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les fards dont tu relèves ta beauté pleureront et on te laissera seule et tu seras a étendue par terre (16-26). » C’est une chose insolite que le Prophète a fait ici en s’adressant si longtemps aux femmes, ce que nous ne remarquons dans aucun autre endroit des Écritures. Quelle en est donc la cause ?
8. Il me semble qu’en ce temps-là la mollesse des femmes était grande et qu’elles n’ont pas peu contribué à la malice des hommes. C’est pour cela qu’il s’adresse à elles en particulier pour leur reprocher leurs grands crimes, et lorsqu’il commence à leur parler, c’est encore au nom de Dieu. « Voici ce que dit le Seigneur : Parce que les filles de Sion se sont enorgueillies, qu’elles ont marché la tête haute. » Le premier des vices dont il les reprenne, c’est l’orgueil et l’arrogance. Certes ce vice est bien grave partout où il se rencontre, mais surtout quand ce sont des femmes qui s’en rendent coupables. Une femme altière, par cela même qu’elle est plus légère et moins raisonnable, se laisse entraîner facilement, se submerge et fait naufrage, parce que, comme un vent violent, la fierté et l’arrogance la précipitent dans l’abîme. Le Prophète paraît s’adresser aux femmes de Jérusalem ; aussi il dit : les filles de Sion. « Elles ont marché la tête haute. » Ici il les raille, en montrant l’orgueil des femmes qui, ne pouvant contenir ceste passion en elles-mêmes, la laissent échapper au dehors et la font paraître dans l’attitude de leur corps. Et cet orgueil ne les rend pas seulement fières, mais encore impures ; ce qu’Isaïe va dire et montrer dans ce qui suit. Car il ajoute : « Faisant des signes des yeux ; » c’est le propre des femmes qui veulent se faire rechercher de tourner les yeux çà et là, montrant ainsi leur mollesse et leur mauvaise passion : il n’y a pas d’indice plus grand de la mollesse et de l’impureté. « Mesurant leurs pas et traînant leurs tuniques. » Cette accusation est sérieuse bien que peut-être elle ne le paraisse pas ; c’est en effet la marque d’une extrême corruption, de la mollesse, de l’impureté, de la dissolution que de traîner sa tunique. C’est ce qu’un écrivain profane reprochait à son adversaire en disant : « Laissant tomber ton manteau jusqu’à tes talons. »
« Frappant ensemble du pied en cadence. » C’est encore la même indécence qui se manifeste. Car il n’est rien, ni les yeux, ni les vêtements, ni les pieds, ni la démarche, rien, dis-je, qui ne puisse manifester soit la vertu, soit le vice. Car les sens sont comme les hérauts de l’âme qui habite en nous. Et de même que les peintres en mélangeant quelques couleurs dessinent toutes les images qu’ils veulent, de même les mouvements des membres de notre corps expriment au-dehors et rendent sensibles aux regards les sentiments de l’âme. C’est pourquoi un autre sage dit : « Le vêtement de l’homme, le ris des dents et sa démarche me font connaître quel il est. » (Sir. 19,27) « Et Dieu humiliera les princesses de Sion et le Seigneur les démasquera en ce jour, et le Seigneur fera disparaître la gloire de leurs vêtements. » À ces deux passions, l’orgueil et l’impureté, il oppose les deux remèdes qui leur conviennent, à l’orgueil l’humiliation, à la recherche de la beauté des habits leur anéantissement. Une guerre arrivera, dit-il, et tout disparaîtra. Les femmes hautaines et orgueilleuses, tout à coup frappées par la crainte, se verront délivrées de leur maladie ; quant à celles que la mollesse et le désordre corrompaient, quand elles seront tombées sous le joug de la servitude, elles se délivreront de leur impureté.
Pour donner à sa parole plus de gravité et frapper davantage l’esprit de ses auditeurs, il indique successivement tous ces ornements de femmes, ornements pour les yeux, ornements pour toutes les parties du corps. Il passe ensuite à l’ornementation de leurs maisons. Car non contentes d’orner leurs corps, elles portaient leur honteuse passion jusqu’à orner les murs, et employaient ainsi leurs richesses en dépenses inutiles, elles qui frisaient leurs cheveux, voulaient étendre partout les filets de leur coquetterie. C’est ce qu’il leur reproche en disant qu’il « fera disparaître la gloire de leurs vêtements, leurs parures, leurs tresses de cheveux et leurs grappes. » Leurs grappes, c’est ou bien un ornement de la tête ou bien la forme qu’affectait ce ruban qui retenait les cheveux. « Leurs croissants » : c’était un ornement ressemblant à la lune et qu’on plaçait autour du cou. « Et leurs colliers. » Peut-être désigne-t-il des ornements en forme de faucille. « Et les ornements de leurs visages. » Ici je crois qu’il veut indiquer le fard et les couleurs. « Et l’arrangement d’un ornement de gloire », c’est-à-dire enchâssé dans l’or. « Et leurs bracelets », les bijoux en or qui entouraient leurs bras. « Leurs anneaux », placés