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de sentir l’extraction de sa côte et d’en éprouver de la souffrance, et en le privant ainsi secrètement du sentiment de la peine, il lui déroba par cet anéantissement momentané, la douleur qu’il aurait ressentie. Il est encore écrit : « Il leur survint un ravissement d’esprit. » (Act. 10,10) Il s’agit encore ici d’un sommeil extatique et d’une absence de sentiment, c’est le sens du mot « ravissement. » Mais cela a lieu, ou par l’action de Dieu, ou par la grandeur des maux qui produisent un sommeil profond et une sorte d’engourdissement, les malheurs ayant coutume en effet, d’amener l’anéantissement et le sommeil. Par son a abattement », le Psalmiste entend donc ici l’excès des maux qui l’ont accablé. Mais que signifient ces mots : « Tout homme est menteur. » N’y a-t-il donc personne de véridique ? Comment alors Job a-t-il pu être appelé un homme véridique, juste et religieux ? Et les prophètes ? S’il ont été menteurs, s’ils ont trompé dans ce qu’ils ont dit, il n’y a plus rien de solide. Et Abraham ? et tous les Justes ? Vous voyez combien il serait mauvais de s’en tenir à la lettre de l’Écriture sans chercher à en pénétrer l’esprit. Qu’a donc voulu dire le Psalmiste par ces expressions : « Tout homme « est menteur ? » – La même vérité que dans ces autres paroles : « L’homme est devenu a semblable au néant. » (Ps. 143,4) C’est ce qu’a dit encore un autre prophète. « Toute chair n’est que de l’herbe et toute sa gloire est comme la fleur des champs (Is. 40,6) », pour exprimer une chose très-vile, passagère, semblable à l’ombre, à un songe et à quelque fantôme.
4. Et afin que vous sachiez que mon raisonnement s’appuie sur des motifs solides, remarquez qu’une version porte : « Tout homme est mensonge. » Une autre : « Tout homme ment ; » ou bien encore : « défaille. » Expressions bien différentes les unes des autres ; car, mentir est l’effet d’un vice qui réside dans l’âme, tandis que défaillir, être passager, ressembler à une onde qui s’écoule, à un songe, à une fleur, à une ombre indique la bassesse de notre nature. Cela revient à ce qu’on lit ailleurs : « Je ne suis que terre et que cendre. » (Gen. 18,27). Et encore : « Pourquoi la terre et la cendre s’élèvent-elles d’orgueil ? » (Sir. 10,9). Ou bien à ces autres paroles du Psalmiste : « Qu’est-ce que l’homme pour que vous vous souveniez de lui ? » (Ps. 8,5) Partout le témoignage de la bassesse de notre nature, de son néant. Ne disons-nous pas des moissons qu’elles ont été trompeuses pour marquer qu’elles n’ont pas répondu à notre attente et qu’elles n’ont pas rapporté autant que nous espérions ; et dans le même sens, que l’année a été trompeuse ? L’homme est chose vile et de nul prix, et nous ne nous en apercevons jamais mieux que dans le malheur, parce qu’alors nous jetons ordinairement les yeux sur le néant de notre nature. C’est pourquoi le Psalmiste ayant l’âme abattue et sentant sa nature confondue, veut nous montrer combien elle est abjecte et misérable sous tous rapports eu disant : « Tout homme est menteur. » C’est-à-dire l’homme n’est que néant, comme il avait exprimé la même vérité dans cet autre passage : « L’homme passe comme en image. » (Ps. 38,7). – « Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens qu’il m’a faits (3). »
Comme il fait bien ressortir la grandeur des bienfaits de Dieu, non seulement parce qu’il a reçu mais encore par sa propre indignité, car, malgré la diversité du langage, on sent qu’il est animé ici des mêmes sentiments que dans un autre psaume où il disait : « Qu’est-ce que l’homme pour que vous vous souveniez de lui, ou le fils de l’homme pour que vous le visitiez ? » (Ps. 8,5) Or, ce qui double le prix des bienfaits, c’est d’être grands par eux-mêmes et d’être conférés à ceux qui ne sont que néant. Dans ce cas, la reconnaissance pour être en rapport avec le bienfait, doit être d’autant plus grande. C’est ce que le Prophète a voulu nous faire entendre par ces mots : « Que rendrai-je au Seigneur ? » Pour indiquer que lui, homme de mensonge, n’étant que bassesse et néant, a reçu des biens extraordinaires : « Pour tous les biens qu’il m’a faits. » C’est le propre d’un cœur reconnaissant de rechercher avec soin à donner quelque chose en retour des bienfaits reçus et de croire qu’il n’a rien fait, quand il a payé tout ce qu’il pouvait. Et c’est bien ce que nous voyons se réaliser ici de la part du Prophète. Car il témoigne doublement sa reconnaissance, et en donnant tout ce qu’il peut et en pensant que ce qu’il a donné n’a pas de valeur. Que va-t-il donc faire ? – Il va nous l’apprendre lui-même, écoutez-le : – « Je prendrai le calice « du salut et j’invoquerai le nom du Seigneur (4). »
Ceux qui entendent ces paroles dans le sens