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HOMÉLIE XI.

CE QUI M’ÉTAIT ALORS UN GAIN, JE L’AI CRU DEPUIS, POUR JÉSUS-CHRIST, UNE PERTE… (CHAP. 3, DU VERSET 7 AU VERSET 13)

Analyse.

  • 1. L’hérésie (probablement celle des manichéens), ne peut pas conclure des paroles de saint Paul que la loi mosaïque fut un mal.
  • 2. La foi en Jésus-Christ est un bien infiniment préférable à la justice mosaïque.
  • 3. Dignité de nos souffrances, unies à la passion de Jésus-Christ ; la résurrection glorieuse en est la récompense.
  • 4. Malheur de l’éloignement de Dieu. Ses bienfaits. Notre ingratitude.


1. Dans les combats que nous livrons aux hérétiques, il nous faut apporter une attention vive et soutenue sur l’objet de nos luttes. Le seul moyen de dissiper leurs bataillons et de remporter pleine victoire, c’est de ne pas même leur laisser reprendre haleine. Mon but est de vous dresser à ce genre de duels à l’aide des saintes Écritures, et de vous faire trouver dans les textes mêmes qu’ils apportent, de quoi réduire au silence nos contradicteurs. Par conséquent, je veux commencer la discussion qui se présente aujourd’hui à l’endroit même où j’ai terminé celle d’hier. Où en sommes-nous restés hier ? Saint Paul avait résumé tous les avantages judaïques qui lui donnaient quelque sujet de gloire, ce qu’il tenait de la nature, de son choix et de son œuvre, et il avait ajouté : « Mais tout ce qui était gain pour moi, je le regarde à présent comme détriment à cause de l’éminente science de Jésus-Christ mon Seigneur ; pour lui, j’ai renoncé à tous ces prétendus avantages que je regarde comme vile ordure, afin de gagner Jésus-Christ ».

Ici l’hérésie se dresse avec insolence. Mais la sagesse de l’Esprit-Saint se plaît à éveiller chez l’ennemi l’espoir d’un triomphe, afin de l’engager à livrer bataille. Si Paul avait parlé ouvertement, les hérétiques auraient fait pour cette épître ce qu’ils ont fait pour d’autres livres sacrés, altérant le texte, lui déniant l’authenticité parce qu’ils n’osaient l’attaquer ouvertement. Mais comme les poissons ne voient point tomber dans l’onde l’hameçon qui doit les prendre, parce qu’on a soin de le couvrir et de le cacher sous l’appât, et qu’ainsi ils accourent à l’envi pour se faire prendre ; ainsi en est-il de cet endroit où Paul appelle la loi un dommage. Telle est la déclaration de l’apôtre il appelle la loi un dommage, une chose vaine ; il ne lui était pas permis, ajoute-t-il, de gagner Jésus-Christ, à moins de renoncer à cette loi. Les hérétiques se laissent prendre par la lettre et le mot, reçoivent l’épître avec bonheur, et pensent avoir gain de cause ; puis, dès qu’ils l’ont reçue, ils se trouvent saisis comme dans les mailles étroites d’un filet inévitable.

Que disent donc ces adversaires insolents ? Voyez : La loi est un dommage, elle n’est que paille et poussière : comment donc osez-vous dire que Dieu en soit l’auteur ? Le vrai, c’est que ce passage est favorable à la loi ; et vous allez clairement en voir la preuve : appliquons-nous avec soin à l’étude de tous ses termes.

L’apôtre n’a pas dit : La loi est une perte ; mais : « Je l’ai considérée comme une perte ». Lorsqu’il parle du gain, il ne se sert point de la même expression, mais il affirme simplement et dit : « Tout ce qui a été gain pour moi ». — Au contraire, lorsqu’il parle de perte, il n’affirme plus, mais il dit : « Je l’ai cru ». — Admirable exactitude de langage qui nous définit d’un côté la loi telle qu’elle était dans son essence, et de l’autre la loi telle qu’elle est devenue dans notre condition de chrétiens.

Que faut-il donc affirmer ? Peut-on dire absolument que la loi n’est pas un dommage ? Elle est un dommage, mais en comparaison de Jésus-Christ ; d’un autre point de vue elle a été un véritable gain. On pouvait ne pas y voir un gain ; toutefois elle était déjà un gain, déclare saint Paul. C’est comme s’il vous disait : Pensez quel bonheur c’était déjà que des hommes indomptés par nature fussent amenés à un genre de vie plus humain. D’ailleurs, si la loi n’avait pas préexisté, la grâce n’aurait pas été donnée ; pourquoi ? C’est que la