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leur péché. « Car dix arpents de vigne rempliront à peine un petit vase de vin, et celui qui aura semé six mesures n’en recueillera que trois (10). » De la désolation de la ville il passe à celle de la campagne, afin de faire sur l’auditeur plus d’impression. Car, dit-il, les maisons auront perdu leurs habitants, et la terre sa force productive. Au commencement, en punition de la faute d’Adam, elle porta des ronces et des épines, et ensuite, à cause du crime de Caïn, elle ne donna que des produits disproportionnés avec la culture qu’elle recevait et la fertilité native qui lui restait. Il y a encore bien d’autres circonstances où l’on peut voir la terre châtiée à cause des crimes des hommes. Et pourquoi vous étonner de ce que l’iniquité des hommes empêche sa fécondité et sa fertilité, quand vous savez que par nous elle est devenue corruptible et que par nous elle deviendra incorruptible ? Car puisqu’elle n’existe qu’à cause de nous et pour nous servir, les modifications de son existence lui viennent aussi du même principe.
Il en arriva de même sous Noé. Quand la malice des hommes fut arrivée à son dernier terme, tout se corrompit, semences, plantes, animaux, terre, mer, air, montagnes, forêts, collines, villes, remparts, maisons, tours, et tout fut recouvert par ce terrible déluge. Et quand le genre humain dut se multiplier de nouveau, la terre rentra dans l’ordre ancien et recouvra sa beauté première. Tous ces événements eurent lieu à cause des hommes, comme il est facile de le voir. Caria mer se retira et elle apparut ensuite, le soleil et la lune s’arrêtèrent et quittèrent leur course accoutumée, le feu reçut les mêmes propriétés que l’eau, la terre que la mer, la mer que la terre ; tout enfin, pour le dire en un mot, se transforme pour s’accommoder aux besoins de l’homme. Aussi l’homme étant plus précieux que tout le reste et tout n’existant que pour lui, aujourd’hui que le peuple juif a péché, Dieu arrête la fertilité de la terre, et, malgré les fatigues et les travaux réitérés, il ne laisse pas ses entrailles donner leur produit habituel, afin qu’on sache que ce n’est pas l’art de la culture, ni les bœufs et la charrue, ni rien de semblable, mais le Maître de toutes ces choses qui répand les biens d’une main libérale et qui, quand il le veut, arrête le cours de ces largesses. – « Malheur à ceux qui se lèvent le matin pour courir après le vin de palmier et qui restent jusqu’au soir, en sorte que le vin les échauffe ! Le luth et la harpe, les flûtes et les tambours ne manquent pas dans leurs orgies ; mais ils n’ont aucun égard à l’ombre du Seigneur, et ils ne considèrent point les ouvrages de ses mains (11 et 12) » En leur reprochant leur orgueil, il indique la source du mal. C’est l’ivrognerie, mère de mille maux, surtout quand elle est audacieusement portée jusqu’à un tel excès.
5. Voyez avec quel soin il formule ses reproches. C’est tout le jour, dit-il, qu’ils emploient à cela. Ce n’est pas seulement pendant les repas nécessaires qu’ils le font ; mais toute heure est pour eux une heure d’ivresse ; dès le commencement du jour, alors surtout qu’ils devraient faire un retour sur eux-mêmes, ils s’abandonnent au vin, et qu’ils le veuillent ou ne le veuillent pas, ils demeurent jusqu’au soir, rivés à cette chaîne. Quand une fois ils se sont enfoncés dans l’abîme de l’ivresse, qu’ils ont perdu leur raison, qu’ils ont réduit leur âme sous le dur esclavage de cette passion, semblables à un navire sans lest, privé de pilote et de matelots, qui erre çà et là, que le courant des eaux emporte partout, le gouffre de l’ivresse les engloutit. C’est pourquoi le Prophète dit : « Malheur à ceux qui se lèvent le matin pour courir après le vin de palmier ! » Ils ne satisfaisaient pas à un besoin, ils n’attendaient pas que la nécessité se fit sentir, mais c’était leur unique affaire et leur occupation que de s’enivrer sans cesse. C’est pour cela qu’il dit : « Pour courir après le vin de palmier. » Le vin de palmier, c’est le suc qu’on extrait du fruit de cet arbre, en l’écrasant et le pilant, suc qui a la nature du vin. Il est soporifique et produit l’ivresse. Mais sans faire attention à rien de tout cela, ils poursuivaient toujours leur plaisir et restaient jusqu’au soir. « En sorte que le vin les échauffe. » Telle est en effet la nature de l’ivresse ; plus on la satisfait, plus elle augmente, et plus la soif qu’elle produit est difficile à supporter. Puis il leur adresse une seconde accusation qui n’est pas moindre que la première. « Le luth et la harpe, les flûtes et les tambours ne manquent pas dans leurs orgies. » C’est ce qu’un autre prophète leur reproche en ces termes : « Vous buvez le vin purifié, vous vous parfumez des huiles les plus précieuses, vous accordez vos voix avec le son des instruments de musique. Vous regardez cette vie comme