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de plus en plus profondes, et j’ai confiance ; j’ai une si bonne terre !
L’Écriture ne demande pas seulement un docteur habile, elle veut aussi un auditeur intelligent. Et voilà pourquoi je vous trouve bien heureux, et je me trouve bien heureux moi-même. « Bienheureux », dit l’Écriture, « celui qui parle, et dont la voix pénètre dans les oreilles de ceux qui l’écoutent ! » (Sir. 25,9) Et : « Bienheureux ceux qui ont faim et qui ont soif de la justice ! » (Mt. 5,6) C’est donc à vous, que votre zèle amène auprès de nous, c’est à vous que nous enverrons les divines pensées ; tous les autres sont maintenant sur la place publique, ils se souillent au contact impur des choses du siècle ; mais vous, supérieurs à la terre, vous accueillez les pensées spirituelles. Les autres, esclaves de la servante, n’ont de souci que pour la chair ; mais vous, c’est la noble dame, l’âme libre que vous prenez soin d’embellir, et en l’ornant vous la sauvez. Où t’arrêtes-tu, maintenant, ô homme ? Sur la place publique. Que veux-tu y recueillir ? De la fange et de la boue. Viens donc, et, de ma main, reçois un parfum. A quoi bon recueillir des richesses périssables, courtiser l’avarice, ce cruel tyran, rechercher des magistratures, périssables encore, l’abondance des choses du siècle, que l’on possède aujourd’hui, que demain l’on ne possède plus ? A quoi bon cueillir les fleurs, en négligeant les fruits ? Pourquoi cours-tu après une ombre, au lieu de saisir la vérité ? Pourquoi rechercher ce qui est périssable, et non ce qui demeure ? « Toute chair n’est que de l’herbe, et toute gloire humaine est comme la fleur des champs ; l’herbe se sèche et la fleur tombe, mais la parole de Dieu demeure éternellement. » (Is. 40,6, 8) Tu possèdes d’abondantes richesses ; et qu’importe pour l’âme ? Dans l’opulence que donnent les richesses, dans la pauvreté de l’âme, tu te pares avec des feuilles, et tu n’as pas de fruits. Quel profit, je te le demande, as-tu fait ? Tu as obtenu des richesses, qu’il te faudra abandonner ici ; tu as obtenu des dignités, qui ne te produisent que des haines ; viens, jouis avec nous des discours de la vraie sagesse ; expie tes péchés ; rejette le fardeau de tes iniquités ; purifie ta conscience ; élève tes pensées, deviens un ange, et sois un homme. Dépouille la chair, prends des ailes, sépare-toi des choses visibles ; attache-toi aux invisibles, monte au ciel ; mêle-toi au chœur des anges ; approche-toi du tribunal d’en haut, du tribunal suprême ; abandonne la fumée, l’ambre pure, l’herbe vile, les toiles d’araignée. Impossible à moi de trouver un mot qui exprime comme il faut cette misérable inconsistance. Mais voici ce que je dis, ce que je ne cesserai pas de redire : viens, et sois un homme ; qu’on ne dise pas que ton titre naturel est un faux titre. Comprenez-vous ce qui vous est dit ? Un homme souvent n’a de l’homme que le nom ; il ne l’est pas, dans le sens qu’il faut attacher à ce nom. Quand je te vois vivre sans écouter la raison, comment veux-tu que je t’appelle un homme, et non un bœuf ? Quand je te vois te conduire en ravisseur, comment veux-tu que je t’appelle un homme et non un loup ? Quand je te vois dans la fornication, comment veux-tu que je t’appelle un homme, et non un porc ? Quand je te vois tramer des ruses, comment veux-tu que je t’appelle un homme, et non un serpent ? Quand je te vois infecté de venin, comment veux-tu que je t’appelle un homme, et non une vipère ? Quand je te vois sans intelligence, comment veux-tu que je t’appelle un homme, et non un âne ? quand je te vois adultère, comment veux-tu que je t’appelle un homme, et non un étalon ? Quand je te vois indocile et stupide, comment veux-tu que je t’appelle un homme et non une pierre ? Tu as reçu de Dieu une noble origine, pourquoi trahis-tu la générosité de ta nature ? A quoi travailles-tu, réponds-moi ? Il y a des hommes qui ont le talent de transformer les animaux, autant que possible, de manière qu’ils participent à la noblesse de notre nature. On apprend aux perroquets, à reproduire la voix humaine, et l’art fait violence à la nature ; on apprivoise des lions que l’on conduit sur la place publique. Un lion, un animal féroce, tu peux l’apprivoiser, et tu te montres plus féroce qu’un loup ? Et ce qu’il y a de plus triste, c’est que chaque animal n’a qu’un vice:, le loup est rapace ; le serpent, perfide ; la vipère, venimeuse ; l’homme, devenu méchant, ne se montre pas de même : trop souvent, en effet, ce n’est pas un seul vice qui le travaille, mais il est tout à la fois rapace, perfide, venimeux, et il rassemble en son âme les vices de plusieurs animaux. Comment veux-tu que, je t’appelle un homme, toi qui n’as ni les insignes de la royauté, ni le diadème, ni la pourpre ?