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et qui peut se traduire ainsi : Alors, dit-il, que je repassais dans mon esprit et les malheurs des Juifs, et leurs infortunes, et leur extermination, et les derniers ravages, je n’ai pas désespéré de voir des jours meilleurs. Au contraire, je les ai attendus, je les ai annoncés et j’ai parlé. Dans mes premiers psaumes j’ai traité longuement cette question et je n’ai fait que vous annoncer ce que la foi m’enseignait.
3. Voyons maintenant combien est chancelant et troublé celui qui n’est pas instruit par cette même foi. Quoiqu’il s’agisse encore d’un psaume de David, ce ne sont pas ses propres sentiments qu’il a exprimés, mais les troubles intérieurs d’une âme sans consistance quand il s’est écrié : « Que Dieu est bon à Israël et à ceux qui ont le cœur droit, mais mes pieds ont failli me manquer et mes pas ont été chancelants. » (Ps. 72,2) Ce qui doit s’entendre non des pieds et des pas, mais des raisonnements défectueux. Il en donne aussitôt un exemple en ajoutant. « Car j’ai été touché « d’un zèle d’indignation contre la prospérité « des méchants. » (Id. 7) C’est-à-dire, en voyant les barbares florissants et les Juifs humiliés et abattus. Mais voici le vice du raisonnement. « Et j’ai dit : C’est donc inutilement que j’ai travaillé à purifier mon cœur et que j’ai lavé mes mains dans la compagnie des innocents. » (Id. 13) Et il nous apprend lui-même ce qui l’a poussé à s’exprimer ainsi : « C’est qu’il a vu les pécheurs eux-mêmes dans l’abondance de tous les biens de ce monde, et qu’ils ont acquis de grandes richesses. » (Id. 12) Mais entendez-le se reprendre ensuite lui-même : « Que si je disais : je parlerai de la sorte : un grand travail s’est présenté devant moi et j’ai reconnu que je ne « pouvais le comprendre jusqu’à ce que j’entre dans le sanctuaire de Dieu et que j’y apprenne quelle doit être leur fin. » (Id. 15, 16, 17) C’est comme s’il eût dit : j’étais indigné, affligé dans mes raisonnements, car c’est toujours le résultat qu’ils produisent. Ensuite, j’ai pensé que j’entreprenais une œuvre difficile, car mes recherches sur de semblables sujets ne pourront m’amener à rien de certain tant que je ne serai pas dans ma patrie.
Jugez par là combien il est dangereux d’abandonner les choses de la foi aux raisonnements humains, au lieu de les confier à la foi elle-même. Si celui dont parle le Prophète eût été ferme et constant dans sa foi, il n’eût pas été troublé, les pieds n’auraient pas failli lui manquer et ses pas n’auraient pas été chancelants. Mais il n’en est pas de même du Psalmiste. Solidement établi sur la pierre il n’était pas troublé, et malgré le triste état où il voyait les affaires des Juifs, malgré la prospérité des barbares, dans un grand nombre de psaumes, il parlait souvent en termes clairs et avec assurance du retour clans sa patrie. Et sa foi était si grande qu’il ne faisait attention ni à la puissance de ses ennemis, ni à l’impuissance des Juifs, mais à la toute-puissance du Seigneur dont il tenait les promesses. Et voilà pourquoi il s’écrie : « J’ai cru et c’est pourquoi j’ai parlé ; j’ai été humilié extrêmement. » Une autre version porte : « J’ai été affligé extrêmement. » – « Dans mon abattement j’ai dit : Tout homme est menteur (2). » Ou selon une autre version : « J’ai dit dans le trouble de mon esprit : Tout homme ment. » C’est ici qu’apparaît de nouveau la splendeur de la foi, car avec elle, l’infortune la plus grande ne saurait précipiter dans le désespoir. Cette vertu, en effet, est comme une ancre sacrée qui retient et affermit de toutes parts le vaisseau de notre esprit qui s’y attache et on le remarque principalement dans les rencontres les plus fâcheuses de la vie où la foi nous persuade d’attendre avec patience l’effet de l’espérance qu’elle nous inspire, et nous fait rejeter tous les raisonnements humains. C’est ce qu’il veut nous faire entendre par ces paroles : « Pour moi, j’ai été affligé extrêmement. » En d’autres termes : J’ai été bien affligé sans doute, mais je n’ai pas désespéré ni perdu courage. Pour nous montrer ensuite qu’il a été non seulement affligé, mais dans l’angoisse la plus grande il ajoute ces paroles : « Dans mon abattement, j’ai dit : « Tout homme est menteur. » Qu’est-ce à dire, « dans mon abattement ? » – Dans mon malheur extrême, dans l’excès de mes maux. Car j’ai été assailli par une épreuve si violente qu’elle m’a plongé dans l’anéantissement et dans un profond sommeil. Il s’agit ici de cette défaillance, de cette insensibilité que produit le malheur. De même, ce qui est dit d’Adam, que Dieu lui envoya un profond sommeil doit s’entendre d’une certaine privation de sentiment. Car l’extase ou le ravissement d’esprit consiste à être hors de soi. Dieu avait donc envoyé à Adam un sommeil extatique pour l’empêcher