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de les tancer fortement, il dit non seulement qu’ils se livrent aux augures, mais que « leur pays en est rempli. » Leur malice s’est accrue dans la plus large mesure, veut-il dire ; tout à l’heure il disait peuple, non seulement pécheur, mais plein de péchés, de même ici il dit terre « remplie d’augures. » Ensuite pour faire ressortir l’opprobre de leur conduite, d’une manière plus frappante encore, il ajoute : « Comme dès le commencement. » Dès le commencement ? Quand donc ? Quand ils ne connaissaient pas encore le Seigneur, n’avaient pas encore reçu sa loi, ou éprouvé ses bienfaits, quand ils étaient encore au milieu des nations : voilà leur grand crime, de n’être pas devenus, après tant de soins et de bonté, meilleurs qu’ils n’étaient avant d’avoir reçu ses bienfaits. Et sans s’arrêter là, il ajoute, pour les effrayer, « comme la terre des étrangers », et par cette comparaison il aggrave l’accusation. C’est ce que fait continuellement saint Paul, par exemple, quand il dit : « Je ne veux pas, mes frères, que vous soyez dans l’ignorance touchant ceux qui dorment, afin que vous ne vous attristiez pas comme font tous les autres qui n’ont point d’espérance (1Thes. 4,72) ; » et encore : « Que chacun de vous sache posséder son corps saintement et honnêtement, et non dans la passion de la convoitise. » (Id. 4) Et sans se contenter de cela, il ajoute ces mots : « Comme les autres nations qui ne connaissent pas Dieu. » (Id. 5) Car ce reproche pique ordinairement même ceux qui sont tombés bien bas.
Mais si les Juifs essuient ces reproches, quelle indulgence, quelle excuse trouverons-nous, nous qui, comblés de tant de grâces, revêtus de tant d’honneur, ayant reçu des espérances éternelles, sommes tombés dans les mêmes misères qu’eux ? beaucoup, aujourd’hui encore, travaillés par cette maladie, ruinent eux-mêmes leur existence eu s’abandonnant à la folie des augures ; outre qu’ils offensent Dieu, ils ne gagnent que des douleurs qu’ils eussent pu éviter et perdent toute la vigueur nécessaire aux combats de la vertu. Car le démon s’efforce par tous les moyens de persuader à ces insensés qu’il ne dépend pas d’eux d’être vertueux ou vicieux, qu’ils n’ont pas été doués du libre arbitre, et cela pour obtenir ces deux choses effrayantes, qu’ils reculent devant les luttes qu’exige la vertu et qu’ils abandonnent leur liberté, une de leurs plus belles prérogatives. C’est là le funeste résultat que, par les augures, par les présages, par l’observance de certains jours, par la détestable croyance au destin et par bien d’autres pratiques, il a déjà atteint : il a tout bouleversé. C’est là l’objet des véhémentes objurgations du prophète qui veut arracher la racine du mal. « Et bien des fils étrangers leur sont nés. »
7. Qu’est-ce à dire, « des fils étrangers ? » Dieu leur avait défendu, à cause de leur inconstance et de leur fragilité, d’avoir des relations avec le reste des hommes, de peur que par ce commerce ils ne se laissassent entraîner à l’idolâtrie. Comme bien éloignés de pouvoir redresser les autres, ils n’étaient pas même capables de résister à l’entraînement du mauvais exemple. Dieu établit une loi pour les protéger, il les éloigne d’abord du commerce des autres nations, et ainsi séparés du reste du monde il s’applique à les diriger et à les former. Il eût été à souhaiter, qu’avec toutes ces mesures, ils pussent conserver la discipline à laquelle Dieu les avait soumis. S’ils méprisèrent les autres préceptes, ils ne respectèrent pas plus celui-ci, ils entrèrent en relation avec les peuples voisins, prirent des femmes chez les Moabites, les Ammonites, et les autres nations idolâtres, et étant entrés dans leur parenté, ils admirent au milieu d’eux des docteurs d’iniquité et perdirent leur grandeur et leur pureté. « Leur terre fut remplie d’or et d’argent et leurs trésors étaient infinis (7). « Leur pays fut rempli de chevaux et leurs chars étaient innombrables (8). » Mais que signifie donc, pourrait-on dire, ce reproche d’avoir des richesses, de posséder des chevaux, surtout pour ce peuple qui n’était pas encore appelé à une vie si parfaite ? Que répondre à cela ? Que ce n’est pas l’usage qu’il blâme, mais leur intention qui n’était pas droite. De même que, quand il dit : « Malheur aux puissants (Is. 1,24) ! » ce n’est pas l’autorité qu’il attaque, mais ceux qui s’en servent mal ; de même ici il blâme les juifs non de ce qu’ils avaient des trésors, mais de ce qu’ils en amassaient de superflus, et bien au-delà de ce qui était nécessaire. « Leurs trésors », dit-il, « étaient infinis. » Et en outre, il les blâme de ce qu’enorgueillis de leurs richesses et de la multitude de leurs chevaux, ils apprenaient peu à peu à ne plus mettre leur espérance en Dieu ; c’est aussi ce que dit un autre prophète : « Malheur à ceux qui se confient dans leur force et qui se glorifient