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cette interprétation des prophéties, ce qui vient d’être dit suffirait à les réfuter ; qu’on explique avec soin les prophéties, qu’on en pèse tous les termes avec l’attention convenable, et que l’on compare la prédiction avec l’événement. Et afin d’apporter plus de preuves qu’il n’en faut pour leur fermer la bouche, choisissant mes exemples dans ce qui a été prédit non du Christ, mais de leurs patriarches, je m’efforcerai de leur démontrer clairement que la plupart des prophéties ont été faites sous le nom des chefs de tribu et qu’elles ne se sont réalisées que dans leurs descendants. Et quand j’aurai rapporté un ou deux témoignages, j’aurai atteint mon but. Quand ayant appelé Siméon et Lévi, leur annonça ce qui devait leur arriver, il dit : « Siméon et Lévi, frères (Gen. 49,5) ; » puis, après leur avoir reproché leur iniquité, et l’injuste massacre des Sichémites, il continue en ces termes : « Je les diviserai en Jacob et les disperserai en Israël (7). » Cela ne s’est certes point réalisé pour Siméon et Lévi, mais bien pour les tribus qui descendirent d’eux. Car la tribu de Lévi fut dispersée de telle sorte que chacune des autres tribus en eut le dixième ; il en fut presque de même de la tribu de Siméon qui fut dispersée au milieu des autres, et qui n’obtint pas comme elles un territoire compacte qui avait reçu des bénédictions de son père, ne vit se réaliser sur lui-même aucune d’elles. Son père lui avait prédit une longue prospérité, une domination perpétuelle sur Esaü ; et cependant il manquait des choses nécessaires, il vivait dans la domesticité, et loin qu’il dominât sur son frère, il courut les plus grands dangers, et une fois l’ayant rencontré, il fut saisi d’une telle crainte qu’il s’estima trop heureux d’avoir pu lui échapper. Que répondrons-nous à cela ? Que la prophétie n’est qu’un mensonge ? Non, mais qu’elle attribue ordinairement à certaines personnes ce qui doit arriver à d’autres et qu’elle change les noms. C’est ce qui eut encore lieu pour Chanaan. Nous ne le voyons nulle part esclave de ses frères ; et cependant loin que la malédiction fût retirée, elle s’accomplit dans les Gabaonites, descendants de Chanaan. Les paroles de Noé étaient une prophétie sous la forme d’une malédiction.
2. Quand donc tant et de si grands exemples nous montrent que bien des choses prédites pour ceux-ci, se sont accomplies en ceux-là, et que les prophètes changent les noms, qu’y a-t-il d’étonnant à ce qu’Isaïe quoique parlant de la Judée et de Jérusalem, n’ait en vue que l’Église ? Comme il s’adressait à des ingrats qui tuaient les prophètes, brûlaient leurs livres, renversaient les autels, c’est avec raison qu’un voile leur couvrait les yeux, lorsqu’ils lisaient l’Ancien Testament, comme le dit saint Paul. Car ils auraient anéanti la Bible, s’ils avaient compris la force des prophéties qui concernaient le Christ. Si, malgré sa présence, ses miracles, les preuves évidentes de sa puissance, de son union et de son intimité avec le Père, ils ne surent pas le vénérer, s’ils ne cessèrent de le poursuivre jusqu’à ce qu’ils l’eussent crucifié, auraient-ils donc épargné ceux qui parlaient de lui et que, même sans ce motif, ils tourmentaient continuellement ? Aussi, c’est sous des noms qui étaient familiers et connus de tous, qu’ils cachaient leurs prophéties. Que les prophéties ne se rapportent pas à la Judée et à Jérusalem, c’est ce que nous démontrerons parfaitement, en examinant chaque expression. « Dans les derniers jours la montagne du Seigneur se manifestera à tous les regards (2). » Voyez l’exactitude du Prophète qui, ne se contentant pas d’annoncer l’événement, en prédit même le temps. Ce que dit saint Paul « Quand vint la plénitude des temps (Gal. 4,4) », et encore en un autre endroit, « dans la dispensation de la plénitude des temps (Eph. 1,10) », c’est ce que le Prophète exprime en ces termes « dans les derniers jours. » La montagne désigne l’Église et ses dogmes invincibles. Quand même des armées sans nombre s’attaqueraient à une montagne, dardant des flèches, lançant des javelots, manœuvrant des machines de guerre, à quoi aboutiraient tous ces efforts qu’à une retraite honteuse de ces armées après le complet épuisement de leurs forces ? Ainsi en a-t-il été de tous ceux qui ont déclaré la guerre à l’Église, ils ne l’ont pas ébranlée, et après la perte de leur puissance ils se sont retirés couverts de confusion, épuisés par les coups qu’ils portaient, affaiblis par les traits qu’ils lançaient, vaincus, eux qui exerçaient la persécution par ceux qui la souffraient : victoire étrange, impossible aux hommes et qui n’est donnée qu’à Dieu seul.
Ce qu’il y a d’admirable, ce n’est pas que l’Église ait vaincu, mais qu’elle ait vaincu de cette manière. Poursuivie, traquée, frappée de