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fouets, les chaînes et les prisons ; ils ont été lapidés, ils ont été sciés, ils ont été tentés en toute manière (36, 37) ». Il termine par ces exemples, par ceux, remarquez bien, qui sont pour les Hébreux, et plus proches, et plus familiers. La plus grande consolation qu’on puisse vous offrir, en effet, c’est un modèle ayant souffert pour la même cause que vous. Quand même vous présenteriez d’autres traits plus remarquables, si le martyre a eu une autre raison, vous ne pouvez convaincre. Il finit donc son discours par ces saints, qui ont, dit-il, passé par les liens, les cachots, les fouets, les pierres, désignant ainsi la passion de saint Étienne et de saint Zacharie, et il ajoute : « Ils sont morts par le tranchant du glaive ». Que dites-vous, bienheureux Paul ? Les uns ont évité, les autres ont subi la mort sous l’épée ? Quelle est votre pensée ? Louez-vous la mort subie, ou seulement la mort affrontée ? Laquelle admirez-vous, de l’une ou de l’autre ? L’une et l’autre certainement, répond-il. La mort affrontée, chers Hébreux, c’est pour vous chose tout unie et toute familière ; la mort même subie est d’ailleurs la plus grande preuve de foi, et la figure de nos martyres à venir. La foi présente, en effet, ce double miracle : elle fait de grandes choses, elle sait grandement souffrir tout en croyant ne souffrir pas. Et vous ne pouvez dire, continue-t-il, que ces hommes fussent des pécheurs et des gens de rien. Quand vous placeriez en face d’eux le monde entier, j’estime qu’ils l’emporteraient dans la balance de la justice. – Aussi ajoute-t-il : « Que le monde n’en était pas digne ». Que pouvaient donc recevoir, même en cette vie, ceux dont rien au monde n’était digne ? L’apôtre ici relève l’âme de ses disciples, et leur apprend à ne point s’attacher aux choses du présent ; il veut que leur cœur espère beaucoup mieux que tous les biens du siècle actuel. Non, le monde entier n’est point digne d’eux. Que désireriez-vous donc ici-bas ? Ne serait-ce pas vous avilir que de vous donner ici-bas votre récompense ?
Cessons donc, mes frères, d’occuper nos âmes des vanités de ce monde ; n’y cherchons point notre récompense ; ne soyons pas mendiants à ce point. Car si le monde entier est indigne des saints, pourquoi demandez-vous une partie de ce monde ? C’est admirablement vrai : car les saints sont les amis de Dieu. Par le monde, l’apôtre désigne les masses, ou en général, la créature. Ces deux sens se trouvent habituellement employés dans l’Écriture sainte. Si la création tout entière avec tous ses hommes était mise en comparaison, dit-elle, le juste la dépasserait encore en valeur. Vérité évidente encore. Car dix mille livres pesant de paille ou de foin, n’équivaudraient pas en prix à dix perles ; ainsi en est-il de cette masse d’hommes vis-à-vis d’un saint. « Un seul homme qui « fait la volonté de Dieu », dit encore le Sage, « vaut mieux que dix mille impies ». (Sir. 16,3) Dix mille n’est pas synonyme d’un grand nombre seulement, mais d’une multitude incalculable.
Voyez quelle puissance c’est, qu’un seul homme juste. « Jésus, fils de Navé, a dit : Que le soleil reste immobile en face de Gabaon, et la lune vis-à-vis la vallée d’Elom. Ainsi fut-il fait ». (Jos. 10,12) Vienne donc ici le monde entier, et même deux, trois, quatre-vingts mondes comme le nôtre : qu’ils parlent ainsi ; qu’ils fassent pareille œuvre ! Mais ils ne le pourront jamais. L’ami de Dieu, lui, commandait aux créatures de son ami ; ou plutôt il n’a fait que prier cet ami divin, et les créatures, servantes de celui-ci, ont obéi ; et l’homme de la terre a commandé aux corps célestes. Voyez-vous, au reste, que ces astres sont faits pour l’esclavage, et remplissent un cours tracé d’avance ? Le fait de Josué est plus grand qu’aucun miracle de Moïse ; il y a une différence à commander à la mer, ou bien à dicter des lois aux cieux mêmes. Le premier prodige est grand, très-grand, mais non égal au second.
Or, écoutez la raison de cette grandeur de Josué ou de Jésus. Il portait dans son nom la figure de Jésus-Christ. Pour cette raison, pour ce nom attribué à l’homme, image du Fils de Dieu, la création dut le respecter. Mais quoi ? Ce nom de Jésus ne fut-il donc jamais donné qu’à lui ? Non, sans doute ; mais ce nom lui fut donné parce qu’il devait être la figure du véritable Sauveur. On l’appelait aussi Ausès d’abord, mais son nom fut changé et ce changement, à son égard, fut une prédiction, une prophétie. C’est lui qui fit entrer le peuple dans la terre promise, comme Jésus nous fait entrer au ciel ; la loi, non plus que Moïse, n’avait pas ce pouvoir ; ils restèrent dehors. La loi ne pouvait l’ouvrir, mais la grâce seule. Voyez-vous que, dans cet âgé dont tant de siècles nous séparent, les figures sont décrites d’avance par le, doigt divin ? Josué commanda donc à la création, ou, pour mieux dire, à la partie principale, au chef même de la création, tout en restant humble mortel sur la terre, pour que quand vous verrez Jésus lui-même sous les traits de notre humanité, parler avec une autorité sans égale, vous ne soyez ni troublé, ni effrayé. Au reste, Josué du vivant même de Moïse, battit et mit en fuite les ennemis ; et notre Maître aussi, même du vivant de la loi de Moïse, gouverne tout, mais en secret. Mais voyons la puissance des saints.
4. Si sur la terre, ils opèrent de tels prodiges, s’ils y font l’œuvre même des anges, qu’est-ce donc au ciel ? Quelle magnificence les y revêt ? Peut-être chacun d’entre vous désirerait être capable de commander au soleil et à la lune or, pour le dire en passant, que peuvent dire ici ceux qui font du ciel une sphère ? Pourquoi Josué n’a-t-il pas dit seulement : Que le soleil s’arrête ? Pourquoi ajoute-t-il : Qu’il s’arrête vis-à-vis de Gabaon, et la lune en face de la vallée d’Elom, c’est-à-dire, que le jour soit prolongé ? Ce miracle se reproduisit à la demande d’Ezéchias : le soleil même rétrograda. Et toutefois ce miracle étonne alors encore plus que le précédent ; il est plus surprenant de voir l’astre reprendre sa route au rebours, que de s’arrêter simplement. Et toutefois, si nous voulons, nous ferons quelque chose de plus grand encore. Car, que nous a promis Jésus-Christ ? Que nous arrêterons le soleil et la lune, ou que nous ferons reculer l’astre du jour ? Non ; mais quoi ?