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de mes maux, ils se rient de ma chute. « Exaucez-moi, éclairez mes veux. » Chassez ce lourd sommeil du péché, ce sommeil dont j’ai dormi presque jusqu’à la mort de mort âme. Pour peu que la sécurité dont je jouis auprès de vous soit ébranlée, c’est un sujet de joie et de forfanterie pour eux ; c’est à leurs yeux une preuve de leur force ; ils en conçoivent de l’orgueil, titi orgueil insupportable. Que ne feraient-ils pas, si je venais à périr ? Vous voyez que le Prophète regardé comme un malheur affreux, comparable au supplice et au châtiment, de réjouir l’ennemi commun, de le voir grandir et prendre des forces. En effet, s’il n’avait pas vu là un mal horrible et intolérable, il n’aurait pas usé d’un pareil moyen pour fléchir Dieu et pour se concilier sa bienveillance. Suivons son exemple : donnons toute notre attention, tous nos efforts, à ne pas exalter notre ennemi, à ne pas le fortifier, à ne pas le réjouir ; tout au contraire, à l’humilier, à le ravaler, à l’affaiblir, à lui causer de la honte et de la tristesse. C’est ce qui arrive dès qu’il voit des pécheurs rentrer dans la bonne voie. « Mais moi, j’ai espéré dans votre miséricorde (6). »
Qu’as-tu donc fait pour demander ces grâces, que Dieu retourne les yeux vers toi, qu’il exauce ta prière, qu’il éclaire les yeux de ton intelligence ? Quels sont tes titres ? Si d’autres en ont à produire, répond le Prophète, qu’ils les produisent. Moi je ne sais, je ne dis qu’une chose, je fonde en une chose toute mon espérance, je ne fais valoir qu’un motif, votre miséricorde, votre bonté. « Mais moi, j’ai espéré dans votre miséricorde. » Voyez-vous l’humilité du Prophète ? Voyez-vous la sagesse de ses pensées ? En dépit de tous ses mérites, bien suffisants par eux-mêmes, pour émouvoir Dieu, il les passe sous silence, il se borne à invoquer la miséricorde divine. De là il résulte que lorsqu’il parle de ses bonnes œuvres, par exemple, en disant : « Si j’ai fait cela, si j’ai rendu le bien », et autres paroles du même genre, il n’emploie ce langage que parce qu’il y est forcé : quand la nécessité ne le contraint pas, il se tait sur ce sujet, et se borne pour toute supplication à rappeler la miséricorde et la bonté de Dieu. Ensuite, persuadé qu’il ne sera point frustré dans son espérance, il ajoute « Mon cœur se réjouira à cause du salut que vous me procurerez. »
Voyez-vous la confiance de cette âme ? Elle demande : et avant d’être exaucée, elle remercie comme si elle l’était, elle chante les louanges de Dieu, elle se comporte, en un mot, comme on l’a vu plus haut. D’où venait donc au Prophète cette confiance ? De ses bons sentiments, de la ferveur avec laquelle il adressait sa prière : il savait qu’on est toujours entendu de Dieu, quand on l’invoque du fond du cœur par une ardente et vive prière. – Aussi, tandis que les hommes qui prient avec tiédeur et relâchement, même exaucés ressentent à peine le bienfait qu’ils ont reçu : ceux qui adressent leur requête avec zèle et recueillement, sont sensibles à la faveur avant même qu’elle leur soit accordée, par un effet de leurs excellentes dispositions, et la grâce divine leur fait éprouver par avance la satisfaction d’être exaucés ils témoignent leur reconnaissance, et se rapprochent par là du moment qui doit combler leurs vœux. « Mon cœur se réjouira à cause du salut que vous me procurerez. » Voilà, veut-il dire, ce qui réjouit mon âme, c’est d’être sauvé par vous ; ce qui la contente, c’est que vous voyez vous-même son salut.
3. Voyez-vous ces deux sortes de joie ? joie des ennemis causée par la chute, joie de l’âme causée par son propre salut ? L’une est celle du malin, l’autre est propre à ceux qui sont sauvés. – L’une est la perte, et de celui qui croit l’éprouver, et de celui qui la cause ; l’autre est le salut et la consolation de celui qui la ressent. C’est cette dernière joie, c’est ce contentement-là qu’il faut rechercher pour nous-mêmes : quant à l’autre, fuyons-le, ayons-en horreur. « Je chanterai en l’honneur du Seigneur qui m’a comblé de ses bienfaits, et je célébrerai le nom du Seigneur Très-Haut. » En commémoration de ce bienfait, veut-il dire, je consacrerai un chant au Seigneur, qui m’a comblé de ses grâces, a humilié mon ennemi, l’a rempli de confusion, l’a convaincu de faiblesse ; qui a exaucé ma prière, a tourné vers moi son visage, après avoir dissipé les ténèbres et l’obscurité que je traversais pour aller à la mort : heureux du salut qu’il m’a procuré, je lui consacre ce cirant comme un monument indestructible de ses bontés pour moi ; et ce n’est pas aujourd’hui seulement que je le célèbre, que je rappelle ses bienfaits ; dans la suite encore je chanterai, je célébrerai le nom du Seigneur, et je conserverai gravé dans mon âme en traits ineffaçables le souvenir de son infinie bienfaisance. Une pareille âme obtient