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l’air ? pourquoi sa Providence nous aurait-elle prodigué tous ses soins, si elle ne devait pas les étendre au delà de cette vie mortelle ?
4. Ne voyez-vous pas combien d’hommes, fidèles à la pratique de la vertu, sont morts après avoir essuyé mille disgrâces, sans avoir éprouvé aucun bonheur ? combien d’autres au contraire qui ont commis une infinité de crimes, qui ont pillé le bien d’autrui, dépouillé et opprimé la veuve et l’orphelin, ont fini leurs jours après avoir été comblés de richesses, après avoir joui de toutes les délices et de toutes les prospérités de ce siècle sans aucun mélange d’afflictions ?
Quand donc les premiers recevront-ils le prix de leur vertu ou les autres porteront-ils la peine de leur perversité, si tout finit avec la vie présente ? S’il existe un Dieu, comme il en existe un, tout le monde conviendra que ce Dieu est juste ; on conviendra de même qu’étant juste, il rendra aux bons et aux méchants selon leurs œuvres ; or, s’il doit traiter les uns et les autres suivant leur mérite, et qu’ici-bas le méchant ne soit pas puni de ses crimes, ni le bon récompensé de sa vertu, il est clair qu’il doit y avoir un temps et un lieu où ils recevront chacun le traitement dont ils sont dignes.
Mais pourquoi Dieu a-t-il placé au dedans de nous un juge aussi constamment en éveil et aussi attentif ? je veux dire la conscience. Non, il n’est pas dans le monde de juge aussi vigilant que notre conscience. Les autres juges peuvent être ou corrompus par l’or, ou gagnés par la flatterie, ou intimidés par la crainte ; tels sont les motifs, sans parler de beaucoup d’autres, qui altèrent, qui pervertissent leur jugement, mais auxquels la conscience ne cède jamais. On aurait beau offrir de l’or, flatter, menacer, employer tous les moyens imaginables, elle portera toujours une sentence sévère contre les pensées des pécheurs. Celui qui a fait la faute se condamne lui-même sans que personne l’accuse. Et ce n’est pas une fois, deux fois, mais à plusieurs reprises, et pendant tout le cours de la vie, que la conscience s’élève contre le coupable. Quelque long espace de temps qui se soit écoulé, elle n’a pas oublié ses fautes, elle les lui reproche avec force au moment qu’il les commet, avant qu’il les ait commises, après qu’il les a commises, et surtout lorsqu’elles sont consommées. Car au moment où nous commettons le péché, enivrés par le plaisir, nous sentons moins le mal que nous faisons. Mais lorsqu’il est commis et consommé, c’est alors surtout que, la passion étant éteinte, l’aiguillon du repentir vient tourmenter notre âme. Dans les douleurs qu’il nous cause, il nous arrive tout le contraire de ce qu’éprouvent les femmes dans le travail de l’enfantement. C’est avant d’avoir mis leur enfant au monde que les femmes souffrent des peines insupportables, des douleurs aiguës et déchirantes : dès que l’enfant est sorti des entrailles, les douleurs cessent et sont sorties, pour ainsi dire, avec lui. Il n’en est pas de même dans le péché. Tant que nous concevons et que nous formons au-dedans de nous-mêmes des desseins criminels, nous paraissons contents et satisfaits ; dès que nous avons enfanté le péché, que nous avons produit ce fruit malheureux, c’est alors que, frappés de sa difformité, nous éprouvons des douleurs plus vives et plus cruelles qu’une femme qui est sur le point de mettre un enfant au monde. Ainsi je vous exhorte principalement à n’admettre en vous aucune pensée mauvaise ; ou si vous l’admettez, à étouffer sur-le-champ ce germe de corruption. Que si vous avez porté la faiblesse jusqu’à consommer et enfanter le péché, donnez-lui aussitôt la mort par la confession et par les larmes en vous accusant vous-même.
Car, rien n’est si destructif du péché que l’accusation et la condamnation de soi-même avec repentir et avec larmes. Vous avez condamné votre faute ; dès lors vous en avez déposé le fardeau funeste. Qui le dit ? Dieu lui-même qui nous juge : Confessez, dit-il, le premier vos péchés, afin que vous soyez justifié. (Isa. 43, 26) Eh ! pourquoi, je vous le demande, rougiriez-vous de dire vos fautes ? Est-ce que vous les dites à un homme pour qu’il vous en fasse des reproches ? Est-ce que vous les avouez à votre compagnon de servitude afin qu’il aille les divulguer ? c’est à votre Seigneur, c’est à un père tendre et attentif, c’est à un médecin que vous montrez vos plaies. Quand vous ne lui confesseriez pas vos fautes, il ne les ignorerait pas, lui qui les connaissait avant qu’elles fussent commises. Pourquoi ne lui en feriez-vous pas l’aveu ? Votre accusation, loin de rendre plus pesant le fardeau de vos péchés, le rend plus léger et plus doux. Le Seigneur veut que vous déclariez vos fautes, non pour les punir, mais pour vous