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Privé de ses biens, de ses enfants, couvert d’ulcères, chargé d’opprobres, d’insultes et d’injures, n’était-il pas en outre tourmenté par la faim et par tous les maux humains ? Et cependant, quel bonheur comparable au sien ? non seulement aucune de ces épreuves ne l’abattit, mais il en devint plus fort. Ajoutez à tout cela les invectives dont le chargeait sa femme, et qui ne servirent qu’à faire éclater davantage sa fermeté. Aussi bien, est-ce la considération de tous ces exemples qui faisait dire au Prophète : « Heureux tous ceux qui craignent le Seigneur et qui marchent dans ses voies ! » Vous auriez pu penser que la crainte seule suffisait si le Psalmiste n’eût ajouté : « Qui marchent dans ses voies. » Ce qui prouve qu’il faut deux choses : « Craindre et marcher. » Car on en a vu qui avaient une foi parfaite, mais que leur vie coupable rendait les plus misérables des hommes. Et c’est pour ne point paraître applaudir à leur état que le Prophète a ajouté : « Qui marchent dans ses voies. » Et quelles sont ses voies, sinon la vie vertueuse ? Car c’est par elle qu’on peut monter au ciel, parvenir à cette cité par excellence, voir Dieu lui-même autant qu’il peut être vu par la créature. On les appelle « les voies de Dieu », parce que c’est par elles qu’on peut parvenir à Dieu dans le ciel : on ne dit pas « la voie », mais « les voies », pour marquer qu’elles sont nombreuses et variées. Dieu nous en prépare plusieurs afin qu’à raison de leur nombre, il nous soit plus facile d’y entrer. En effet, parmi les hommes, les uns sont remarquables par la virginité, d’autres vivent honnêtement dans le mariage, d’autres dans la viduité ; ceux-ci ont tout abandonné, ceux-là une partie seulement ; il en est qui s’avancent par la voie droite, d’autres par la pénitence. Et ainsi le Seigneur a mis à notre disposition un grand nombre de voies afin que nous y entrions facilement. Vous n’avez pu conserver la pureté de votre baptême, mais vous pouvez la recouvrer par la pénitence, par vos libéralités ou vos aumônes. L’argent vous manque ? Vous pouvez visiter les malades, consoler les prisonniers, donner l’hospitalité, un verre d’eau, offrir deux oboles, comme la veuve, gémir avec ceux qui sont dans l’affliction, car c’est là un genre d’aumône. Mais vous manquez de tout, vous êtes si pauvre, votre corps est si débile que vous ne pouvez exécuter aucun mouvement ! Supportez toutes ces privations avec courage, rendant grâces à Dieu, et vous recevrez une grande récompense. C’est précisément en cela que consista la belle conduite de Lazare : car il n’aida personne de ses richesses. Comment l’aurait-il pu, lui qui manquait des aliments nécessaires ? Il n’entra dans aucun cachot, dans l’impossibilité où il était de se tenir debout, ou de se soutenir. Il ne visita aucun malade – comment l’aurait-il pu, lui dont les chiens léchaient les ulcères ? Et cependant il obtint la récompense promise à la vertu pour avoir supporté avec courage les épreuves de sa position, et pour n’avoir pas laissé échapper le plus petit murmure en voyant un homme cruel et inhumain vivre dans les honneurs et les délices, tandis qu’il était exposé à tant de maux. Et voilà pourquoi il fut reçu dans le sein d’Abraham, bien que la mort ne l’eût pas rendu meilleur, et que pendant sa vie il eût été complètement inutile, alors qu’il gisait dans le vestibule du riche. Et ainsi il était couronné avec ce patriarche qui avait opéré tant et de si belles choses, il était proclamé vainqueur et il reposait clans son sein, lui qui n’avait fait aucune aumône, qui n’avait pu voler au secours de l’infortune, exercer l’hospitalité, ni faire rien de semblable : mais il avait rendu grâces à Dieu en toutes choses et il avait gagné la couronne admirable de la patience. C’est une grande chose que l’action de grâces, la sagesse et la patience au milieu de tant et de si grands maux, il n’y a même rien au-dessus. C’est ce qui a valu à Job sa couronne, c’est ce qui faisait dire à Satan : « L’homme donnera toujours la peau d’autrui pour conserver sa propre peau, et il abandonnera volontiers tout ce qu’il possède pour sauver sa vie. Mais étendez votre main et frappez sa chair. » (Job. 2,4, 5) Car c’est un point capital que de pouvoir dominer tellement son âme dans la douleur qu’elle ne pèche pas. C’est un mérite comparable à celui du martyre, c’est le plus grand de tous les biens.
3. Maintenant, mes très-chers frères, lorsque vous êtes en proie à la maladie, à la fièvre ou à la douleur, ce qui arrive souvent, et que la violence des tourments vous porte à blasphémer, si vous savez vous maîtriser et rendre grâces à Dieu en le louant et en l’adorant, vous recevrez la même récompense. À quoi bon, je vous le demande, blasphémer, et prononcer des paroles amères ? Votre douleur en devient-elle moins vive ? Quand même ce serait un moyen de l’adoucir