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n’y avait qu’un seul coupable. Comment donc les fils d’Israël furent-ils coupables, comment le Seigneur fut-il irrité contre les fils d’Israël ? Voyez-vous comme le péché d’un seul attira le châtiment sur le peuple tout entier ? Voyez-vous comment cette faute arma Dieu contre la multitude ? Lorsque l’infraction eut été commise, sans que personne fût dans le secret, à l’exception de Dieu seul pour qui il n’y a point de mystères, le châtiment se fit d’abord attendre, et le coupable, bien qu’il se crût ignoré, n’était pas moins consumé par sa conscience, comme par un feu caché. Enfin arriva le temps d’accomplir la menace, le temps où la faute devait être révélée. « Jésus envoya des hommes de Jéricho en Gaï. Et là montèrent environ trois raille hommes, et ils fuirent loin de la présence des hommes de Gaï ; et ils tuèrent trente-six hommes d’entre eux, et ils les poursuivirent, et ils les exterminèrent : et le cœur du peuple fut épouvanté, et il devint comme l’eau. » (Jos. 7,2, 4, 5)
6. Considérez ce châtiment d’une faute unique, considérez cet irréparable désastre. Un homme a péché, et sur tout le peuple s’abat la mort et la terreur. Qu’est-ce à dire, ô Dieu de bonté ? Vous seul, vous êtes juste, et vos jugements sont droits. Vous faites justice à chacun d’après ses propres actes. Vous avez dit, Dieu miséricordieux, que chacun périra par son propre péché, et que l’on ne sera point puni l’un pour l’autre. Que penser dès lors de cet arrêt de votre justice ? En vous tout est bien, Seigneur, tout est excellent, et disposé pour notre intérêt. Le Seigneur répond : c’est une souillure que le péché ; qu’il soit donc flétri publiquement par un châtiment général, afin qu’il ne gagne pas tout le monde, afin qu’en voyant la menace terrible produite par une seule transgression, on fuie le châtiment sans fin auquel on s’exposerait par des fautes nouvelles. Jésus donc, en voyant cette déroute inconcevable, déchire ses vêtements, il tombe la face contre terre, en poussant ses tragiques lamentations que rapporte la divine Écriture. Et le Maître, que lui répond-il ? « Lève-toi pourquoi es-tu prosterné de la sorte ? Ton peuple a péché, il a transgressé ma loi, et les fils d’Israël ne pourront se tenir en face « de leurs ennemis, jusqu’à ce que volis ayez « ôté l’offrande du milieu de vous. » (Jos. 7,10, 12) Cela fut donc proclamé parmi le peuple ; et le coupable eut Dieu pour dénonciateur : il avoua sa faute. Achar, est-il écrit, répondit à Jésus : « J’ai péché véritablement en présence du Seigneur Dieu d’Israël voici comment j’ai fait. Je vis dans le butin une robe fine, brodée, parfaitement belle, et deux cents sicles d’argent, et une lame d’or de cinquante sicles : tenté, je m’en emparai, et ces choses sont enfouies dans ma tente. » (Id. 5,20, 21) Dès lors il révèle tout, voyant l’infaillible véracité du dénonciateur, et confondu par cet irréfragable témoignage. Considérez maintenant sa mort ignominieuse et terrible : « Jésus l’emmena dans le ravin d’Achor, avec ses fils et ses filles, ses veaux, ses bêtes de somme, et tous ses troupeaux, et sa tente, et tout ce qu’il possédait ; et tout fut lapidé par les pierres de tout Israël. » (Jos. 7,24-25) Voilà le prix de la prévarication ; voilà l’incorruptible justice de Dieu. Instruits par cet exemple, considérons donc la venue des malheurs comme la punition de nos propres péchés, et attentifs à examiner chaque jour les fautes que nous avons commises, imputons-les, non aux autres, mais à nous-mêmes. En effet, les maux qui nous ont assaillis ne proviennent pas seulement de la négligence de nos magistrats, mais bien plutôt de nos égarements. Venons donc en ce lieu, réfléchissons chacun pour notre compte à nos prévarications, et au lieu d’accuser autrui, acquittons-nous avec la décence obligatoire du tribut d’hommages que nous devons ici-bas. Or voici en quoi consiste cette décence exigée : d’abord, s’approcher de Dieu avec un cœur contrit, ensuite manifester dans son extérieur les dispositions de son âme, par son attitude, par la manière de tenir ses mains, par le ton recueilli et les inflexions douces de la voix. C’est chose facile, et possible à quiconque le veut. Comment donc y déterminerons-nous tout le monde ? Prescrivons-nous une loi à nous-mêmes, et disons que c’est un précepte d’utilité générale, et que nous devons participer tous à cette utilité. En conséquence, étouffons les éclats de voix désordonnés, réprimons les gestes malséants : présentons à Dieu nos mains jointes, au lieu de les élever avec des mouvements déplacés. Car Dieu a ces choses en horreur et en aversion, autant qu’il a d’affection et de tendresse pour l’homme recueilli : « Sur qui jetterai-je les yeux », dit l’Écriture, « sinon sur l’homme doux et paisible, sur celui qui tremble devant ma parole ? » (Is. 66,2)