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au fort des artifices dirigés contre lui. Il est impossible qu’une âme riche de miséricorde soit jamais submergée par l’infortune. « La mémoire du juste sera éternelle (7). » – Voyez comment ce n’est pas durant sa vie seule, mais après sa mort même, qu’il instruit, qu’il catéchise les hommes. Comment donc pourrait-il jamais être à plaindre de son vivant, celui qui restera même après sa mort un maître de contentement pour autrui ? C’est comme une preuve mise ici-bas sous les yeux des plus incrédules, qu’une récompense éternelle l’attend dans les cieux : son corps est déjà enseveli et confié à la terre, que son nom vole de bouche en bouche.
Tel est le pouvoir de la vertu. Le temps ne prévaut point sur elle ; le nombre des jours ne saurait la flétrir. Ce privilège lui est accordé en vue du salut des méchants. Car les justes n’ont pas besoin de nos louanges : mais ces louanges sont nécessaires à ceux qui vivent dans l’iniquité afin que la renommée des bonnes œuvres d’autrui les rendent plus sages et les guérissent de leur perversité. Où sont donc ces hommes qui élèvent des tombeaux magnifiques, et font sortir de terre de superbes monuments ? Qu’ils viennent apprendre le moyen d’immortaliser une mémoire. Ce ne sont point des constructions de pierre, des enceintes de murs, des tours : c’est le spectacle d’une vie de bonnes œuvres. Le Psalmiste parle ici pour ces incrédules déterminés qui ne se préoccupent point de l’avenir : il parle des choses présentes, des choses sensibles pour les attirer vers les choses futures : avant tout, il montre que la vertu, comme je l’ai répété souvent, trouve en elle-même sa récompense, avant d’obtenir la palme qui lui est promise. « Une mauvaise nouvelle ne l’effrayera pas. » – De même que plus haut il ne disait pas que cet homme ne serait point attaqué, mais qu’il ne serait pas ébranlé par les attaques : de même en cet endroit il ne dit pas que nulle mauvaise nouvelle n’arrivera jusqu’à ses oreilles, mais qu’aucune ne sera capable de l’effrayer.
5. Et d’où lui viendra cette sécurité ? C’est en vain qu’il voit la guerre déchaînée, des villes renversées par des tremblements de terre, des pirates, des brigands livrer tout au pillage, des barbares envahir son pays, la maladie mettre ses jours en péril, la colère d’un juge menacer sa tête, que sais-je encore ? il ne craint rien. C’est qu’il a eu soin de mettre à l’avance ses biens en dépôt dans un inviolable asile : loin de trembler aux approches de la mort, il se hâte au contraire de partir pour le pays où il doit trouver son bénéfice. Car « où est le trésor de l’homme, là est son cœur. » (Mt. 6,21) Si des trafiquants, pour peu qu’ils aient envoyé dans leur pays quelques marchandises vénales, n’ont pas de repos qu’ils n’aient revu leur trésor : à plus forte raison notre juste, qui a mis en dépôt dans les cieux toutes ses épargnes, sera-t-il pressé de rompre tous les liens qui l’attachent à la terre pour s’élancer dans la vie future. Aussi rien n’est-il capable de l’effrayer. « Son cœur est préparé à espérer dans le Seigneur. » D’après un autre : « Son cœur est inébranlable », c’est-à-dire la même chose en expliquant le mot « préparé. » Voici ce qu’il veut dire : rien n’est, capable de l’ébranler, ni de l’attacher aux choses d’ici-bas. Il est constamment et tout entier élevé vers Dieu voilà son espérance, l’attente dans laquelle il persévère invariablement, sans se laisser amollir ni distraire par aucune des choses d’ici-bas. Car tel est l’effet des soucis intéressés ; ils partagent et dérangent l’esprit. Il faut donc redire cette maxime évangélique : « Où est le trésor de l’homme, là est son cœur. Son cœur est fixé, il ne sera point ébranlé (8). » Reconnaissez-vous l’homme quia bâti sa maison sur la pierre ? Que pourrait craindre un homme nu et alerte qui ne donne prise d’aucun côté ? que pourrait craindre celui que Dieu protège et favorise ? Il est assuré de deux côtés, là-haut par la grâce de Dieu, ici-bas parla tranquillité de son âme ; et rien ne peut l’ébranler, ni pertes d’argent, ni persécutions, ni calomnies. Il échappe à toutes les atteintes parce qu’il a quitté la terre pour chercher un abri dans les cieux, dans cet asile inaccessible à tous les complots des méchants. Car vous n’ignorez pas que tous ces complots ont pour cause et pour objet l’argent, que c’est l’argent qui excite tout l’empressement des hommes. « Jusqu’à ce qu’il méprise ses ennemis. » Qui sont-ils, ces ennemis, sinon les méchants démons, et le diable lui-même ? – « Il a dissipé, il a donné aux pauvres : sa justice demeure éternellement (9). »
Il a parlé de l’aumône, de prêt, de miséricorde : mais il y a bien des degrés dans l’aumône : l’un donne moins, l’autre davantage ; voyons quel homme charitable il a en vue,