leur servaient à couvrir leur visage, deux à couvrir leurs pieds, deux à voler, et ils se criaient les uns aux autres ces mots : Saint, saint, saint, le Seigneur Sabaoth. » (Id. 5,2-3)
Vraiment saint, lui qui a jugé notre nature digne de si grands, de si augustes mystères, lui qui nous a fait participer à de pareils secrets. Le frisson, l’épouvante s’est emparée de moi pendant ce cantique. Et faut-il être surpris que je m’étonne, moi créature de boue, moi sorti de la terre, quand les, puissances d’en-haut elles-mêmes sont incessamment en proie à la plus grande admiration ? C’est pourquoi ils détournent les yeux et se font des remparts de leurs ailes, incapables de résister aux rayons qui partent de là. Cependant, dira-t-on, ce qu’ils avaient devant les yeux n’était qu’une image appropriée à leur faiblesse. Comment se fait-il donc qu’ils n’aient pu en supporter l’éclat ? C’est à moi que vous tenez ce langage ? Gardez-le pour ceux qui sondent indiscrètement l’ineffable et bienheureuse nature, pour ceux dont la témérité ne connaît point de bornes. Les séraphins n’ont pu voir cette image affaiblie, et un homme a osé dire, que dis-je ? un homme a osé concevoir l’idée qu’il était capable de voir clairement et distinctement cette nature sans mélange, que les chérubins eux-mêmes ne sauraient contempler. Cieux, frémissez ; terre, ébranle-toi : voici des témérités plus grandes que les témérités passées. Les impiétés d’autrefois se retrouvent chez les hommes d’aujourd’hui. Ils adorent encore la création ; mais ce qu’ont imaginé des hommes de nos jours, personne autrefois, n’eût osé le dire, ni souffrir qu’on le dît en sa présence. Que dites-vous ? Que l’objet exposé aux yeux n’était qu’un reflet ? Oui, mais un reflet de Dieu. Eh bien ! si Daniel, qui jouissait auprès de Dieu d’un si grand crédit, ne put soutenir l’aspect d’un ange qui s’était abaissé jusqu’à lui, s’il tomba et demeura prosterné, les organes de la vue étant comme paralysés chez lui par tant de gloire, faut-il s’étonner que les séraphins aient été troublés et incapables de contempler la gloire de Dieu ? Car il n’y avait pas si loin de Daniel à fange que de Dieu à ces puissances. Mais, de peur qu’en nous arrêtant trop longtemps à ces prodiges, nous ne jetions nos âmes dans la stupeur, hâtons-nous de revenir au commencement de l’histoire qui nous fournira des récits moins sublimes propres à les guider. « Et il arriva dans l’année où mourut le roi Ozias. » Il importe de rechercher d’abord dans quelle intention le Prophète nous marque l’époque : car ce n’est pas sans motif qu’il prend ce soin, ni sans réflexion. En effet, la bouche d’un prophète n’est autre que la bouche de Dieu : et d’une telle bouche il ne saurait rien sortir de superflu. Et nous, de notre côté, n’écoutons point comme si c’était quelque chose de superflu. Si ceux qui déterrent les métaux ne négligent point les moindres paillettes, si, dès qu’ils ont mis la main sur une veine d’or, ils en suivent minutieusement toutes les ramifications : à combien plus forte raison ne devons-nous pas agir ainsi à l’égard des Écritures. D’ailleurs, quand il s’agit de mines, il faut prendre bien de la peine pour dépister ce qu’on cherche : car les métaux eux-mêmes ne sont pas autre chose que de la terre, et l’or pareillement : et cette communauté de nature dissimule à la vue l’objet des recherches. Cependant, cela même ne décourage point les mineurs, et ne les empêche point de déployer toute leur vigilance, bien que la vue seule leur permette de distinguer ce qui est terre, ce qui est véritablement or. Il n’en est pas ainsi de l’Écriture. L’or n’y est point mélangé avec la terre, il s’y trouve dans sa pureté. « Les paroles du Seigneur », est-il écrit, sont « des paroles pures, un argent passé au feu, purgé de sa terre. » (Ps. 11,7) Les Écritures sont des mines qui n’exigent point de travail, elles offrent leurs richesses à ceux qui cherchent comme un trésor tout prêt. Il suffit d’y jeter les yeux pour s’en aller chargé d’un inestimable profit : il suffit de les ouvrir, pour voir aussitôt les pierres étinceler.
Ce n’est point sans but que je vous parle ainsi, que je m’étends sur ce sujet ; c’est parce qu’il y a des hommes à l’âme mercenaire, qui, lorsqu’ils ont les divins livres entre les mains, pour peu qu’ils y rencontrent une énumération d’époques ou une liste de noms, se hâtent de courir plus loin, et répondent à ceux qui leur en font le reproche : Il n’y a que des noms, cela ne sert à rien. Que dis-tu ? Dieu parle, et tu oses dire que ses paroles ne