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contraire à l’ordre de la nature qu’il interroge, et fait ensuite la réponse. Quelle est cette réponse ? « La terre a été ébranlée à la présence du Seigneur, à la présence du Dieu de Jacob (7). » Ici encore ébranlement signifie surprise, étonnement, stupeur, et est destiné à faire ressortir la grandeur des événements. Puis, afin de montrer ce que vaut la vertu d’un homme, il recourt au nom du serviteur pour désigner le Maître. Ce que Paul signale comme la plus glorieuse prérogative qui ait été conférée aux saints de ce temps, en récompense de leur détachement à l’égard de toutes les choses terrestres. En effet, il ne se borne pas à faire mention du privilège, il en indique encore la raison, afin de révéler à son auditeur le moyen d’y participer. En quoi consiste ce privilège ? en ce que le Maître est désigné par le nom de ses serviteurs. De là cette parole : « Pour ce motif Dieu ne rougit point d’être appelé leur Dieu. » (Héb. 11,16) Mais comment s’appelait-il leur Dieu ? En disant : « Je suis le Dieu d’Abraham, et le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob. » (Ex. 3,6). Plus haut, Paul indique le motif de cette appellation, en disant : « Et torrs ceux-ci sont « morts, n’ayant pas reçu les biens promis, « mais les voyant et les saluant de loin et confessant qu’ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre. » (Héb. 11,13) Voilà le motif, et par là s’explique la suite : « Pour ce motif, Dieu ne rougit point d’être appelé leur Dieu. » Quel est ce motif ? dites-moi. C’est qu’ils ont confessé qu’ils étaient étrangers et voyageurs, qu’ils n’avaient rien de commun avec ce monde ; c’est qu’ils ont rompu avec les choses terrestres, et vécu ici-bas comme en exil. Qui changea la « pierre en des torrents d’eau, et la roche en des fontaines (8). » Quel pardon peuvent espérer encore, je vous le demande, les obstinés et les endurcis ? Quand la roche et la pierre amollissent leur dureté pour obéir aux ordres de Dieu, l’homme doué du privilège de la parole, l’homme, le moins farouche des êtres, se montrera plus insensible ! Par roche il désigne ici un genre de pierre que le fer entame difficilement, et dont il peut tout an plus écorcher la surface. Eh bien ! la roche elle-même s’est amollie, a changé de nature pour ! livrer passage à une onde jaillissante. En effet, le Créateur de la nature sait aussi en déplacer les bornes, en bouleverser l’ordre : et il l’a fait plus d’une fois pour montrer que c’est lui qui a tiré toutes choses du néant. En conséquence, après avoir rappelé les anciens bienfaits de Dieu, ses prodiges, ses miracles, comment il mit fin à la servitude en pays barbare, comment il remit son peuple en liberté, bouleversa les éléments, répandit partout la joie, le Psalmiste l’invoque au secours de sa détresse présente, et se réfugie dans le même port. Ensuite comme ces anciens bienfaits n’avaient point été accordés au mérite, mais dus seulement à la bonté de Dieu, et octroyés en vue de son nom : « Afin que mon nom ne soit pas profané », est-il écrit (Ez. 20,9), afin aussi que tous fussent instruits par la vue des événements du pouvoir de la divinité, et en tirassent un enseignement, il fait valoir cette nouvelle considération, en disant : Quand bien même notre vie ne plaiderait pas pour nous, quand nos actions ne nous donneraient pas crédit auprès de vous, agissez pour votre nom, comme disait autrefois Moïse. Voici ces paroles, analogues à celles de ce personnage : « Non pas pour nous, Seigneur, non pas pour nous ; mais donnez la gloire à votre nom (9). » Non pas pour nous, non pas pour nous rendre illustres ou renommés, mais pour manifester en tous lieux votre propre puissance. Mais si son nom est glorifié quand il nous prête aide et protection, il l’est aussi quand nous vivons dans la vertu et brillons par notre conduite. « Que votre lumière brille devant les hommes, « afin qu’ils voient vos belles actions, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. » Comme il est glorifié par nos vertus, il est blasphémé par nos mauvaises actions. C’est ce qu’il indique par la bouche dit Prophète, en disant : « Mon nom est blasphémé à cause de vous parmi les nations. » (Is. 52,5) N’ayant pas d’autre moyen de plaider la cause des hommes, le Psalmiste recourt au même moyen que Moïse.
Mais Dieu n’agit pas toujours de même dans sa sollicitude pour notre salut. S’il devait toujours opérer de même, beaucoup de tièdes deviendraient pires, parce qu’ils compteraient sur sa gloire comme sur un gage infaillible de sécurité et de salut pour eux-mêmes. Mais il n’en est pas ainsi. Car Dieu ne se soucie pas tant de sa gloire que de notre salut. S’il est des hommes qui méprisent la gloire, à plus forte raison en est-il ainsi de Dieu, qui n’a besoin d’aucune des choses que nous pouvons donner : mais comme je l’ai dit, le Prophète,