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le maître du monde qu’après avoir donné cette marque de sa sollicitude ? Le psaume fait allusion à la même chose, en disant : « Lorsqu’Israël sortit de l’Égypte, et la maison de Jacob du milieu d’un peuple barbare, Dieu prit pour sanctuaire la maison de Juda. » – Lors de la sortie d’Égypte, du départ, de la délivrance. Que s’il ne se borne pas à dire « d’Égypte » et ajoute « du milieu d’un peuple barbare », c’est pour indiquer la sollicitude de Dieu par ce nom donné aux ennemis de son peuple. – En effet, les Hébreux n’auraient pu échapper à la servitude de ce peuple dur, inhumain, barbare, s’ils n’avaient été assistés par une main puissante, par un bras invincible. Ils étaient plus farouches que des bêtes sauvages, plus durs que des bêtes féroces, ces hommes qui s’étaient vu frapper de tant de plaies sans céder. En disant « peuple barbare », le Psalmiste montre l’infinie puissance de Dieu qui sut persuader à une nation barbare et inhumaine de laisser partir ses esclaves, puis l’y contraindre par la force, vaincre son obstination en la précipitant dans les flots, et délivrer ainsi son peuple.
Qu’est-ce à dire « Dieu prit pour sanctuaire la maison de Juda ? » C’est-à-dire que cette maison devint son peuple fidèle, dévoué, consacré à son service. Ce mot sanctuaire s’employait ordinairement en parlant du temple, du saint des saints : c’est ainsi que Zacharie nous représente des hommes qui font la question suivante : « Le sanctuaire est entré ici : est-ce que nous jeûnerons ? » (Zac. 7,3) il s’agit ici du retour de l’arche et des autres choses saintes. « Dieu prit pour sanctuaire la maison de Juda. » Auparavant le pays était impur et souillé, mais après le retour du peuple, la ville devint le sanctuaire de Dieu c’est-à-dire qu’elle fut sanctifiée par les cérémonies saintes, les sacrifices, le culte, et tout l’appareil de la religion. « Et établit son empire « dans Israël. » Ce n’est pas que tout l’univers ne fût déjà sous son empire, mais les Israélites devinrent alors plus particulièrement ses sujets. Ils entendaient les prophéties, ils écoutaient la voix de Dieu, et leurs intérêts étaient de sa part l’objet d’une attention spéciale. Il y a encore une autre raison qui justifie ce titre de peuple de Dieu : c’est que souvent pour obéir à Dieu, ils marchaient au combat, ou à quelque autre entreprise. Car après les avoir tirés des mains des barbares, affranchis de la tyrannie, de la servitude, sauvés d’un extrême péril et d’une erreur impie, il était devenu leur roi. Ailleurs il dit pour établir son droit et montrer qu’avant d’exiger rien d’eux, il avait commencé par payer de sa personne : « Est-ce que j’ai été un désert pour la maison d’Israël, ou une terre en friche ? » Voici le sens de cette parole : ai-je été stérile pour vous ? Ne vous ai-je pas comblé de biens ? Ne suis-je pas allé jusqu’à changer l’ordre de la nature ? n’ai-je pas plié les éléments à votre service ? Ne vous ai-je pas nourris sans vous imposer aucune des fatigues humaines ? Voilà pourquoi il dit : « Est-ce que j’ai été un désert pour la maison d’Israël ? » En d’autres termes, n’ai-je pas porté mille fruits pour elle ? délivrance d’Égypte, affranchissement de l’esclavage des barbares, prodiges, vivres dans le désert, partage de la Palestine, victoires sur les nations, trophées sans nombre, victoires multipliées, inconcevables merveilles, prodiges sur prodiges, fertilité de la terre, accroissement de population, gloire répandue par toute la terre, et mille autres bienfaits ? Voyez-vous les fruits de Dieu ? Aussi le Prophète poursuit-il en disant « Est-ce que j’ai été une terre en friche ? » En d’autres termes : N’avez-vous pas reçu de moi mille bienfaits ? n’ai-je pas béni votre entrée et votre sortie, vos bergeries, votre bétail, votre pain, votre eau ? ne vous ai-je pas mis en sûreté ? ne vous ai-je pas rendus indomptables, terribles, invincibles à tous ? tous les biens de la terre et du ciel n’affluaient-ils pas chez vous en abondance ? En effet, le roi se révèle surtout par l’intérêt, la sollicitude qu’il montre pour ses sujets.
2. C’est pour cela que le Christ a dit « le bon « berger… » qu’attendez-vous ? est honoré, courtisé ? non, « le bon berger donne sa vie « pour ses brebis. » En cela consiste l’autorité, en cela le talent d’un pasteur : à négliger ses propres affaires pour s’occuper de ses sujets il en est d’un prince, comme d’un médecin ou plutôt ce qui est vrai de celui-ci l’est encore bien plus de celui-là. Le médecin consacre son art au salut d’autrui ; le prince y emploie jusqu’à ses propres périls. Ainsi fit le Christ, souffleté, crucifié, en butte à mille tortures ; d’où ce mot de Paul : « Le Christ ne s’est point complu en lui-même ; mais, comme il est écrit : les outrages de ceux qui vous outrageaient sont tombés sur moi. » (Rom. 15,3 ; Ps. 68,10) En conséquence le Psalmiste