à cheval, beaucoup de licteurs l’escortent pour écarter le peuple devant lui, sur la place publique ; ne dites pas pour cela : voilà un homme heureux, secouez le fond de son âme, déployez son âme, et bornez-vous au jugement que vous suggérera la beauté de cette âme. Tout ce que nous voyons aujourd’hui, est le comble du ridicule. – Ah ça ! pourquoi, je t’en prie, sur la place publique, écartes-tu la foule ? Et pourquoi chasses-tu ceux que tu rencontres, et mets-tu en fuite un homme, toi, qui es un homme ? Que signifie ce faste ? Que signifie cette arrogance ? Est-ce que tu es devenu un loup ou un lion, toi, dont l’entrée dans la ville fait que tout le monde se sauve ? Mais que dis-je ? Un loup ne chassera jamais un loup, non plus qu’un lion ne chassera un lion ; ils se rassemblent entre eux, ils respectant ce que la nature leur a donné en commun. Et toi, qui, outre la communauté de nature, as tant de motifs pour pratiquer la douceur, l’humilité, le respect de l’égalité, d’où vient que tu es plus féroce que les bêtes féroces ? Pour être monté sur un animal sans raison, tu méprises les êtres doués de raison ? Lu Seigneur ton Dieu a transporté l’homme dans lu ciel, et toi, tu ne peux pas le souffrir, avec toi, dans la place publique ? Mais que dis-je, dans le ciel ? Il l’a placé sur le trône même de sa royauté ; toi, tu le chasses de la ville ?
Et maintenant que signifie ce frein d’or qui orne le cheval ? Et que diras-tu pour ta défense, et quel pardon obtiendras-tu, toi qui ornes au delà du nécessaire ce qui n’a pas la raison, ni le sentiment de cette magnificence (car c’est bien la même chose pour le cheval que le frein soit d’or ou de plomb), et quand tu vois le Christ desséché par la faim, tu ne lui fournis pas la nourriture nécessaire ? Et que signifie : quand tu es un homme, que tu dédaignes le commerce des hommes, et, qu’au milieu des villes, tu cherches la solitude, et qu’il ne te vienne pas à l’esprit, que ton Seigneur a mangé avec des publicains, a conversé avec une courtisane, a été mis en croix avec des voleurs, a eu commerce avec des hommes, tandis que toi, délirant par le faste et par l’orgueil, tu arrives à perdre jusqu’au titre qui fait de toi un homme ? Voilà la grande source de notre dédain pour ceux qui souffrent de notre avarice ardente, de notre cruauté, de notre barbarie. Quand tu mets un frein d’or à un cheval, un collier d’or à un esclave ; quand tu enchâsses les pierres dans l’or, quand tu as des tissus d’or, des vêtements d’or, un baudrier d’or, et, de même, des chaussures, et que tu t’imposes la nécessité si grande de satisfaire tes désirs pervertis, d’assouvir ton insatiable cupidité, de faire brouter la bête la plus vorace de toutes, j’entends par là l’avarice, alors tu dépouilles les orphelins, tu mets à nu les veuves, et te voilà l’ennemi commun de tous, et tu entreprends un vain travail, et tu commences un chemin qui ne peut aboutir à aucune bonne issue. Car, qu’est-ce que cela veut dire que tu donnes à un barbare, ton esclave, de l’or pour le parer ? Quel gain, quelle utilité y a-t-il là pour ton âme ; quel avantage pour ton corps, quel revenu pour ta maison ? parlons mieux, c’est tout le contraire que manifestent de pareilles mœurs. Magnificence hors de propos, dépenses que la raison condamne, matière pour la luxure, enseignement de corruption, occasion de prodigalité et de dissolution, peste pour l’âme, chemin qui conduit à des maux sans nombre. Des lits rehaussés d’argent, brillants d’or, des sièges, des bassins forgés avec de l’or, les éclats de rires multipliés, en quoi cela peut-il servir à la correction des mœurs, en quoi cela peut-il servir à te rendre meilleur, toi, ou ton épouse, ou quelqu’un de tes domestiques ? Est-ce que ce n’est pas là plutôt ce qui fait les voleurs, et la foule de ceux qui percent les murailles ? N’est-ce pas là ce qui fait les esclaves fugitifs ? Et, en effet, de quelque côté qu’ils tournent les yeux, ils voient briller l’argent, et leur cour malade nourrit des pensées de vol. Car, si toi, qui es un homme libre et à qui la noblesse de ton origine inspire un grand orgueil, si, à la vue de l’argent qui brille dans le forum, tu te sens porté à des désirs coupables, à bien plus forte raison, en arrivera-t-il autant à des serviteurs. Et, ce que j’en dis, ce n’est pas pour absoudre les esclaves fugitifs, ni ceux qui commettent de pareils crimes, mais pour vous exhorter à ne pas fournir des aliments à leur maladie. Mais, me dira-t-on, où mettrons-nous nus trésors ? les enfouirons-nous au sein de la terre ? Nullement, bien loin cette pensée. Mais si vous voulez m’écouter, je vous donnerai les moyens de faire, de l’esclave fugitif, un serviteur honnête et fidèle.
3. C’est un esclave fugitif que l’or. Aujourd’hui, à celui-ci ; demain, à celui-là ; et c’est qu’il n’est pas fugitif tout seul, mais il rend les autres fugitifs, il fait souvent que ceux qui
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