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et les châtiments ; car ce n’est pas là une petite marque de l’amour qu’il leur porte et de l’honneur qu’il leur fait. Je les ai tous frappés, dit-il, je les ai tous accablés de douleur. Si a toute tète est malade », comment n’y a-t-il ni blessure, ni tumeur ? La blessure ne parait-elle que quand le reste d u corps est sain ; mais s’il est couvert de blessures, on ne pourra plus en distinguer une en particulier. Cela veut donc dire que tout le corps est couvert d’ulcères, qu’il n’y a pas un endroit sain à côté d’un autre malade, mais que tout est enflammé, que tout n’est qu’une tumeur. « On ne peut y appliquer rien d’adoucissant. » Voici qui est plus grave encore. Il est bien moins fâcheux d’être malade seulement que de ne pouvoir, étant malade, subir de traitement, surtout lorsque le médecin est si grand. « Ni huile, ni bandes. » C’est pour parler par emphase qu’il continue la métaphore ; c’est là le mérite de cette figure. « Votre terre est déserte (7). » Ces événements, il ne les raconte pas comme passés, il les annonce comme futurs, bien qu’il emploie le temps du passé. Les prophètes en usent ainsi et pour effrayer l’auditeur et pour montrer combien ce qu’ils prédisent est certain. De même que les choses passées ne peuvent pas ne pas avoir existé, de même les choses que les prophètes ont annoncées devoir exister, ne peuvent pas ne pas arriver, à moins que par hasard ceux qui devaient être punis ne se repentent. « Vos villes sont incendiées. » Il ne les a pas détruites entièrement, il a permis que des ruines échappées aux flammes des barbares restassent debout, parce qu’elles toucheraient davantage ceux qui les verraient. « Des étrangers dévorent votre pays sous vos yeux, et il est désert parce a qu’il a été ravagé par des peuples étrangers. » C’est le comble du malheur pour des hommes d’être spectateurs de maux qui les atteignent, au lieu de les apprendre par la renommée seulement. « La fille de Sion demeura abandonnée comme une tente dans une vigne et comme une cabane dans un champ de concombres (8). »
4. Les images font beaucoup, surtout celles de la sainte Écriture, pour rendre plus frappant ce qu’on dit. Le Prophète appelle Jérusalem fille de Sion parce qu’elle est placée au pied de cette montagne. « Comme une tente dans une vigne et comme une cabane dans un champ de concombres. » Le fruit une fois enlevé, et les vignerons emmenés, à quoi servent les bâtiments de la ville ? « Comme une « ville assiégée. » Cette expression figurée marque leur faiblesse et leur abandon. Car n’ayant plus personne qui vint à leur secours, ils étaient dans la nécessité de rester enfermés dans l’enceinte de leurs remparts qui faisaient maintenant toute leur sûreté. « Et si le Seigneur des armées n’en avait laissé quelques-uns de notre race, nous aurions été comme Sodome, et nous serions devenus semblables à Gomorrhe (9). » C’est une habitude constante des prophètes de dire non seulement ce que les pécheurs vont souffrir de maux, mais encore ce qu’ils mériteraient de souffrir afin que dans le temps même de leur châtiment ils rendent à Dieu de fréquentes actions de grâces de ce qu’il rie leur inflige qu’une punition fort inférieure à leurs crimes. C’est ce qu’Isaïe dit ici, que leurs péchés auraient mérité non les maux qu’il vient de rappeler, mais l’extinction complète de toute la race, comme il était arrivé à Sodome. Mais la miséricorde de Dieu ne l’a pas permis, elle n’a envoyé qu’une punition bien inférieure aux fautes. Et comme il y a beaucoup de rapport entre l’Ancien et le Nouveau Testament, saint Paul a usé du même moyen, et avec plus de raison que le prophète. Car de même qu’en ce temps-là, sans la miséricorde de Dieu, tous auraient péri, de même au temps du Christ, sans la charité, tous les hommes périssaient d’une manière encore plus affreuse. « Il nous en a laissé quelques-uns de notre race. » Il parle de ceux qui furent sauvés de la captivité. « Écoutez la parole du Seigneur, princes de Sodome ; faites attention à la loi de notre Dieu, peuple de Gomorrhe (10). » Après avoir dit qu’ils étaient dignes du châtiment de Sodome, il montre que leurs crimes n’ont pas été moins audacieux que ceux de Sodome c’est pourquoi il les comprend avec eux dans une seule et même apostrophe. C’est bien là ce que veut dire le Prophète, autrement sa parole serait sans à propos. Par ce nom de princes de Sodome ce ne sont pas les habitants de cette dernière ville, mais les Juifs qu’il veut désigner ; ce qui va suivre l’indique clairement. Il parle de sacrifices, d’oblations, de tout ce culte légal, dont il n’y avait pas trace chez les Sodomites. Ces mots : la loi de notre Dieu, prouvent que tel est le sens.
« Qu’ai-je à faire de la multitude de vos sacrifices ?