elle sort d’une âme ardente, que la ferveur anime ; quand l’âme est un encensoir, où s’allume un feu dévorant. En effet, on ne mettait pas l’encens avant qu’il y eût du feu dans le réchaud, avant que les charbons fussent allumés. Faites de même dans votre âme ; embrasez-la d’abord par le désir, avant d’y mettre la prière. Le Psalmiste prie donc, afin que sa prière ressemble à l’encens, que l’élévation de ses mains soit comme le sacrifice du soir ; car et l’encens et le sacrifice sont accueillis. Comment ? à quelles conditions ? Si, des deux côtés, tout est pur ; si, des deux côtés, il n’y a ni sujet de reproche, ni vice ; si la langue et la main ne craignent aucun jugement ; si les mains ne sont souillées ni par l’avarice, ni par la rapine ; si la langue n’est pas chargée de mauvaises paroles, de même que l’encensoir doit être pur, ne rien porter que le feu et l’encens, de même la langue ne doit proférer aucune parole impure ; elle ne doit exprimer que la sainteté, la bénédiction ; et les mains à leur tour doivent être comme l’encensoir. Que votre bouché soit donc un encensoir, et gardez-vous de l’emplir de ce qui pourrait la souiller. Ceux qui souillent leur bouche ; ce sont les hommes qui font entendre des paroles honteuses, impures. Maintenant, pourquoi ne dit-il pas : le sacrifice du matin, mais : « Le « sacrifice du soir ? » À mon avis, l’expression est indifférente. S’il avait dit : le sacrifice du matin, ces personnes, qui n’ont rien de mieux à faire, auraient demandé pourquoi ne dit-il pas : comme le sacrifice du soir. Mais maintenant, si l’on ne veut pas y mettre une curiosité indiscrète, on peut se contenter de la réflexion que voici : le sacrifice du matin attend le sacrifice du soir ; au contraire, le sacrifice du soir est le complément du sacrifice ; le culte du jour a reçu son couronnement ; tout est achevé. Mais que signifie maintenant l’élévation des mains dans la prière ? c’est que tant de crimes, tant de coups donnés, de meurtres ; de déprédations, d’œuvres que l’avarice opère, et que produit la convoitise, s’accomplissent par le ministère des mains ; et, si l’on nous ordonne de les tendre dans la prière, c’est pour que cette fonction des mains soit comme un lien qui enchaîne l’iniquité, comme une expiation qui purifie de tout crime ; c’est afin qu’au moment de pratiquer la rapine, de vous jeter sur le bien d’autrui, de frapper le prochain, la pensée qu’un jour vous élèverez vers Dieu ces mains pour vous défendre ; la pensée qu’elles vous serviront à offrir ce sacrifice spirituel, vous empêche de les déshonorer, de les rendre auprès de Dieu impuissantes, parce qu’elles auront servi à des œuvres coupables. Purifiez-les donc par l’aumône, par la clémence ; employez-les à secourir l’indigent, avant de les tendre à Dieu, dans la prière. Si vous les lavez avant la prière, à bien plus forte raison convient-il que vous ne les souilliez pas par le péché. Si vous craignez ce qui à moins de gravité, redoutez ce qui en a davantage. Il n’est pas absolument contraire à la raison de faire sa prière avec des mains que l’eau n’a pas purifiées ; mais les offrir à Dieu, souillées de péchés sans nombre, voilà ce qui attire une, colère terrible.
4. Ces mêmes conseils, suivons-les aussi pour ce qui concerne et notre bouche et notre langue ; que la corruption n’y trouve aucun accès, si nous voulons les employer à la prière. Une personne qui possède un vase d’or, ne s’en servira jamais pour un vil usage, parce que la matière est trop précieuse : à bien plus forte raison nos bouches, incomparablement plus précieuses que l’or et les perles, ne doivent pas être souillées de paroles honteuses, impudiques, de médisances, d’outrages ; ce n’est pas sur un autel d’airain ou d’or que vous offrez votre encens, mais dans un sanctuaire plus précieux, dans le temple spirituel. D’un côté, est une matière inanimée ; en vous, c’est Dieu qui réside, et vous êtes un membre du Christ, et son corps. « Mettez, Seigneur ; une garde à ma bouche (3). » Il a prié le Seigneur, lui demandant d’être exaucé ; lui demandant d’accepter sa prière ; voyez maintenant le premier désir qu’il exprime, la supplication qu’il fait entendre. En effet, il ne dit pas : accordez-moi la fortune ; accordez-moi les honneurs que les. hommes recherchent ; accordez-moi la victoire sur mes ennemis ; accordez-moi des enfants ; rien de pareil. Il ne s’abaisse pas à tout cela ; il ne demande à Dieu que des présents dignes de lui. Eh quoi ? ne peut-on pas demander à Dieu des biens sensibles ? Assurément il est permis de les demander, mais avec la modération qui règle ces paroles de Job : « Si le Seigneur me donne du pain pour me nourrir, et des vêtements pour me vêtir. » (Gent. 28,20) C’est ainsi que le Christ nous a ordonné de prier, et de prononcer ces paroles : « Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien. » (Mt. 6,11)
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