avant 'l’arrivée des ennemis, est plus terrible que la guerre. Quand en effet la vieillesse est méprisée par la jeunesse, et que les hommes vils et abjects foulent aux pieds ceux qui étaient honorés de tous, la ville où se passent ces choses n’est pas dans de meilleures conditions que si elle était abandonnée aux augures. « Chacun ira trouver son frère ou celui qui habite sous le même toit que son père, et lui dira : tu as un vêtement ; sois notre chef et que nous vivions sous ta domination (6). » Il répondra alors, et dira : « Je ne serai pas votre chef, car il n’y a dans ma maison ni pain ni vêtement. Je ne serai pas le chef de ce peuple (7). » Ici il me semble qu’Isaïe prophétise ou bien un siège terrible qui réduira les habitants aux dernières extrémités, ou, s’il n’y a pas de siège, une famine intolérable, et un manque presque absolu des choses nécessaires. Il a eu recours au langage populaire : De même que beaucoup disent : Si on offrait de vendre toute la ville pour une obole, elle ne trouverait point d’acheteur, de même, pour montrer la misère extrême dans laquelle elle était tombée, le Prophète dit : Si on offrait de vendre les dignités pour un vêtement ou un pain, il n’y aurait pas d’acheteur, tant est grande la disette des choses nécessaires ! « Parce que Jérusalem tombe en dissolution (8), », c’est-à-dire a été délaissée, désertée ; la providence de Dieu l’a abandonnée. « Et la Judée tombe ; » elle est remplie de troubles, de tumulte, de confusion et de désordre. « Et leurs langues pécheresses refusent d’obéir aux ordres du Seigneur. » Ici il indique la cause de leurs maux, l’intempérance de leur langue. C’est aussi ce qu’Osée leur reproche en ces termes : « Ephraïm a été ; anéanti au jour de son châtiment ; j’ai fait voir dans les tribus d’Israël la vérité de mes menaces. » (Os. 5,9) Malachie dit aussi la même chose : « Les prophètes blâment ceux qui par leurs paroles irritent Dieu. Et vous avez dit : En quoi l’avons-nous irrité ? En ce que vous avez dit : Tous ceux qui font le mal passent pour bons aux yeux du Seigneur et il se complaît en eux. Où est donc le Dieu de la justice ? » (Mal. 2,17) Dans ce reproche, il leur adresse deux accusations ; c’est qu’ils ne se contentent pas de désobéir et de transgresser la loi ; ils devraient rougir de cela et en avoir honte, se cacher et s’humilier ; loin de là, ils ajoutent à leurs premières fautes, et après avoir enfreint les préceptes, ils ajoutent à leur désobéissance des paroles impudentes, comme un méchant serviteur qui, laissant sans les accomplir les ordres de son maître, ajouterait à cela l’insolence. « Aussi dans sa gloire elle a été humiliée et la confusion de son visage a rendu témoignage contre eux (9). »
Il parle du futur comme d’un passé, selon l’habitude des prophètes. Il appelle la captivité l’humiliation de sa gloire. Car ce n’est pas une faible humiliation pour ceux qui étaient comptés parmi les rois de la terre de se voir asservis à des hommes profanes et barbares. Il entend ici par confusion du visage celle que fait naître le péché. Telle était leur vie. Comme ils s’étaient les premiers couverts de honte par les actions, Dieu, pour les en punir, les privait de leur gloire, les livrant ainsi à un châtiment moindre que celui qu’ils s’étaient eux-mêmes infligé. Car ils n’étaient pas couverts de honte sur la terre étrangère comme lorsqu’habitant leur patrie ils multipliaient leurs iniquités. Là leur perversité était réprimée : ici elle s’augmentait sans cesse. Le Prophète leur donne donc une bien grande leçon quand il leur apprend à ne pas attendre le châtiment pour fuir le vice, à s’humilier et à rougir, non pas lorsque les barbares les emmènent captifs, mais lorsque la tyrannie du péché les retient esclaves. « Ils ont publié leur péché, comme dans Sodome, et ils ne l’ont point caché. » Ce que j’ai dit souvent, je le répète encore, c’est pour montrer la clémence divine que le Prophète annonce non ce qu’ils souffriront, mais la punition qu’ils méritaient. Leurs crimes ont égalé ceux de Sodome, mais leur châtiment a été bien plus faible. Le Seigneur ne les a pas détruits entièrement, n’a pas renversé leur ville de fond en comble, n’a pas fait disparaître les restes de leur nation. Ces mots : « Ils ont publié, ils n’ont point caché », le Prophète s’en sert pour parler la langue des hommes. Dieu, en effet, n’attend pas que le crime se fasse pour le connaître (car ne connaît-il pas toutes choses, avant qu’elles se fassent?) ; mais Isaïe parle ainsi pour montrer la grandeur du mal.
5. De même que lorsque Moïse dit : « Le cri de leur iniquité est monté jusqu’à moi (Gen. 18,20) », ce n’est pas qu’il relègue Dieu loin des hommes ni qu’il l’enferme dans le ciel, mais c’est qu’il veut montrer la grandeur
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