opérée en leurs jours, dans des jours anciens. » Le Prophète fait mention d’un récit ancien, il met sous nos yeux des bienfaits d’une époque reculée. Et pourquoi ne rappelle-t-il pas quelque événement récent, de fraîche date ? Parce que, quand nous parlons à des hommes, il est tout naturel que nous leur racontions du nouveau, et que cela les attache, leur mémoire s’affaiblissant vite ; mais pour Dieu, tout est également connu, faits anciens et nouveaux. « Voici », dit le Psalmiste, « vous avez connu toutes choses, les plus lointaines dans l’avenir et les anciennes. » (Ps. 138,5) Il n’importe donc pas qu’on lui parle d’événements antiques ou récents, pourvu qu’ils soient appropriés à notre sujet. Eh bien ! de quel événement ancien le Prophète veut-il lui parler ? Écoutons : « Votre main a exterminé les nations, et eux, vous les avez plantés ; vous avez affligé les peuples et vous les avez chassés. » Reconnaissez-vous de quelle guerre il parle, de quelle victoire, de quels trophées, ou bien mes paroles manquent-elles encore pour vous de clarté ? Je pense que déjà beaucoup d’entre vous en ont saisi le sens ; néanmoins pour ceux qui l’ignorent encore, je dois en ajouter l’explication moi-même. De quels triomphes fait-il donc mention ? de quels prodiges ? De ceux qui eurent lieu en Égypte, de ceux qui eurent lieu dans le désert, de ceux qui eurent lieu dans la terre de promission ; ou disons mieux de ceux qui eurent lieu en vertu de la promesse. Car ce ne furent point ceux qui étaient sortis d’Égypte qui parvinrent en Palestine, ils étaient tous morts dans le désert. (Nb. 14,23 ; Héb. 3,17) Lors donc que leurs fils et leurs petits-fils, nourris dans le désert, entrèrent en Palestine, alors, dit l’Écriture, ils n’eurent pas besoin d’armes ; mais par leurs clameurs seules ils s’emparèrent des villes ; lorsqu’ils eurent passé le Jourdain ; la première ville qu’ils rencontrèrent fut Jéricho-. or, ils la détruisirent comme des gens en fête plutôt que comme des guerriers. (Jos. 6) Car ils s’avancèrent ornés de leurs armes, comme on l’est, non pas dans les combats, mais dans une fête et une réjouissance publique ; ils s’en étaient revêtus comme d’une parure plutôt que comme d’un moyen de sûreté ; ils avaient mis aussi leurs robes sacrées, et dans cet appareil, avec les lévites marchant à la tête de l’armée, ils firent le tour des murs. C’était un spectacle admirable et surprenant, que tous ces milliers de soldats marchant en ordre et en mesure, dans un grand calme et en grande pompe, et, comme s’il n’y eût eu là personne, menant à bien toute l’entreprise avec le seul concert de leurs trompettes. Honte à ceux qui font du tumulte dans l’église ! Si, en effet, au retentissement des trompettes, un si bel ordre put régner alors, quelle sera l’excuse de ceux qui, là où la voix de Dieu se fait entendre, empêchent, par le bruit qu’ils font, qu’on puisse entendre distinctement ses paroles ? Mais, direz-vous, pourquoi n’a-t-il pas mentionné ceux qui étaient sortis d’Égypte ? Parce que tous étaient morts, tous avaient été punis. Et pourquoi tous périrent-ils ? Parce qu’ils avaient grandement péché. Et dès lors Dieu concertait un autre plan, c’était que ceux qui devaient entrer en possession de la Palestine n’auraient point été spectateurs des vices de l’Égypte, de la superstition, de tous les genres d’impiété, et qu’ils n’auraient personne à l’école de qui ils pussent apprendre une telle perversité. Car leurs pères étaient si infatués, si esclaves des coutumes égyptiennes, que même, après tant de miracles et au milieu du désert, ils n’avaient pas entièrement effacé en eux les restes de leurs erreurs. Supposez qu’après avoir été à l’école des Égyptiens, ils fussent allés à celle, encore pire, des Chananéens, et jugez à quel degré d’impiété ils seraient descendus. C’est pourquoi Dieu retint dans le désert ceux qui y étaient nés jusqu’à ce que leurs enfants fussent parvenus à l’âge d’hommes.
4. Et je ne parle pas ici d’après moi-même, niais je puis vous montrer dans l’Écriture les preuves de ce que je dis. En effet, Dieu reproche aux Hébreux, par la bouche d’Ézéchiel, que les ayant conduits dans le désert et leur ayant beaucoup parlé, il n’en était pas écouté. Mais pourquoi leur ordonna-t-il de prendre leurs armes en marchant contre Jéricho ? Car la chose eût été plus étonnante s’ils y fussent allés sans armes. Eh bien ! s’il leur ordonne ainsi de faire une action purement humaine et de s’adjoindre un secours matériel, c’est principalement pour se mettre au niveau de leur faiblesse. Car que pouvait cet appareil d’armes pour détruire des murailles ? Que pouvait aussi le son des trompettes ? S’ils eussent eu des hommes à combattre, on aurait pu fonder quelque espoir sur des armes, mais si les murailles devaient tomber, à quoi leur servait
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