admirons celles de l’autre vie pour ne point admirer celles de ce monde. En effet, si nous entretenons sans cesse notre esprit dans la pensée des choses futures, si nous réfléchissons au royaume des cieux, à l’immortalité, à la vie éternelle, à notre place dans les chœurs des anges, à notre séjour avec Jésus-Christ, à cette gloire sans mélange, à cette vie délivrée de toute souffrance, si nous considérons que larmes, chagrins, affronts, mort, découragements, travaux, vieillesse, maladie, infirmité, pauvreté, calomnie, veuvage, péché, condamnation, supplices, châtiment, et s’il est en cette vie présente quelque autre affliction, quelque autre déplaisir, tout cela sera banni loin de nous, et qu’au lieu de ces maux seront venus prendre place la paix, la douceur, la bonté, la charité, la joie, la gloire, l’honneur la splendeur, et tous les autres biens que la parole ne saurait même exprimer ; si nous pensons, dis-je, à tout cela, aucune des choses présentes ne sera capable de nous captiver, et nous pourrons dire avec le Prophète : « Quand irai-je devant Dieu, quand sa face me verra-t-elle ? » et si nous sommes dans cette disposition, ni les splendeurs de la vie ne nous tourneront la tête, ni ses afflictions ne nous jetteront dans le découragement ; nous ne serons plus jamais en proie à l’envie, soit à la vaine gloire, soit à quelque fléau semblable. N’entrons donc pas ici comme au hasard, et en répétant nos versets, ne répondons pas comme pour nous en débarrasser, mais armons-nous-en comme d’un bâton pour le moment où nous sortirons. Chaque verset à lui seul suffit à nous inspirer une grande sagesse, à rectifier nos principes, et à nous procurer les plus grands avantages pour notre conduite ; que si nous en étudions avec soin chaque parole, nous en recueillerons d’excellents fruits. En effet, il ne faut ici m’objecter ni la pauvreté, ni le manque de temps, ni la paresse de l’esprit. Si vous êtes pauvre, et qu’à cause de votre pauvreté vous manquiez de livres, ou qu’ayant des livres, vous ne jouissiez d’aucun loisir, je ne vous demande que d’observer ces répons des psaumes que vous chantez ici non pas une fois, ni deux, ni trois, mais si souvent, et, sorti d’ici, vous en recevrez une grande consolation. Voyez donc quel ; trésor ces répons dont je viens de vous parler, nous ont ouvert. Et qu’on n’aille pas me dire qu’avant d’en avoir l’explication, on n’en connaissait pas la portée, car, avant même d’être expliqué, ce verset était facile à saisir pour quiconque l’écoutait et voulait y faire la moindre attention. Si seulement vous vous êtes appris à dire « De même que le cerf aspire après les sources, ainsi mon âme soupire après vous, mon Dieu ; mon âme a eu soif du Dieu fort, du Dieu vivant ; quand irai-je devant Dieu, quand sa face me verra-t-elle ? » même avant l’explication vous pouvez vous mettre dans l’esprit la sagesse tout entière. Et non seulement ce répons, mais tout autre que celui-là nous offrira les mêmes richesses. Si vous dites : « Bienheureux l’homme qui craint le Seigneur (Ps. 111,1) », et que vous soyez capable de savoir ce que vous dites, vous ne porterez envie ni au riche, ni au puissant, ni à celui qui a en partage la beauté, qui est doué de la force, qui possède des demeures splendides, qui vit au sein du pouvoir, qui est élevé dans les palais, ni à personne de ce genre, mais à l’homme qui vit dans la piété, dans la sagesse, dans la crainte de Dieu, et vous en jugerez ainsi non seulement relativement à l’avenir, mais encore sous le rapport de la vie présente. En effet, dès ce monde même, ces derniers sont plus puissants que les autres. Survient-il une maladie, l’homme revêtu de la pourpre ne retire de son escorte et de tant d’appareil aucun soulagement à son mal ; ses proches, ses parents, tout son monde est là ; sous lui, sur lui, ce sont des tissus d’or, et il est là gisant, brûlé comme dans une fournaise. Celui au contraire qui vit dans la piété, qui craint Dieu, n’a peut-être là ni père, ni serviteur, ni personne à ses côtés, mais il a élevé ses regards vers le ciel, non pas même souvent, mais seulement deux ou trois fois, et il a éteint toute cette fournaise. Et c’est ici un fait qu’on est à même de voir se présenter dans toutes les circonstances graves, dans tous les cas imprévus, que les hommes opulents et haut placés, sont troublés, et que les gens pieux et sages souffrent tout avec calme. Mais ce qui passe avant tout cela, c’est que, même sans aucun événement terrible, la conscience de l’homme qui craint Dieu est remplie d’un plaisir plus grand et plus pur que ne l’est l’âme du riche. C’est que ce dernier, lors même qu’il jouit de la nourriture matérielle, est dans un état plus cruel que le malheureux le plus affamé, parce qu’il se souvient de ses maux personnels, et qu’il est en compagnie de sa mauvaise
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