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notre nature, soit qu’elle agisse, soit qu’elle reste passive, a des secrets dont nul ne saurait rendre compte, comment pourrions-nous expliquer la manière d’opérer du Saint-Esprit ? Si toutefois il faut par des images obscures essayer de la montrer non dans une claire lumière, mais comme dans des énigmes, il me semble que les prophètes éprouvent quelque chose d’analogue à ce qui se fait dans une eau pure que viennent illuminer les rayons du soleil, que leurs âmes purifiées d’abord par leurs propres vertus, et aussi rendues aptes à refléter la divine lumière, reçoivent ensuite la grâce du Saint-Esprit, et avec elle la connaissance de l’avenir.
« Fils d’Amos » Pourquoi mentionne-t-il son père ? C’est pour prévenir les équivoques qui résulteraient des homonymies, ou bien pour nous apprendre que la bassesse du père n’offusque pas le mérite du fils : car la noblesse ne consiste pas à être né de parents illustres, mais à se rendre illustre soi-même. Quoique d’une naissance obscure, Isaïe ne laissa pas que de devenir plus illustre entre tous, grâce à l’éclat singulier de son propre mérite : « Qu’il a vu au sujet de la Judée et de Jérusalem. »
Pourquoi nomme-t-il l’un et l’autre lieu séparément ? Parce que les châtiments devaient être distincts et infligés en des temps différents ; Dieu, en réglant les choses ainsi, avait montré sa sagesse ; il ne voulait pas les faire périr tous d’un seul coup, mais lentement et peu à peu afin que le malheur de ceux qui seraient emmenés captifs inspirât le repentir à ceux qui restaient. Que s’ils ne profitèrent pas du remède comme ils auraient dû, la faute en est à ces malades et non pas au divin Médecin. Dieu tient la même conduite en toute circonstance et dans tous les temps, et jamais il ne punit du même coup tous ceux qui ont commis les mêmes crimes ; car autrement il y a longtemps que toute notre race aurait disparu ; mais il punit les uns ici-bas, et par là il leur adoucit à eux-mêmes le châtiment de l’autre vie, tandis qu’il donne à ceux qui sont témoins de leur punition, une admirable occasion de se convertir ; quant à ceux que ni leur propre nature, ni la sagesse de cette conduite ne peut ramener au bien, il les réserve pour le jour inévitable et terrible du jugement. « Sous le règne d’Ozias et de Joathan et d’Achar et d’Ézéchias qui régnèrent en Judée. » Il a bien fait de mentionner le temps, puisqu’il appelle ainsi l’attention du lecteur studieux sur l’histoire des événements antérieurs. La prophétie n’en sera que plus intelligible et plus claire : car sachant quel était l’état des choses et ce qu’il y avait de mal chez les Juifs, nous jugerons mieux des remèdes que les prophètes y ont apportés. « Écoute, ciel, et toi, terre, prête l’oreille : car c’est le Seigneur qui a parlé (2). » Ce début est plein de colère ; car s’il n’avait pas été emporté par une indicible fureur, comment aurait-il laissé les hommes pour s’adresser aux éléments ? II ne le fait pas seulement pour montrer qu’il est irrité, mais aussi pour couvrir de honte ceux qui devaient l’entendre, en leur montrant que, honorés de la raison, ils se sont cependant dégradés au-dessous des éléments insensibles. C’est là du reste une chose habituelle aux autres prophètes. Ainsi le Prophète envoyé vers Jéroboam, au lieu de s’adresser à celui qu’il vient reprendre, s’adresse à l’autel. Et Jérémie apostrophe la terre en disant : « Terre, terre, terre, écris que cet homme est proscrit. » Et un autre dit encore. « Écoutez, abîmes, fondements de la terre ; j’ai engendré des fils. » Il ne parle pas ici d’un bienfait qu’il a accordé à tous les hommes, celui d’exister, mais d’un bienfait particulier aux Israélites, celui d’en avoir fait ses enfants. Partout le Seigneur commence par des bienfaits ; quand il a créé l’homme, il a comblé d’honneur celui qui n’existait pas encore, en disant : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. » Sous le Nouveau Testament il fait plus encore : car ce ne sont pas des hommes qui n’ont rien fait, mais des hommes qui ont commis une infinité de péchés, qu’il régénère dans les eaux du baptême ; ici vous voyez la même chose, puisqu’il honore de son adoption des hommes qui non seulement n’ont rien fait de bien, mais encore qui étaient tombés dans le mal, et cependant s’il les honore avant qu’ils aient pu mériter, ce n’est pas qu’il les prive de récompense quand ils ont mérité ; c’est alors au contraire qu’il leur accorde de plus grandes récompenses. « Et je les ai élevés. » Les bienfaits accordés en Égypte, les bienfaits accordés dans le désert, les bienfaits accordés dans la Palestine, il rappelle tout d’un seul mot ; car c’est la coutume de Dieu, dont les bienfaits sont si nombreux de s’abstenir de les rappeler longuement et