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ne parlerait plus la langue de ce théâtre satanique ?
Eh bien ! à votre tour, si vous entrez au théâtre du ciel avec les ornements de la femme perdue, tout le céleste auditoire vous chassera. Il ne faut point là de vêtements d’or, mais d’autres, et bien différents. De quel genre, alors ? De ceux dont parle le Prophète : « Elle est entourée de franges d’or, de splendides broderies » (Ps. 44,14) ; il ne s’agit point de faire ressortir la blancheur et l’éclat de votre teint, mais d’orner votre âme ; car elle seule, au ciel, dispute le prix. « Toute la gloire de la fille du roi est au dedans d’elle-même », ajoute-t-il. Prenez ces vêtements glorieux, qui doivent vous affranchir d’autres peines sans nombre, mais qui en particulier délivrent un mari d’inquiétude, et vous-même de souci.
6. Une femme est d’autant plus respectable aux yeux de son mari, qu’elle sait davantage restreindre ses besoins. Car l’homme, en général, garde toujours un secret et profond mépris pour ceux qui ont besoin de lui ; s’il voit au contraire qu’il ne soit pas indispensable, il rabaisse son orgueil, et bientôt vous traite et vous honore comme un égal. Que votre mari vous voie donc, femmes chrétiennes, n’avoir pas besoin de lui et mépriser même ce qu’il offre ; aussitôt, malgré ses hautes prétentions et l’ambition dédaigneuse de son caractère, il vous respectera plus que si vous portiez des ornements d’or, et désormais vous ne serez plus sa servante, comme on l’est nécessairement, comme il faut bien être l’humble sujet de ceux dont on a trop besoin ; tandis que si l’on sait se refuser noblement le superflu, on recouvre désormais son indépendance. Qu’il sache donc, votre époux, que lorsque vous lui accordez une certaine obéissance, c’est le motif de la crainte de Dieu qui vous détermine, et non pas les dons qui partent de la main d’un mari. En effet, tant qu’il vous donne beaucoup, en vain lui rendez-vous aussi grand honneur : il croit toujours en mériter davantage ; si, au contraire, vous savez vous suffire, il vous est reconnaissant du peu même que vous lui accordez : il n’a rien à vous reprocher. D’ailleurs vous ne le forcez point à voler le bien du prochain pour la triste nécessité de vous suffire.
Sous un autre point de vue, est-il rien de plus déraisonnable que d’acheter des parures d’or, pour les souiller bientôt dans les bains et les places publiques ? Encore ces folies dorées s’expliquent-elles pour ces lieux profanes des thermes ou de l’agora ; mais elles sont ridicules et insensées, quand on s’en décore pour poser jusque dans l’église. Que vient-elle faire ici avec ces ornements d’or, cette femme qui doit y entrer précisément pour entendre que ni l’or, ni l’argent, ni les habits précieux n’embellissent une vraie chrétienne ? Oui, femme chrétienne, pourquoi entrer ici ? Serait-ce comme pour combattre saint Paul et pour montrer que quand même il te ferait mille fois la leçon, tu refuses de te convertir ? Serait-ce pour nous convaincre que, nous aussi, prédicateurs de l’assemblée sainte, nous perdons notre temps à redire ses avis ?
Car, réponds-moi. Qu’un gentil ou qu’un infidèle entende lire ce passage de saint Paul qui interdit aux femmes dé se parer avec l’or, l’argent, les perles, les tissus précieux ; que cet homme soit d’ailleurs marié à une femme chrétienne, et qu’il l’aperçoive ensuite heureuse de se parer de cette manière, fière de s’entourer d’or pour venir à l’église ; ne dira-t-il pas en lui-même, en voyant cette femme qui se pare et se prépare dans son cabinet de toilette : Pourquoi donc fait-elle dans ce cabinet une si longue séance ? Pourquoi ces longs apprêts ? Pourquoi prend-elle aujourd’hui ses bijoux d’or ? Où veut-elle aller enfin ? À l’église ? Mais qu’y faire ? Pour entendre que tout ce luxe est condamné ? À cette idée, à ce spectacle, l’infidèle ne va-t-il pas rire, et rire aux éclats ? Ne va-t-il pas croire que toute notre religion n’est qu’un jeu et une duperie ?
Écoutez donc, et mes avis et ma prière : laissons aux pompes mondaines ces ornements d’or ; laissons-les aux théâtres et aux décors exposés dans les boutiques des marchands ; gardons-nous de vouloir ainsi embellir l’image de Dieu ; et plutôt rehaussons-la de grâce vraie et de dignité, de cette dignité qui ne s’allie jamais avec le faste et les ornements malséants. Voulez-vous même gagner l’honneur et l’estime des hommes ? Voilà le moyen d’y parvenir. On admirera toujours moins la femme d’un opulent du siècle quand elle portera ces soieries et ce luxe, qu’on rencontre partout, que quand elle se présentera sous une mise simple et commune, avec la simple robe de laine. Ce genre, tout le monde l’admire ; cette mise, chacun y applaudit. Car dans cette toilette qui prodigue les broderies d’or et les tissus précieux, la femme riche a bien des rivales ; elle surpasse l’une, mais l’autre la surpasse ; et dût-elle les vaincre toutes, l’impératrice au moins aura sur elle la victoire. Avec la simplicité, au contraire, elle triomphe de toutes les autres femmes, même de l’épouse d’un roi ou d’un empereur : seule, et jusque dans l’opulence, elle a choisi l’extérieur des pauvres.
Ainsi, supposé que nous aimions la gloire, la voici plus grande et plus pure. Mais je ne parle pas seulement aux veuves et aux riches : les veuves n’auraient l’air d’être modestes qu’à cause de la gêne qu’apporte le veuvage ; je m’adresse aussi aux femmes mariées. – Je ne plairai donc plus à mon mari, dira l’une d’elles ? – Ah ! tu ne désires pas plaire à ton époux, mais à une foule de misérables femmelettes ; ou plutôt loin de vouloir leur plaire, tu cherches à les faire sécher de dépit, à faire ressortir leur pauvreté. Que de blasphèmes se prononcent à cause de toi !… Malheur à la pauvreté, s’écrieront-elles ; Dieu déteste les indigents ; Dieu n’aime pas les pauvres ! Une preuve, d’ailleurs, une preuve évidente que tu ne cherches pas à plaire à ton mari, que ce n’est pas là le motif de ta toilette, c’est la propre conduite en ceci. A peine rentrée dans ton appartement, tu dépouilles aussitôt toutes tes parures, robes, bijoux, perles ; tu ne les portes pas chez toi.
Si vraiment vous voulez plaire à vos maris, vous en avez les moyens, je veux dire la douceur,