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qui ne sont pas moins utiles aux États que les gens de guerre, puisqu’ils veillent à la conservation de la paix et que souvent ils détournent des guerres imminentes. Comme en effet les iniquités tendent continuellement à produire ces guerres, il est possible aux gardiens des lois, aux hommes qui connaissent parfaitement le droit, d’ôter toute cause de guerre en ré ; rimant la plupart des péchés ? Pourquoi donc Dieu les enlève-t-il aux Juifs ? Parce que ceux-ci ne les ont pas écoutés. Ses enseignements sont très-utiles à ceux qui les écoutent, mais quand il s’adresse aux Juifs, il répand sur ses paroles une sorte d’obscurité, puisqu’ils ne les écoutaient pas avec attention : c’est ainsi que ces dons excellents et qui nous apportent le salut, ils les retirent souvent lorsque ceux à qui il les a départis n’en profitent point. « Le Prophète et le devin. » Ce n’est pas un faible indice de colère que de voir cesser les prophéties. Lorsque Dieu prit en haine le peuple juif à cause des péchés des enfants d’Hélie et de la perversité de la multitude, la prophétie cessa « La parole du Seigneur était précieuse ; on ne connaissait plus de vision. » (1Sa. 3,1) Précieuse, c’est-à-dire rare. La même chose arriva sous Ozias ; ils auraient pu, s’ils avaient voulu, retirer de cette circonstance (le grands biens. En effet, apprendre à connaître les choses de Dieu, se prémunir contre les dangers futurs, s’instruire de ce qui est obscur, quand il faudra ou attaquer les ennemis ou se reposer, comment ils pourraient chasser les maux qui les accablaient, tout cela leur donnait, pour se procurer le salut, une grande facilité. Mais comme ils ne mettaient pas en pratique ce qu’ils avaient appris, il leur ôta les moyens de l’apprendre encore ; ceci montre bien la charité de Dieu, de ce Dieu qui connaît l’avenir et qui sachant comment les Juifs useraient de ses dons les leur accordait néanmoins. Avec le Prophète il dit qu’il leur enlèvera encore le devin.
Ici il me semble qu’il appelle devins ces hommes qui, par leur sagesse et leur expérience, pénètrent dans l’avenir. Autre chose est la parole du devin, autre chose celle du Prophète ; l’un parle inspiré parle Saint-Esprit et ne profère rien de son propre fond ; l’autre, prenant pour point de départ les événements passés et n’ayant pour guide que son intelligence, prévoit bien des événements futurs, comme il est naturel qu’un homme intelligent les prévoie. Mais de l’un à l’autre il y a bien de la distance, toute la distance qui existe entre l’intelligence humaine et la grâce divine. Et afin de rendre ceci plus clair par un exemple, représentons-nous Salomon et Élisée : tous les deux firent connaître les choses cachées, tous les deux dévoilèrent des secrets, mais non par les mêmes moyens ; l’un ne se serait que de son intelligence et jugeait des courtisanes d’après ce qu’il connaissait de la nature ; l’autre sans avoir recours au raisonnement (et quel raisonnement aurait pu lui révéler le vol de Giési ?), éclairé par la grâce voyait ce qui se passait loin de lui : – « Le vieillard et le chef de cinquante hommes. » Puis il ajoute qu’il enlèvera aussi les vieillards et les chefs de cinquante hommes. Par vieillards il n’entend pas simplement ceux qui sont parvenus à un âge avancé, mais ceux qui à des cheveux blancs unissent la sagesse qui convient aux cheveux blancs. Et en parlant, du chef de cinquante hommes, il ne désigne pas seulement les chefs de cinquante hommes, mais les chefs quels qu’ils soient. Il n’y a rien, rien de plus terrible que l’anarchie, comme il n’y a rien de plus dangereux qu’un navire sans pilote. Et sans s’arrêter, il les menace encore de leur enlever une dernière protection, les hommes de bon conseil, qui ne sont pas moins utiles aux États que les affinées. « J’enlèverai, dit-il, ces sages admirables qui donnent de bons conseils et les architectes experts », non pas ceux qui construisent des maisons, mais ceux qui ont l’expérience des affaires, une science vaste et qui pourraient administrer l’État avec intelligence.
3. Et avec ceux-là, « Le sage auditeur. » Si cette seule chose manque, même au milieu de l’abondance de toutes les autres, les cités n’en retireront aucun avantage ; qu’il y ait des prophètes, des conseillers, des puissants, s’il n’y a pas d’auditeurs, tout sera vain et inutile. Et ici ce mot j’enlèverai me semble signifier je laisserai, j’abandonnerai, comme saint Paul dit : « Il les a livrés à un sens réprouvé (Rom. 1, 28) », non qu’il les ait précipités dans la démence, mais il les a laissés et abandonnés dans la démence où ils étaient. « Je leur donnerai des « jeunes gens pour princes. » Voici qui est pire encore et plus fâcheux que l’anarchie. Celui qui n’a pas de chef est privé de conducteur ; mais celui qui en a un mauvais n’a qu’un conducteur qui le précipitera dans les abîmes.