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porte fut ébranlé par le retentissement de ce grand cri. » Voyez-vous la clarté de la prophétie et comme les choses se suivent ? Quand ce chant eut retenti et que la terre eut été remplie de la gloire de Dieu, la nation juive disparut, ce qu’indique le dessus de la porte ébranlé.
4. En effet, c’est un signe que le temple sera abandonné et renversé ; or le temple étant renversé, tout le reste disparaîtra. Et pour vous apprendre que le Nouveau Testament a abrogé l’Ancien, le Prophète dit : « Le dessus de la porte fut ébranlé par le retentissement de ce grand cri », c’est-à-dire que quand cet hymne de louange se fit entendre, quand la grâce brilla, quand la gloire de Dieu se répandit sur toute la terre, les ombres s’évanouirent. « Et la maison fut remplie de fumée. » A mon sens, ceci prophétise la ruine qui l’atteindra, le feu que les étrangers y mettront, et l’incendie qui la dévorera. « Alors je dis : Malheureux que je suis ! mon affliction est grande, moi qui suis homme, qui ai des lèvres impures, qui habite au milieu d’un peuple dont les lèvres sont impures, et qui ai vu de mes yeux le Seigneur des armées ! » Cette vision a terrifié, stupéfié le Prophète ; elle lui a imprimé une vive crainte, elle lui fait faire des aveux, et grâce à elle, il connaît mieux là faiblesse de sa nature. « C’est ainsi que sont tous les saints ; plus ils sont honorés et plus ils s’humilient ; Abraham, quand il parle à Dieu, s’appelle terre et poussière, Paul, après avoir été jugé digne de cette admirable vision, s’appelle avorton ; de même Isaïe déplore sa condition, d’abord à cause de sa nature : « Malheureux que je suis ! Mon affliction est grande, moi qui suis homme ; » puis à cause de ses dispositions : « Moi qui aides lèvres impures. » Il appelle ses lèvres impures relativement, me semble-t-il, aux langues enflammées de ces puissances excellentes, relativement aussi à leurs hommages si parfaits. Puis, sans s’arrêter là, il fait d’humiliants aveux au nom de tout le peuple, et ajoute : « Moi qui habite au milieu d’un peuple dont les lèvres sont impures. » Pourquoi accuse-t-il ici leurs lèvres ? Pour marquer qu’il n’ose pas parler. Les trois enfants dans la fournaise se servirent presque des mêmes expressions : « Il ne nous est pas permis d’ouvrir la bouche. » Et lorsque le temps était venu de chanter et de louer, qu’il voyait les anges accomplir cet office, ce n’est pas sans raison qu’il parle des lèvres, puisque c’était à elles surtout de remplir ce ministère. Voilà pour quel motif il appelle ses lèvres impures ; et s’il appelle aussi impures celles du peuple, ce n’est pas pour la même raison, mais parce que le peuple était adonné à l’iniquité. « Et j’ai vu de mes propres yeux le R. le Seigneur. » Voilà ce qui me fait gémir et pleurer ; c’est que j’ai été jugé digne de cet honneur, moi qui en suis indigne, de cet honneur qui surpasse à la fois et mes mérites et ma nature. Et lorsqu’il dit : « J’ai vu », il n’entend pas parler d’une vue complète, mais de celle qui lui était possible.
Et voyez comme ses aveux sont récompensés. Il s’est accusé et aussitôt il a été purifié ; car, quand il eut prononcé ces paroles, « un des séraphins, dit-il, fut envoyé vers moi ; il avait dans sa main un charbon qu’il avait pris avec des pincettes de dessus l’autel. Et m’en ayant touché la bouche, il me dit : Voilà que ce charbon a touché tes lèvres, qu’il a enlevé tes péchés et purifié tes iniquités (6, 7) » Quelques-uns disent que c’étaient là des symboles des mystères futurs : l’autel, le feu qui y brûlait, les serviteurs, cette bouche purifiée par le feu, et ces péchés effacés ; pour nous, attachons-nous au récit, et disons pourquoi cela est arrivé. Le Prophète va être envoyé au peuple juif pour lui annoncer des choses terribles et affreuses. Des séraphins lui sont envoyés pour le remplir de crainte et de franchise. Et afin qu’il n’aille pas prétexter, comme Moïse, qu’il avait une voix grêle, ou comme Jérémie qu’il était trop jeune et dire qu’il avait des lèvres impures, qu’il ne pouvait exécuter l’ordre qu’il avait reçu, les séraphins viennent effacer ses péchés, non par leur propre puissance (cela n’appartient qu’au Père, au Fils et au Saint-Esprit), mais par la mission qu’on leur avait donnée et les charbons qu’ils lui apportent. Car le séraphin ne dit pas « j’efface », mais « voici que ce charbon efface tes péchés et purifie tes iniquités » par le commandement de Celui qui m’a envoyé. Pourquoi le séraphin, pour prendre ce charbon, se sert-il d’une pincette ? Une puissance incorporelle ne peut craindre de se brûler avec un charbon. Pourquoi cela arrive-t-il ? C’est encore une nouvelle condescendance. Aussi va-t-il le prendre sur l’autel là où on offrait des sacrifices d’adoration et d’expiation. Si vous demandez pourquoi la bouche du Prophète