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Jésus-Christ est dans la gloire du Père ». Comprenez : que tout le monde le proclame ; et remarquez qu’il s’agit ici de la gloire du Père, de sorte que partout, quand le Fils est glorifié, le Père est aussi glorifié, et réciproquement le déshonneur du Fils retombe sur le Père. Car, s’il en est ainsi même humainement et chez nous, bien qu’entre les pères et leurs enfants la distance soit grande, bien plus en est-il ainsi en Dieu, au sein duquel cette différence ne peut être ; ainsi l’honneur ou le déshonneur retombent sur lui. Selon l’apôtre, en effet, le monde est soumis au Fils, et c’est là précisément la gloire du Père. Donc aussi, quand nous disons que ce Fils est parfait, sans besoin aucun, sans la moindre infériorité à l’égard du Père, c’est encore la gloire de son Père. Celui-ci apparaît dès lors dans tout l’éclat de sa bonté, de sa puissance, de sa sagesse, puisqu’il engendre un Fils aussi grand, qui ne lui est aucunement inférieur ni pour la bonté, ni pour la sagesse. Oui, si je le proclame sage autant que son Père, sans une ombre d’infériorité, voilà bien déclarer la sagesse infinie du Père. Quand je le déclare aussi puissant que lui, j’indique en retour la puissance infinie du Père ; quand je le dis bon comme le Père, c’est assez dire que le Père est infiniment bon, puisqu’il a pu engendrer un Fils qui n’est à son égard ni inférieur, ni moindre. Quand enfin je nie la moindre infériorité d’essence entre eux, et que j’avoue leur égalité, l’identité même de leur substance ; par là même je proclame Dieu admirable, je chante sa puissance, sa bonté, sa sagesse, parce qu’il a bien voulu nous envoyer son Fils, ou plutôt un autre lui-même en tout point, sauf en un seul : c’est qu’il n’est point le Père. Ainsi tout ce que je dis à la louange du Fils, retourne à son Père. L’éloge même si pauvre et si chétif que je lui adresse en ce passage (car c’est bien peu de chose pour la gloire de Dieu, que d’être adoré par le monde entier), ce faible éloge appartient encore à sa gloire néanmoins : à combien plus forte raison tout le reste !
5. Croyons donc pour sa gloire, et pour sa gloire aussi sachons vivre, puisque faire l’un sans l’autre ne sert de rien. Car lorsque nous le glorifions selon la foi, sans vivre selon la loi, alors plus que jamais nous lui faisons outrage, puisque le reconnaissant comme Seigneur et Maître, nous ne le méprisons pas moins, nous ne redoutons pas son terrible tribunal. Que des gentils vivent dans l’impureté, rien d’étonnant, rien qui mérite un si grand supplice ; mais que des chrétiens, participants de si grands mystères, admis à une gloire si éminente, osent cependant mener une vie souillée, voilà une malice incomparable et impardonnable.
Répondez-moi, en effet. Jésus-Christ est descendu aux derniers degrés de l’obéissance, et a mérité ainsi de devenir le Seigneur des anges et des hommes, le Maître absolu de tout et de tous. Et nous croirions déchoir en nous humiliant ! Mais au contraire : nous montons â une élévation sublime ; jamais nous ne sommes aussi grands et dignes d’estime. Oui, celui qui s’élève s’abaisse ; celui qui s’abaisse s’élève ; et pour le prouver il suffit qu’une seule fois Jésus-Christ ait prononcé cette maxime.
Au reste, examinons cette question à fond. Être humilié, qu’est-ce, sinon subir blâmes, accusations, calomnies ? Être exalté, qu’est-ce, sinon recevoir honneurs, louanges, élévation en gloire ? Sans doute. Or, voyons comment on arrive à l’un et à l’autre but. Satan était un ange : il s’élève, qu’arrive-t-il ? Ne tombe-t-il pas au dernier degré de l’abaissement ? La terre n’est-elle pas maintenant son séjour ? N’est-il pas partout accusé et poursuivi de reproches ? – Paul n’était qu’un homme ; il s’humilie : qu’arrive-t-il ? N’est-il pas estimé, comblé de louanges, célébré par les éloges ? N’est-il pas l’ami de Jésus-Christ ? N’a-t-il pas fait des choses plus étonnantes que Jésus-Christ même ? N’a-t-il pas souvent commandé au démon comme à un vil esclave ? Ne l’a-t-il pas promené à sa guise comme on ferait d’un satellite ? N’en a-t-il pas fait son jouet et foulé aux pieds sa tête brisée ? Ses prières n’ont-elles pas obtenu à bien d’autres personnes une semblable victoire ? Pourquoi m’arrêtai-je à ce double exemple ? Voici celui d’Absalon et celui de David ; l’un qui s’élève, l’autre qui s’abaisse : lequel, enfin, obtient l’honneur et la gloire ? Or, se peut-il entendre rien de plus humble que la réponse de ce bienheureux prophète aux outrages de Séméi : « Laissez-le », disait-il, « laissez-le me maudire, c’est Dieu qui le lui a commandé ? » (2Sa. 16,10) Ainsi encore le publicain s’humilie, quoiqu’après tout son langage ne, fût point celui de l’humilité, mais seulement de la modestie