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ces dispositions doivent-elles être les nôtres à l’égard de votre charité. Car les enfantements de la nature allument moins d’amour que ceux de l’esprit. Aussi, quelle que soit l’indigence qui règne à notre table, ce ne sera point une raison pour nous de la dérober à vos yeux ; tout ce qui est chez nous, nous le mettrons ici à votre disposition. C’est peu de chose, c’est un bien humble présent : néanmoins nous vous l’offrons. En effet celui qui avait reçu un talent en dépôt, ne fut pas accusé pour n’avoir pas rapporté cinq talents ; s’il fut puni, ce fut pour avoir enfoui l’unique talent qu’il avait reçu. (Mt. 25,24 et suiv) En effet ce qui est exigé devant Dieu et devant les hommes, ce n’est pas de rapporter plus ou moins, c’est de ne jamais rendre au-dessous de ses moyens. L’autre jour, quand nous fûmes appelés à l’honneur d’entretenir votre charité, vous nous avez entendu lire ce psaume qui, excluant le pécheur de l’enceinte sacrée, prescrit aux anges et aux puissances d’en haut de bénir le Dieu de l’univers. Voulez-vous qu’aujourd’hui encore, nous nous approchions pour prêter l’oreille à cette même mélodie angélique ? Je le présume. En effet si des hommes infâmes n’ont qu’à former des danses sur la place publique, qu’à chanter des chansons obscènes et licencieuses, et cela dans une obscurité profonde, à une heure avancée de la nuit, pour faire courir toute notre ville, et exciter la curiosité générale ; comment, nous, n’accourrions-nous pas, quand les peuples du ciel, quand les chœurs d’en haut célèbrent le roi de cet univers, afin d’entendre ce divin, ce bienheureux concert ? Et quelle serait notre excuse ? Mais, dira-t-on, comment faire pour entendre ? Il faut monter au ciel, sinon de corps, du moins d’esprit ; sinon en personne, au moins par la pensée. Le corps, terrestre et pesant, est fait pour rester en bas : mais l’âme est exempte de cette contrainte et rien ne l’empêche de s’envoler aux lieux les plus hauts et les moins accessibles : de sorte que, soit qu’elle veuille se rendre aux confins de la terre habitée, ou s’élever dans le ciel, il n’y a rien qui s’y oppose : tant sont légères les ailes que Dieu a données à ses pensées. Et ce ne sont point seulement des ailes légères qu’il lui a données, ce sont encore des yeux bien plus perçants que ceux du corps. La vue du corps, tant qu’elle traverse le vide des airs, porte à une grande distance : mais pour peu qu’elle rencontre un frêle objet, pareille à un courant forcé de rebrousser chemin, la voilà contrainte de reculer : les yeux de l’âme au contraire ont beau rencontrer des cloisons, des murailles, de hautes montagnes, que dis-je ? les corps célestes eux-mêmes, elle franchit sans peine tous ces obstacles. Néanmoins, de quelque agilité, de quelque pénétration que l’âme soit douée, elle n’a pas elle-même la force suffisante pour comprendre les choses célestes ; elle a besoin d’un guide. Imitons donc ceux qui désirent visiter la demeure des rois. Comment s’y prennent-ils ? Ils se mettent à la recherche de celui qui tient les clefs du palais, l’abordent, s’abouchent avec lui, et lui font des instances, souvent même lui donnent de l’argent, afin d’obtenir la faveur qu’ils souhaitent. De même abordons, nous aussi, quelqu’un de ceux auxquels est confiée la garde du palais céleste ; abouchons-nous avec lui, prions-le avec instances ; en guise d’argent montrons-lui de sages et irréprochables dispositions. Alors, ce paiement reçu, il nous prendra par la main, nous promènera partout ; non content de nous : montrer le palais, il nous fera voir le roi lui-même siégeant au milieu de ses armées, parmi ses généraux, j’entends les myriades des anges, les milliers des archanges ; il nous fera tout voir dans le dernier détail, autant que voir nous est possible. Quel est donc ce gardien ? Quel est l’homme préposé à la partie que nous voulons aujourd’hui visiter ? C’est Isaïe, celui des prophètes dont la voix est la plus sonore. Il faut donc nous aboucher avec lui. Suivez-moi donc d’un pas mesuré et dans un profond silence. Quittez, avant d’entrer, toute pensée mondaine, toute distraction, tout désordre d’esprit : déposez tout cela devant le seuil de la porte extérieure : c’est ainsi que nous devons tous entrer. Car nous entrons dans le palais des cieux, nos pieds foulent des lieux rayonnants. Au dedans, un profond silence et d’ineffables mystères.
2. Mais prêtez une attention scrupuleuse, car la lecture de l’Écriture sainte est l’accès des cieux : « Il arriva que dans l’année où mourut le roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône élevé et sublime. » (Is. 6,1) Voyez-vous l’obligeance de ce bon serviteur ? Du premier coup il nous introduit devant le trône royal, sans nous avoir fait passer préalablement par de longs détours ; mais en même